Devenir un Osiris
Devenir un OSIRIS
par l’action du feu secret
Par Thierry D.
Introduction
L’homme est un microcosme à l’image du macrocosme. Hermès nous dit que ce qui est en haut est comme ce qui est en bas. Ainsi la Genèse biblique concerne aussi bien l’univers que l’homme. C’est l’acte absolu de création, c'est-à-dire la création d’un schéma parfait ou archétype.
L’homme et l’univers se sont éloignés de cet archétype. C’est le thème de la chute, d'Adam et Eve chassés du Paradis. Tous deux se trouvent aujourd’hui dans un état imparfait dit " naturel " qui n’est en réalité qu’un état maladif. Cela implique le retour au plan parfait, celui de l’homme " divin ". Tel est l’objet de la réintégration ou de la transmutation, Grand œuvre individuel aussi bien que cosmique.
Dans notre rite, ce travail est imagé par la mort puis la résurrection de l’initié lui-même comme un nouvel Osiris. Par ce travail, j’essaierai de montrer un chemin conduisant à cette résurrection. Nous verrons que la clef de la transmutation est la croix Ankh, l’insigne des officiers également dessiné au centre du Kneph sur le tableau de loge.
Les facteurs de la transmutation physique
Le feu est le moteur principal
En alchimie interne, les deux clefs à découvrir sont le feu secret (ou Mercure) et la matière première. Une fois ces deux éléments connus, le processus du Grand Œuvre consiste à bien conduire le feu pour cuire (travailler) la matière et la mener à sa perfection. Cette cuisson s’opère dans le creuset placé au centre de l’athanor.
Le feu conduit toute l’œuvre. Il est unique par sa source mais multiple dans ses diverses manifestations.
- Dans son origine, c’est le Verbe de saint Jean, le feu animateur du monde, l’Esprit Saint, le Mercure des alchimistes. Nous le nommerons Mercure universel.
- Dans la nature, ce feu est l'élément animateur, la vie elle-même. C'est le Mercure universel dans un état spécifié.
Le feu dans le corps
Ce feu nous vitalise. Il se manifeste différemment en qualité et en quantité dans :
- chaque cellule,
- le système nerveux,
- les méridiens,
- le sang,
- le triple serpent de la colonne dorsale.
L’entretien physique du feu
L’organisme entier entretient ce feu dont l’Esprit cosmique est la source. Physiquement, ce feu est absorbé par :
- Les poumons qui aspirent le feu contenu dans l’air,
- Les organes de digestion qui extraient le feu de la décomposition des aliments.
Le corps de l'homme est un véritable athanor à température constante où s'opèrent de profondes transmutations et séparations.
Le support privilégié du feu
Le sang est le support privilégié du feu, car :
- les poumons qui purifient et animent le sang lui incorporent le feu de l'air,
- les organes de digestion tirent les éléments nutritifs et le feu de la décomposition et de la transformation des aliments. Puis ils les incorporent directement dans le sang.
Les organes qui incorporent le feu
Le feu de l'air est correctement incorporé dans le sang par les poumons si le feu issu de la nourriture a auparavant été incorporé dans le sang. En effet, l'incorporation préalable du feu des aliments est nécessaire à la fixation du feu de l’air. Intéressons nous donc à l'intégration du feu contenu dans les aliments.
Le chyle est la substance par laquelle le sang reçoit l'énergie provenant de la nourriture. Il contient l'essentiel du feu issu de la nourriture. Or, le chyle passe dans le sang par les conduits chylifères de l'intestin grêle. Pour toute l'incorporation physique du feu par les aliments et l'air, l'intestin grêle est l’organe privilégié. Son action est complétée par les poumons.
La qualité du feu incorporé
Si les processus décris ci-dessus relèvent d’un phénomène mécanique, la qualité et la quantité du feu incorporé dépendent pour beaucoup de l’orientation spirituelle de l'individu.
Le cycle des feux
L’organisme entretient ce feu dont l’Esprit cosmique est la source. Une fois spécifié dans le corps, celui-ci retourne à son origine en fermant la boucle du cycle des feux. Ce retour s’opère par l'éveil du feu secret de la colonne vertébrale. Celui-ci réalise la dernière transmutation dans laquelle le feu final rejoint le feu du commencement.
