Etre Franc-Maçon au XXI e siècle
Etre Franc-Maçon au XXIème siècle
Conférence publique donnée dans les locaux de la Loge
le 25.10.04 par le Fr.'. M.'. D.'. R. D.
Etre Franc-maçon au XXIème siècle.
Le titre de cet exposé est un peu une boutade et surtout une gageure. Il recouvre en tout cas une autre question, celle que sans doute il est normal que vous vous posiez toutes et tous, et nous également, à savoir : pourquoi être Franc-Maçon de nos jours et à quoi ça sert ?
Il n’est pas facile de parler de la Franc-Maçonnerie et d’avantage encore de l’expliquer.
Il existe bien une littérature très abondante sur le sujet, écrite pour une part par les membres de l’ordre Maçonnique ; ce sont souvent des études, des recherches historiques, symboliques, des traités, des essais philosophiques ou sociologiques, quelques peu indigestes pour les non initiés, il faut bien le reconnaître, et pour une autre part, presque équivalente, par des écrivains ou des journalistes extérieurs à l’organisation.
Combien d’articles, dits d’investigation, n’ont-ils pas été publiés dans le but de faire monter les tirages quand une guerre ou une catastrophe naturelle n’y palliait pas ? Il y est dit, dans cette littérature, de bonnes et de sérieuses choses, mais aussi, parfois, il faut bien le reconnaître, n’importe quoi. Le sensationnel étant dans ce genre de littérature, la meilleure des vaches à lait.
Je vais essayer d’être le plus complet possible pour répondre à ce « Pourquoi » mais, ce dont je vous assure, c’est que je vous livrerai et expliciterai quelques-uns de ces fameux secrets Maçonniques qui exercent encore un pouvoir de fascination sur le commun des mortels.
La Franc-Maçonnerie est une société initiatique !
Voilà posé le cadre de notre entretien.
Avant d’aborder le présent et le futur, trois mots du passé.
J’imagine que si vous êtes venus ici c’est que le sujet vous intéresse et peut-être avez-vous lu l’un ou l’autre des livres dont je parlais tout à l’heure. Mais étant donné le nombre écrasant d’ouvrages consacrés au sujet, que beaucoup de ceux-ci avancent les thèses les plus fantaisistes et construisent notre histoire sur la base de légendes farfelues étayées par la révélation de vrais-faux secrets, il est bien difficile d’y voir clair, d’autant qu’une certaine discrétion, il est vrai, entourait l’origine et le développement primitif de la Franc-Maçonnerie.
Et puis il y a la variété des formes qu’elle a revêtues dans les différents cadres et les circonstances de ces évolutions à travers le temps. Vous trouverez des Francs-Maçons qui font remonter leur origine aux bâtisseurs de cathédrales ou aux templiers, voire à l’Egypte ancienne, ils y arrivent en étudiant l’histoire avec un grand « H » et en tirent de petites histoires par la découverte de similitudes, dans la ressemblance de certains rites, dans des orientations philosophiques compatibles.
Cela les conforte dans leur appartenance à une association prestigieuse et les valorise au début de leur parcours vers leur initiation effective.
Ainsi quand vous entendrez des Francs-Maçons citer des grands noms ayant appartenu à l’ordre, - et c’est vrai qu’il y en a une liste impressionnante -, ce sont pour la plupart de jeunes affiliés qui se font plaisir comme d’autres rouleraient des mécaniques.
Mais, et je vous révèle ici un des secrets de la Franc-Maçonnerie, les membres de notre association sont des hommes comme les autres, ou presque.
Naturellement, il est légitime d’être fier de nos glorieux aînés, mais c’est dans le progrès de chacun, donc dans l’avenir de l’homme que la Franc-Maçonnerie trouve sa justification.
Revenons un instant encore à l’histoire.
La Franc-Maçonnerie est née au XVIIème siècle mais c’est au début du XVIIIème, en 1717 exactement, que se constitua à Londres la première fédération de loges.
