A la recherche de la vérité
A la recherche de la vérité,
Nicolas Malebranche, 1678.
(05-06)V
Nicolas Malebranche (1638-1715) occupe dans la lignée des philosophes postcartésiens une place particulière. D’une part, il semble tout devoir à Descartes : la lecture, en 1664, du Traité de l’Homme fut en effet à l’origine de sa vocation philosophique. D’autre part, il s’en éloigne radicalement pour renouer avec une philosophie empreinte de théologie augustinienne, dont
1. Du cartésianisme à la « vision en Dieu »
Entre la première édition de
Seule l’attention, véritable « prière naturelle de l’âme », peut nous tourner, en nous déprenant du monde extérieur, vers Dieu, source de toute lumière. Le premier livre est consacré aux sens, en tant qu’ils sont la principale source de nos erreurs. Le second traitera de l’imagination, « la folle du logis », pareillement « source féconde d’égarements et d’illusions ». Sens et imagination proviennent « de la nature et de la constitution du corps ». Seul l’entendement – « lumière naturelle » ou raison – peut nous permettre un accès à la vérité. Rien d’original ici par rapport à la philosophie de Descartes, si ce n’est la prolixité et la finesse des analyses. Mais l’entendement lui-même peut être cause d’erreurs (objet du livre III), et c’est ici que l’oratorien se sépare le plus nettement de son prédécesseur.
Contrairement à la sensation qui n’est en rien représentative, l’idée infinie n’est pas une modalité de l’âme finie : elle s’impose à lui, lui résiste. Véritables archétypes platoniciens, les idées ne sont pas contenues en l’esprit (comme les idées innées cartésiennes), mais se donnent à voir « en Dieu ». Par l’attention, nous pouvons avoir accès à ces idées qui nous débordent infiniment. « Vision en Dieu » ne signifie pas « vision de Dieu » : nous ne voyons pas Dieu qui, tel le Bien platonicien, éclaire toutes les idées et les rend intelligibles. Le cogito, où Descartes reconnaissait le modèle des « idées claires et distinctes », n’est pour Malebranche qu’un « sentiment confus ».
L’âme est passive par essence, elle ne crée rien mais reçoit tout de Dieu. Les livres IV et V de
2. Une lecture « laïque » de Malebranche
Le cartésianisme critique de Malebranche séduira les philosophes des Lumières (le baron d’Holbach, l’abbé Meslier, Helvétius...) qui, rejetant la théologie augustinienne dont il s’inspirait, feront de l’entendement la source de nos représentations. L’homme remplace Dieu. L’ordre du monde est le fruit de nos productions. Religieuse d’inspiration et d’intention, métaphysique et systématique, mécaniste et cartésienne de méthode, la pensée de Malebranche, qui voyait dans « la lumière divine » la source de toutes nos pensées, a paradoxalement étayé une philosophie radicalement opposée : l’empirisme matérialiste et athée du XVIIIe siècle. La vérité, au bout de la recherche, ne se trouve donc pas nécessairement là où elle était censée résider.
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