Le chaînon manquant et la clef
Posons le problème
Lisons Schwaller de Lubicz : " Il ne manque à cette œuvre qu’un chaînon, qui ne dépend plus de l’automatisme animal, mais de la décision spirituelle de l’individu : c’est celui de la suranimation par le désir, qui peut puiser directement dans la Source divine, et ceci est le miracle de l’Amour, par lequel le moi s’extériorise dans le Soi, réalisant le"Confondement" qui brise le cercle fermé de son égocentrisme ". (L’ouverture du Chemin)
Le chaînon manquant est donc l’incorporation directe du feu cosmique dans l’homme par la réorientation et la suranimation de son désir. Ainsi nous obtenons la progression suivante : volonté, désir, foi. Pierre Deghaye définit ainsi la vraie foi selon Jacob Boehme : " C’est la volonté convertie en désir de Dieu et fixée en un corps qui en manifeste la réalité substantielle… La foi est une chair qui se forme sous l’enveloppe de notre chair vile et dans laquelle l’Esprit rayonne. C’est cette chair que Boehme appelle la chair du Christ. La volonté se convertit en désir et le désir se fait chair. Le désir de Dieu se fait chair, et c’est la foi. La chair de notre désir, c’est la matière dont se nourrit notre être profond et à laquelle il s’identifie. Lorsque le désir s’est converti à Dieu, il se transmue en une foi qui devient la substance même de notre être spirituel... La révélation n’est pas un simple dévoilement, mais elle est une réalisation ".
Schéma récapitulatif
L'activation du chaînon manquant
Etudions la clef permettant l'activation du chaînon divinisant et son fonctionnement physique.
Le désir ou feu ténébreux est la clef du processus divinisant
Nous avons vu que pour l'œuvre de transmutation, il ne manque qu’un chaînon. Celui-ci ne dépend plus de l’automatisme animal mais de la décision spirituelle de l’individu. Ce chaînon est celui de la suranimation par le désir qui nommé feu ténébreux.
La clef de l'activation du processus de divinisation de l'homme est le désir. Mais ce désir transmutateur n'est pas une vague nostalgie romantique. C'est par la force de sa puissance viscérale que ce désir réoriente les corps physique, émotionnel et intellectuel. Il s'agit de mettre en place une force d'inertie spirituelle qui, une fois lancée, continue d'agir sans que l'individu en aie conscience. Voilà pourquoi l'homme doit être avide d'illumination. Il doit lutter, batailler, être en état d'attente constante et de présence.
Le désir dans le rituel
Le désir est représenté par la croix Ankh, présente dans la Loge. Par une analogie entre la forme de l’Ankh et le symbole de la planète Vénus, les alchimistes ont vu dans ce hiéroglyphe la signature du désir. Car vénus est associée au désir sexuel et nous retrouvons là notre clef du Nil. C’est un sens de l’expression " notre cuivre " que nous retrouvons dans certains textes alchimiques.
Le fonctionnement physique du désir
Le corps entier participe à l'incorporation du feu, mais de façon mécanique ou automatique. Cependant, le désir tel que nous l’avons défini permet l'animation du corps entier en général, de certains organes en particulier. Cette animation augmente la quantité et la qualité du feu incorporé. Ainsi le sang se charge de plus en plus du feu issu de l'alimentation et de la respiration. Mais la véritable clef transmutatrice est le chaînon manquant qui permet, grâce à l’appel du feu ténébreux, d’incorporer directement le feu divin. Cette incorporation du feu divin s’effectue directement dans le cœur, qui est notre creuset. Il va cuire cette matière première qui est le sang. A propos de cette intégration physique du feu, Jacob Boehme a pu écrire que " le désir devient substance ". La pression du désir personnel vers le divin devient telle qu'il se transforme substantiellement en feu dans le sang.
Par le désir, le feu divin contenu dans le sang imprègne tout le corps. Comme l'homme est sans cesse régénéré physiquement, chaque cellule est régénérée avec ce feu de plus en plus intense. Chaque cellule devient de plus en plus rayonnante et proche de son archétype.
Ce même désir active en profondeur les triples feux du caducée. Il opère ainsi la dernière transmutation de ce feu et son retour à l’origine. Un nouvel homme de plus en plus lumineux se substitue de jour en jour à l'ancien. La tunique de peau cède la place au corps de gloire.
Les hypothèses sur le sang
Eckhartshausen et le gluten
Selon Eckhartshausen, un principe nous maintient dans l'état maladif de la chute adamique. Ce principe réside dans le sang. Il le nomme " gluten ". Mais il existe un antidote qui détruira ce Gluten. C'est le sang du Christ. Car le sang de Jésus-Christ, issu d’un Père divin, a échappé à cet empoisonnement. Il possède une vertu tinctoriale régénératrice.
Milosz et le rôle ambigu du cerveau
Milosz nous décrit une hypothèse relativiste. Dans le sang, réside l’intégralité de la conscience. Le cerveau, souvent désigné par un symbole lunaire et donc réflecteur, est un tamis, un filtre. Il exerce un rôle inhibiteur afin d’échapper à l’aveuglement que susciterait une conscience pure.