En faisait encore partie, probablement, une extrême minorité d’ouvriers bâtisseurs de cathédrales mais la grande majorité des Frères qui la composait étaient de bons bourgeois, aisés, socialement reconnus et, parfois, quelques gentilshommes à la particule prestigieuse éprouvant le besoin de fraterniser par-dessus les barrières de leur condition, - comme on disait alors -, par-dessus les frontières de leurs idées politiques ou religieuses dont ils avaient, - déjà -, le sentiment qu’elles constituaient un frein à l’épanouissement d’une société, tentant de s’extraire des despotismes divers qui avaient été le lot, jusque là, des peuples d’occident.
Bref, c’était une organisation mondaine, de bon ton et de bonnes mœurs, préoccupée de spiritualité, de culture et surtout, d’humanisme.
Le succès fut fulgurant, en quelques années des centaines de loges se formèrent, le mouvement traversa la Manche et conquit l’Europe, de grands souverains et des chefs d’état y adhérèrent y compris chez nous.
Le principe de base de la Franc-Maçonnerie étant de laisser à chacun de ses adeptes la faculté de penser librement, de parler librement, d’écouter l’autre dans le respect de sa personnalité fit que, et c’est bien ainsi, que l’esprit des loges et l’orientation de leur réflexion, de leurs recherches, ont pris la couleur du terroir d’accueil, les préoccupations variant d’un pays, d’une région à l’autre.
Ainsi la Franc-Maçonnerie universelle utilisa-t-elle des actions, des moyens, des méthodes reflétant les mentalités et usages locaux.
La Franc-Maçonnerie est donc à l’origine, un pur produit de la société occidentale.
Elle est aujourd’hui pratiquée dans le monde entier, dans des pays aux politiques différentes et aux croyances diverses.
Au début du XVIIIème siècle, vous pensez bien que les gentlemen anglais et compassés, ce qui est sans doute un pléonasme, n’avaient pas imaginé le moindre instant que leur société pouvait accueillir les Femmes ! Les affaires d’hommes sont trop sérieuses pour cela !
Actuellement, il existe des obédiences féminines très actives, accomplissant un remarquable travail ; et même une obédience mixte où maçonnes et maçons unissent leur savoir et tirent richesse de leurs différences de sensibilité.
Voilà qui clôt cette introduction historique de la maçonnerie, venons-en donc à ce qu’elle est aujourd’hui.
Quel est son but ?
A l’origine dirons-nous, l’Homme.( Pardonnez Mesdames à un vieux pas macho du tout, mais sachez que si je dis Homme ici, c’est au sens générique du terme. Il ne s’agit en aucun cas d’une quelconque discrimination qui, d’ailleurs, nous le savons vous et moi, serait en défaveur de la gente masculine).
L’Homme à l’origine était de matière et d’esprit. Un jour l’animalité prît le dessus et la matière occulta l’esprit !
Tout le sens de l’aventure humaine est d’échapper à cette domination, chacun retrouvant en lui sa part d’esprit occultée pour la rétablir dans son état originel.
Utopie diront certains !
Nous, considérons que ce projet est réalisable parce que nous croyons que l’homme est perfectible. C’est le postulat maçonnique.
Nous abordons ici la révélation d’un autre grand secret de la maçonnerie, peut-être le secret majeur à mon sens, le moins « secret de polichinelle » : Le Franc-Maçon doit s’exercer, inlassablement, tout au long de son parcours d’initié à éclaircir sa pensée, à la libérer.
La vie d’un Franc-Maçon est consacrée à la poursuite de la lumière que les hommes ont un jour perdue ou oblitérée, dont la trace pourtant subsiste au fond de chacun.
C’est la grandeur, la beauté et la difficulté de cette entreprise humaniste.
Comment traduire cela en mots !?
Comment exprimer l’inexprimable !?
Pourtant, est-ce secret ?
Essayons de passer à travers les contingences des non-dits. L’engagement d’un Franc-Maçon est l’engagement de toute une vie.
L’engagement en Maçonnerie, vous saisissez la nuance, peut s’interrompre au moment même où on le décide, souverainement.
Aucune contrainte de quelque sorte que ce soit ne lie un Franc-maçon à l’ordre, - hormis le paiement de sa cotisation annuelle - ! Par contre, une loge peut demander à un de ses membres de démissionner, pour diverses raisons, mais, le plus souvent, parce que celui-ci ne trouve pas dans les objectifs poursuivis son épanouissement personnel.
Alors, comment peut-on dire qu’il s’agit de l’engagement de toute une vie ?
Cela tient à la nature de l’engagement !
La Franc Maçonnerie n’est ni un dogme à prendre ou à laisser, ni une idéologie à laquelle il faut adhérer en bloc, c’est seulement, si j’ose dire, seulement un idéal, que toute une vie, on tente d’approcher, que l’on essaye de réaliser.
Les buts du Franc-maçon sont humanistes :
Œuvrer à l’amélioration de l’humanité sur les plans intellectuel, moral, spirituel et aussi matériel.
Cela veut dire que le Franc-maçon s’engage à acquérir des connaissances, à approfondir sa valeur morale et à s’impliquer matériellement dans la cité.
C’est bien là l’engagement de toute une vie, n’est-ce pas ?
Mais cet engagement n’est possible que s’il s’appuie et se nourrit du postulat que j’évoquais il y a un instant : La perfectibilité humaine.
La Franc-Maçonnerie ne défend ni une politique, ni une philosophie, ni une religion… seulement l’Homme !
Le combat qu’elle mène est le combat pour la liberté de l’homme et, c’est là une des raisons, vous le comprendrez aisément, de son devoir de réserve. C’est là l’origine d’un fatras de légendes et d’affirmations plus ou moins exactes sur le secret.
Tous vous savez, comme moi, comme nous, que règne la corruption, que le culte de soi est de règle, que l’immoralité est de mise, que l’intelligence est considérée comme signe d’inefficacité, que le mensonge fait loi. Comment peut-on, dès lors, être mobilisés par le souci d’exister avec justesse et apprécier avec justice ?
On ne cherche plus à distinguer le bien du mal. Nous avons perdu le fil d’équilibre du doute. Douloureux fil du rasoir peut-être, mais indispensable source de questions existentielles auxquelles il nous faut trouver réponse par nous-mêmes, sous peine d’être robotisés ou assistés par les saintes lois du marché !
Mais… qui sont donc ces hommes et ces femmes qui s’engagent en maçonnerie… dans ce que d’aucuns n’hésiteront pas à qualifier de Donquichottisme ? Et comment deviennent-ils ce qu’ils sont ?
On devient adhérant ou membre, en le demandant. Point !!
Vous qui êtes ici, vous connaissez l’adresse, il suffit d’ouvrir un bottin de téléphone à « Loge maçonnique » ou de consulter nos sites Internet… ce qui tord déjà le cou aux rumeurs prétendant que tout se fait dans l’ombre.
Mais si demander son affiliation n’est qu’une formalité simplissime, si elle n’est pas motivée par la volonté inébranlable de progresser dans sa condition d’homme ou de femme, le résultat ne sera peut-être pas à la hauteur de l’objectif recherché.
Ne croyez pas que les francs-maçons soient tous des êtres d’exception ou le deviennent par l’enseignement qu’ils pourraient recevoir ; heureusement, il n’en est rien ! Rendez-vous compte de l’ennui qu’engendrerait une assemblée de supermen ou superwomen ! Dans la plupart des cas, celui qui entre dans notre organisation le fait à la suite de la rencontre de l’homme et d’une idée.
La Franc-Maçonnerie présente une idée du monde qui s’adresse à tous, mais elle ne sollicite personne, on en fait le choix. Ce choix ne peut être que réfléchi, délibéré, car c’est un choix de vie, avec toutes les conséquences que cela entraîne ; c’est d’avantage qu’une aspiration, c’est le besoin d’une structure, l’acceptation de devoirs… et d’obligations indispensables pour l’aboutissement d’un projet individuel ou commun.
Il y a parmi nous, des Frères et des Sœurs de toutes tendances, de tous niveaux de préparation ou d’études, de diverses professions, libérales ou non, croyants ou non ; et chacun a sa place, exactement, et cette place est celle qu’il a choisie d’avoir.