Cette conscience sanguine serait le lien, le point de jonction avec la connaissance absolue (ou la mémoire universelle) qui se situe en dehors de toute considération espace-temps. De ce fait, par le sang, le cœur est à même de transmettre cette connaissance par anamnèse. Il permettrait de se souvenir, c’est-à-dire de réactualiser la mémoire de la connaissance. Il en ferait le lieu de manifestation de l’Hermès et de la partie spirituelle de l’individu.
Une conclusion ?
Pour ces deux auteurs, le sang est une clef de la transmutation de l'homme. L'activation de ce sang pour Miloz, la réception de l'antidote pour Eckhartshausen, s'effectuent de la même façon : par la prière complétée par le rite. Ces deux auteurs identifient ce rite à l’Eucharistie, c'est-à-dire à la manducation du divin par le pain et le vin changés en corps et sang du Christ. Nous retrouvons les processus décrits précédemment : destructeur du Gluten, feu divin et ténébreux, sang, incorporation du feu dans le sang.
Les pratiques découlant de cette étude
Décrivons les trois techniques essentielles à toute transmutation. Puis détaillons les éventuels adjuvants physiques.
Les trois outils essentiels
Il existe trois techniques de base qui nous retrouvons dans tous les milieux initiatiques authentiques. Elles ne fonctionnent que si elles sont conduites en parallèle. Ces trois techniques sont :
- la prière : l’objet de la prière est l'union de l'homme avec le divin. Elle doit devenir perpétuelle. Peu à peu, elle s'associe à la sensation que ce n'est plus nous qui prions, mais Dieu qui prie en nous. Elle peut être effectuée en tout lieu et en tout temps. Elle commence par la sensation du feu divin qui descend dans le cœur.
- le rite : le rite est fortement teinté par sa propre imagerie : chrétien, maçonnique, martiniste. Il active des archétypes et favorise la descente du feu divin.
- l'étude : effectuée dans certaines conditions, l'étude des symboles et des textes sacrés possède une vertu transmutatrice.
L'homme cheminant sur la voie se sert de béquilles pour s'aider à se transmuter. Un jour l'homme sera. Alors :
- la prière sera permanente en lui,
- le rite sera inutile car déjà réalisé et vivant en lui,
- l'étude apportant la gnose ou connaissance universelle vivra en lui et s'écoulera de lui comme une fontaine d'eau vive.
Les adjuvants
Autour des trois techniques décrites ci-dessus, se regroupent d'éventuels compléments. Ils ne sont ni nécessaires ni suffisants. Mais ils servent de catalyseurs utiles. Intéressons-nous à trois d’entre eux connectés à notre sujet : les organes, le sang et les fonctions.
Les organes
La méditation sur certains organes conduit à leur suranimation. Par la méditation, un éveil particulier s'opère en eux. Aux fonctions animales automatiques s'ajoutent peu à peu des fonctions spirituelles. Le feu de la nature est alors intégré en plus grande quantité et qualité.
L'organe principal sur lequel méditer est le cœur. Il régule tous les organes et toutes les fonctions de l'organisme. Il existe aussi un cœur spirituel, siège de la présence divine en nous (Hermès). Le cœur physique en est le ministre. Ce cœur spirituel est le centre où siège le feu divin incorporé par le feu ténébreux. Sa région se situe entre le cœur et le plexus solaire. C’est là que doit se porter l’attention vigilante. L’animation du cœur et l’activité d’Hermès coopèrent pour l'animation des fonctions organiques spirituelles qui sommeillent en nous. Définissons les organes secondaires, coopérant directement à l'incorporation du feux de la nature : l'estomac, le foie, l'intestin grêle et les poumons.
Le sang
La méditation sur le sang est un autre adjuvant. Le sang est le support corporel du feu. Il imprègne l'organisme.
Les fonctions organiques
L'incorporation du feu est établie par les deux fonctions de digestion et de respiration. Aussi, la méditation sur ces deux fonctions favorise l'incorporation du feu de la nature. Ces deux fonctions sont liées aux organes secondaires définis précédemment :
- La digestion : estomac et intestin grêle. La séparation débouchant sur la digestion, le foie sera aussi rattaché à la digestion.
- La respiration : poumons.
Bibliographie
CASE, Paul F., Le Grand Œuvre, Builders of the Adytum, édition privée.
D'Ansembourg, Jean-Marie, Les gnoses et la Gnoses, in L'Esprit des Choses. CIREM.
Deghaye, Pierre, La naissance de Dieu, Albin Michel, Paris, 1985.
Dee, Jean, La Monade Hiéroglyphique, Editions Sebastiani, 1975.
LABOURE, Denis, L’alchimie spirituelle, chez l’auteur, Saint-Etienne, 2000.
Schwaller de Lubicz, Isha, L'ouverture du chemin, La Table d'Emeraude, Paris 1985.
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