Voilà comment ça se passe :
Après la cérémonie de réception du nouveau membre, il devient apprenti maçon et on lui demande ; (encore un secret que des gens plutôt mal que bien intentionnés propagent vers des oreilles avides de sensationnel) ; et on lui demande de se taire, pendant au moins un an. Oui, c’est vrai ! Encore que, croyez-moi, cette interdiction n’est que très partielle et qu’après les études et les travaux en communs, chacun a largement l’occasion de s’exprimer sur n’importe quel sujet qu’il désire aborder.
Pourquoi cette exigence de silence ?
Voici une anecdote pour tenter de l’expliquer : Un soir, dans la forêt amazonienne, je demandai à mon guide indien comment il arrivait à se repérer dans cette nuit noire ? Il me raconta qu’à leur naissance, les enfants indiens étaient maintenus par leur mère, pendant au moins trois à quatre semaines, dans la pénombre pour apprendre à percevoir autour d’eux le monde vivant, de jour comme de nuit.
L’apprenti maçon, lui aussi en quelque sorte, naît dans un monde nouveau. S’il doit se taire, c’est pour apprendre à écouter. Tous, nous sommes passés par-là, et tous, nous découvrons cette faculté d’écoute de l’autre, d’abord avec étonnement, ensuite avec la joie profonde, sincère et sans calcul de la découverte de l’autre quelle que soit sa différence et, aussi, en retour, la certitude d’être écouté.
Cela ne vous sidère pas, vous, de voir notre société, que l’on dit de communication, n’être en définitive qu’un marché qui soliloque ? Tout le monde parle, personne n’écoute.
Mais attention, cela ne veut pas dire que la contradiction n’existe pas en ces murs ! Au contraire, mais elle se fait toujours dans le respect de l’opinion de l’autre. Tous ceux qui entrent en maçonnerie le font avec leurs idées, leurs capacités, leurs convictions et leurs espoirs et ils les garderont si telle est leur volonté ; à une énorme différence près, que je vais tenter de vous démontrer.
En Franc-maçonnerie, une des premières grandes joies est, je viens de vous le dire, la découverte d’un monde à l’écoute, un univers altruiste. La qualité de cette joie est cependant conditionnée par la qualité de la compréhension que l’on aura de l’autre. Comment y parvenir sans avoir, avant toute chose, la connaissance de soi-même ?
Là, donc, commence le parcours de chaque maçon : Savoir écouter et faire connaissance avec soi-même.
Dans leur langage symbolique c’est ce qu’ils appellent tailler d’abord, polir ensuite, leur pierre.
Croyez-moi, cet exercice conjugué est loin d’être aussi facile qu’il n’y paraît. Ce n’est pas simple de reconnaître ce que l’on est réellement ; et d’avoir le désir de remédier à ses défauts. De le faire avec intelligence et avec clairvoyance alors que jusque là, on s’était persuadé que l’on était franchement, pas si mal que ça !
Après cette période d’apprentissage du silence et d’introspection, l’orientation du parcours diffère quelque peu. Car, dès lors, c’est une très longue suite d’études de tous ordres qui se présente. En fait, ces études se feront de plus en plus pointues et ne se termineront qu’avec nous-mêmes.
Vous savez, sans doute, que les Francs-maçons s’attribuent des grades. Il s’agit en réalité de degrés qu’ils acquièrent sur la foi de leurs connaissances engrangées au fil de leur progression ; et comme dans la vie, plus on va, plus c’est difficile et complexe.
Nul n’est contraint, toutefois, d’aller au-delà de ses capacités. Où qu’il s’arrête, ou décide une pause, chacun peut, sa vie entière, approfondir et affiner ce qu’il ressent à cet instant ; et ce qui est extraordinaire, c’est que quel que soit le choix d’un Frère, de se cantonner à un certain niveau ou degré, il sera aimé, apprécié, écouté par tous les autres, indépendamment de leur situation ou degré.
Cela aussi semble contre nature à certains journalistes ou écrivains (et combien ne leur emboîtent-ils le pas) ?
Comment des hommes et des femmes qui, extérieurement, ne semblent avoir quoi que ce soit de commun, peuvent-ils s’aimer au point de s’entraider sans la moindre réserve ?
Extérieurement oui ! Mais à l’intérieur ?
Comment voulez-vous ne pas aimer quelqu’un qui partage le même idéal ? Comment voulez-vous ne pas être solidaire de celui qui mène le même combat que vous ? Comment voulez-vous ne pas être fier d’être le Frère, ou la Sœur de quelqu’un qui, au détriment de son confort, essaye de mettre un peu de ciel bleu, un peu de lumière dans la grisaille de plus en plus dense que l’on nous concocte.
Voilà pourquoi, aussi, la Franc-maçonnerie pratique l’encouragement à la culture de soi-même, à la culture en général et l’engagement dans la cité : Pour que l’amour que se portent ses membres rejaillisse sur le plus grand nombre.
Revenons aux degrés :
Le Franc-maçon qui s’astreint à l’étude de l’économie ; mais oui, de la géopolitique, de la sociologie, des mathématiques, de l’astronomie ; (pourquoi pas) ? qui se plonge dans l’histoire des civilisations, des religions, développe en lui deux choses :
Un esprit libéré et adogmatique, une capacité d’appréciation des situations plus clairvoyante d’une part
D’autre part, une série de vertus comme la patience et l’humilité.
Cela lui permet d’exprimer son opinion autrement qu’à travers des vérités assénées dans le journal du matin ou les propos définitifs du café de la gare. Et c’est là que les choses se compliquent singulièrement.
Les institutions en place n’aiment pas, en général, mais alors, pas du tout, les raisonnements critiques.
Comme je l’ai dit, il y a un instant, Franc-maçonnerie et humanisme se confondent. A l’heure d’une mondialisation qui, il faut bien l’admettre, ne profite pour le moment qu’aux puissances financières, à l’heure où les églises d’occident ou d’orient font preuve de plus en plus de fondamentalisme étroit et criminel, à l’heure où les totalitarismes continuent à fleurir, l’humanisme en prend un sacré coup et les Francs-maçons deviennent dans la foulée des cibles privilégiées.
Car les grands financiers n’aiment pas que l’on analyse les sources de leurs profits.
Les églises et, à fortiori, les fondamentalistes bornés, ne supportent pas la remise en cause de leur dogmatisme. Les totalitarismes ne peuvent admettre la moindre critique de leur système d’oppression.
Aucune église, aucun parti politique ne peut croire et donc admettre la libération de l’homme par lui-même, par son indépendance d’esprit.
C’est pour eux intolérable, et, ce qui est peut-être plus grave, incompréhensible :
Comment se prétendre humaniste et critiquer la gauche ? comment aimer l’ordre et fustiger la droite ? Comment être agnostique ou même athée et se sentir bien dans sa vie ? Comment vivre une foi rayonnante parce que débarrassée des scories que les hommes d’église y ont introduit comme autant d’obstacles à la pureté de sa croyance ?
La philosophie maçonnique de la recherche de la vérité pour la vérité est intolérable à ceux qui prétendent la détenir en exclusivité.
Des milliers de Francs-maçons ont payé de leur vie leur outrecuidance, sous Franco, Hitler ou Pinochet, la liste est malheureusement très longue. En maintes terres d’islam, l’appartenance est punie de mort, l’église catholique excommunie les Frères maçons. Chez nous, en Suisse, il y a eu l’initiative Fonjallaz et beaucoup d’entre nous ont perdu leur emploi dans les administrations, des commerçants ont été boycottés. Ce n’est pas de l’histoire ancienne.
Dès lors, ne trouvez-vous pas normal que le Franc-maçon, s’il n’est secret, tienne à une extrême discrétion. Et puis, comment faire croire aux gens que l’on fait le bien autour de soi, sans rien en dire, même parfois à ses proches, sans en tirer gloire ou honneur en retour ? Il est évident que ça cache quelque chose.
Un Franc-maçon fait son devoir d’homme parce que c’est son devoir, point !
Un Franc-maçon est un humaniste parce que c’est sa façon de penser, sa façon de vivre, point à la ligne !
D’accord, mais au vingt et unième siècle, que peut faire la Franc-maçonnerie, que doit-elle faire pour influer sur le cours de cette histoire de fous avides que nous subissons ?
Après les terribles massacres du vingtième siècle, les millions et les millions de morts des deux guerres mondiales, d’autres millions encore, suite à de gigantesques famines, après l’écroulement de quelques régimes pernicieux, après les décombres des décolonisations et l’émergence de nouvelles nations dans un indescriptible désordre, après les guerres régionales, ethniques, religieuses et celles dites (quelle dérision) civiles, après tout cela, la vocation de Fraternité est de plus en plus une nécessité.
Pour une part modeste, diront les esprits chagrins, quoi que… la Franc-maçonnerie héritière d’une tradition immémoriale peut aider notre monde à retrouver les principes essentiels susceptibles de réassurer l’équilibre des personnes et, l’harmonie des nations. Cela passe par la reconnaissance d’une transcendance ; par l’amour des hommes et des femmes qui les composent, par le perfectionnement intérieur, par la culture de l’esprit, par la pratique des vertus, même les plus élémentaires que sont la justice, l’amour, la fraternité, la force, l’espérance.
La Franc-maçonnerie peut jouer et jouera un rôle déterminant à l’aube du troisième millénaire parce qu’elle est enracinée dans une tradition pluriséculaire, une tradition gardée vivante et moderne, dans la clarté, une tradition qui peut vivre parce que le symbolisme et les symboles sur lesquels elle s’appuie, sont immuables, leur conférant valeur d’archétypes.
Les valeurs du monde qui nous environne ont par trop un relent de valeurs boursières pour les uns et pour les autres, hélas, comme au Darfour par exemple, les seules valeurs qui soient sont celles, impérieuses, de la simple survie.
Il faut savoir ceci, qui me semble primordial :
Une nouvelle économie émerge et nous basculons dans un monde où plus que jamais, ce qui va compter, ce sont les talents, les capacités d’adaptation, d’imagination et de créativité des hommes.
La Franc-maçonnerie étant jusque dans ses fondements, dans sa philosophie, un laboratoire de reliance, apparaît de plus en plus et je dirais aujourd’hui, de mieux en mieux, une porte du devenir.
Du devenir de chacun en le révélant à lui-même par la ou les cultures, et lui permettre de se relier aux autres en libérant ses talents, de se relier au monde à travers ses capacités d’adaptation basées sur la faculté d’analyse des problèmes du monde.
Du devenir de la société, en ce que chaque membre travaille sans cesse au progrès des communautés humaines. Travail qui, comme vous l’imaginez, n’est pas près d’être achevé et donc en perpétuel devenir.
C’est le travail de ceux qui ont choisi la liberté, la liberté de penser seuls, de penser par eux-même.
L’objet premier d’un Franc-maçon est la traduction pratique de tout ce qui constitue le voyage humain vers la spiritualité.
Le progrès de l’humanité est et restera une utopie diront les sceptiques. Et c’est vrai !
Je suis d’accord si l’on prend l’humanité en tant que telle. Mais il y a progrès possible dans et par les hommes qui la composent. Ce progrès ne peut donc être qu’individuel et, je crois qu’il n’a de sens que s’il est librement choisi.
Les Francs-maçons ont tous choisi d’être des artisans du progrès, de le construire, de le montrer, de le démontrer pour que le plus grand nombre ait envie d’y accéder.
Les francs-maçons du vingt et unième siècle ont la même règle commune à leurs prédécesseurs : Le partage d’un idéal, la même vision du rôle et de la mission des hommes.
Le plus inviolable et le plus profond secret de l’ordre maçonnique est là, c’est le sentiment que nous éprouvons tous de nous connaître et de nous reconnaître , (sans avoir besoin de signes kabbalistiques pour cela), celui d’être différents, non pas meilleurs, simplement différents.
Ce secret là restera inviolable, non parce qu’il serait terrible ou honteux, non, seulement parce qu’il ne peut être traduit en mots. Il est indicible.
Nous savons que notre ordre a une tâche gigantesque à accomplir, je ne vous ferai pas subir la nomenclature des dérives de la société actuelle.
Si nous voulons transmettre les valeurs dont je viens de parler, il est indispensable que l’ordre forme, dans la modernité, des hommes qui vivent et pratiquent les valeurs d’une tradition vivante, des hommes armés de leur seule bonne volonté qui se dressent comme ils le peuvent, comme ils le veulent, avec leur foi, leurs convictions pour faire face, pour faire briller l’étincelle, bien fragile, de l’esprit.
Nous voyons les convictions religieuses, les certitudes politiques qui se délitent, qui s’effondrent rongées par la réalité. Peut-être à tort, mais ces religions et ces politiques n’avaient pas à être bâties sur un système visant souvent le pouvoir, mais auraient du l’être sur des idées de justice, d’égalité et d’amour des hommes.
C’est dans les systèmes que gisent étouffées les convictions profondes aptes à juger les valeurs sociétales.
On ne désespère pas d’une idée, mais bien de ses fausses pratiques érigées en dogmes, en systèmes canalisant les pensées et la spiritualité dans et vers un but précis: l’asservissement d’autrui pour l’exercice du pouvoir.
Pour conclure, Mesdames et Messieurs, chers amis, être Franc-maçon, pratiquer la Franc-maçonnerie est en quelque sorte, un r^ve citoyen, un rêve, mais un rêve vécu.
L’encouragement à la culture de soi-même et l’engagement dans la cité sont préconisés par la Franc-maçonnerie car elle n’est rien d’autre qu’un idéal de vie.
Les Francs-maçons, parce qu’ils ont foi en l’homme, en l’esprit, se sentent investis d’une mission dont l’accomplissement passe par la mise en pratique d’obligations et de devoirs qui, essentiellement, sont d’ordre moral et spirituel. Cela signifie aussi, à l’évidence qu’ils ne sont pas les seuls à détenir quelque parcelle de vérité mais que, sans doute, ils sont parmi les seuls à s’être libérés de toute vérité révélée et de tout dogmatisme.
En cela, ils ont un privilège intellectuel, celui d’avoir l’esprit libre.
Malgré toutes les dérives et tous les avatars de la folie des rapaces et des loups, l’homme est en route pour un autre destin, son destin. Il y a des frémissements qui se font sentir.
Il y a peut-être d’autres voies pour favoriser le progrès moral et spirituel, mais celle qu’empruntent les membres de l’ordre maçonnique a l’avantage sur toutes les autres de n’être soumise à aucune politique, de ne privilégier aucune manière de voir, de ne se plier à aucun pouvoir discrétionnaire.
Le Franc-maçon, le vrai Franc-maçon revendique le droit de douter et de chercher. Il s’impose individuellement et collectivement une discipline d’éclairement des choses de la vie et de la mort, cette quête est constante et sans fin.
Voilà pourquoi les Frères et les Sœurs constitués en Loges agacent ou inquiètent certains qui, étonnés de l’amour qu’ils se portent, de l’entraide qu’ils exercent, en font l’objet de quelque abominable secret d’alliance occulte alors qu’il ne s’agit, tout simplement, que d’un sentiment de profonde reconnaissance, de respect mutuel et de liens affectifs qui relèvent de l’indicible.
Nous avons tous besoin d’un refuge, même si nous n’avons pas besoin de nous y rendre. Je n’irai sans doute jamais au sommet du Cervin, mais j’ai besoin de savoir que la montagne existe, cette possibilité de nous évader nous est aussi nécessaire que l’espoir.
Sans cela, la vie dans la cité serait intenable et, en fait, c’est ce qui se passe. Bien des hommes sont acculés à la drogue, au crime ou à la psychanalyse.
L’idéal de la Franc-maçonnerie est de construire la vie, non pas sur la vie, mais dans la simplicité du don généreux, d’un espace de liberté pour chacun, dans la clarté.
C’est à découvert et dans la liberté que l’amour fleuri le mieux.
L’engagement maçonnique est une merveilleuse aventure, c’est vouloir construire de toutes ses forces un monde meilleur.
C’est notre défi à travers le temps passé et le temps à venir.
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