L'image divine et son interdiction dans les religions monothéistes
TRINITE ET MONOTHEISME
17 juin 2000
L’image divine et son interdiction dans les religions monothéiste
Dirk van der Plas
1. Introduction
La religion est un phénomène, un élément ou une fonction de la culture humaine. Dans ce cadre la notion de "culture" peut être définie comme "tout ce que l’homme apprend de l’environnement dans lequel il est né, il grandit et il habite plus tard", ou encore "la culture est la forme dans laquelle l’homme réagit par rapport à la réalité qui l’entoure". La religion peut être définie comme "l’ensemble des expériences, représentations et actes des individus et des groupes, qui se rapporte à une réalité ressentie comme étant d’une nature autre et plus élevée". En général, l’homme ressent cette réalité sacrée comme quelque chose lui parvenant de l’extérieur, comme une révélation. Les formes concrètes par lesquelles la religion se manifeste sont déterminées par deux facteurs: le lieu et l’époque. Dans la plupart des cas, l’homme ressent cette expérience de révélation comme une confrontation avec une entité vivante. Dans la plupart des religions, le pluralisme de la réalité est ressenti comme la manifestation d’autant de dieux. Dans ce cas, on parle d’une religion polythéiste. Au contraire, il existe des religions rigoureusement monothéistes. C’est-à-dire, des religions qui proclament l’existence d’un seul dieu unique. Une particularité des religions monothéistes est que le dieu est transcendant, qu’il surmonte la réalité physique. Pourtant on ne peut que parler de ce dieu à l’aide de termes qui sont empruntés au monde humain. On dit de lui par exemple qu’il est un père affectueux et qu’il parle.
En revanche, les dieux des religions polythéistes sont principalement immanents, c'est-à-dire qu’ils se manifestent dans la réalité physique. En plus de cela, les dieux des religions polythéistes sont figurés et représentés en images fabriquées. Leurs formes physiques sont empruntées au monde humain. Par exemple, ils sont souvent figurés sous une apparence humaine ou animale, ou sous une apparence combinée. Ils sont représentés aussi bien en deux dimensions, peints sur les murs ou en relief, qu’en trois dimensions comme statue. Parfois dieu est adoré même en chair et en os. On trouve des exemples d’une telle incarnation divine dans le cas du taureau Apis et du roi en Egypte, du chef spirituel bouddhique, le Dalai Lama, au Tibet, du cobra en Inde, et de Jésus de Nazareth dans la tradition chrétienne.
Les images divines jouent un rôle primordial dans la plupart des religions. Elles rendent non seulement le monde divin visible pour l’homme, mais elles affirment également la présence des dieux sur terre. Dieu peut être rencontré par son image. L’image divine est le point de cristallisation des émotions et des actes religieux humains. Il est très difficile de comprendre, et surtout d’intérioriser, pour notre notion rationnelle moderne influencée par la tradition judéo-chrétienne, le fait que dieu puisse se mouler dans une image fabriquée et se manifester en elle. Seuls les fidèles de la tradition chrétienne orthodoxe ont conservé une intuition concernant ce phénomène. Pour nous, une image divine n’est pas une réalité vivante. Nous faisons la distinction entre symbole et chose symbolisée. Mais pour les fidèles du monde ancien et de nombreuses religions contemporaines, les deux coïncident. Voir l’image divine, c’est voir dieu. Dans le culte journalier les images divines sont réveillées, lavées, ointes, dressées et parées. Elles reçoivent des offrandes alimentaires, des libations et des fleurs. Elles sont encensées. On fait de la musique et on danse à leur attention. On les porte en procession. Soigner l’image divine, c’est soigner dieu lui-même. L’adoration ne s’adresse pas à l’image physique, mais en passant par elle, au dieu qui est présent et tangible. Mais dieu n’est pas présent dans son image, il n’habite en elle qu’après qu’elle a été consacrée par des rites.
Toutes les religions n’ont pas représenté leurs dieux dans les arts plastiques, ni tout au long de leur développement historique [Cf. Heiler 1961: 111-112]. A l'origine, l’hindouisme, le bouddhisme et le shintoïsme ne connaissaient pas d’images divines. Dans les religions des peuples nomades également, on ne trouve que peu d’images divines. C’est probablement en rapport avec le fait que leur mode de vie nomade passait par une réduction des biens matériels. Ces religions sont essentiellement pauvres en images, ou elles n’ont pas du tout d’images, c'est vrai; mais l’interdiction des images que nous rencontrons dans les religions monothéistes rigoureuses [voir Eschweiler 1994: 299-302] ne représente pas la même optique.
2. L’Egypte
Curieusement, on trouve le plus ancien exemple typique d’interdiction ou de suppression d’images divines dans la religion de l’Egypte ancienne, religion polythéiste par excellence. Les images divines de l’Egypte ancienne se rencontrent dans de fort nombreuses collections, partout dans le monde. Leurs aspects sont bien connus, les variétés multiples apparemment sans fin: humain, animal, séparé ou combiné. Mais ce sont toujours des représentations d’une réalité vivante pour les fidèles. Les théologiens de l’Egypte ancienne ont exprimé leurs idées concernant les images divines [voir Eschweiler 1994: 287-297]. Ainsi un théologien memphite du Nouvel Empire dit du dieu Ptah-Tatenen "il a mis au monde les dieux, il a fait les villes, il a aménagé leurs offrandes, il a aménagé leurs sanctuaires, il a fourni leurs corps (visibles) selon leur souhait. Ainsi les dieux entrèrent dans leurs corps (visibles), en toute sorte de plante, toute sorte de pierre, toute sorte d’argile, en toute chose qui pousse sur son relief et par lesquelles ils peuvent se manifester" (trad. S. Sauneron et J. Yoyotte,
On trouve dans l’Egypte ancienne plusieurs termes pour "image" ou "représentation" [Hornung 1967]. Cependant, Boyo Ockinga a démontré qu’aucun des mots qui sont utilisés dans les textes n’est en rapport avec l’apparence des représentations. Bien au contraire, la fonction de l’image est décisive pour le mot qui est choisi [Ockinga 1984: 126-127]. Par exemple, la même image ou statue, indiquée par le mot le plus général twt.w, peut être désignée par d’autres termes. Une image qui reçoit des offrandes est appelée Ssp. Lorsque la même image est portée en procession, on utilise le mot Xn.ti ou sSm.w.
Le roi est l’image de dieu par excellence, il est son remplaçant vivant. Par lui, le dieu soleil, le maître universel est présent sur terre. Pour cette raison, il est évident que l’accession au trône d’un roi du Nouvel Empire, parvenu à interdire la représentation des dieux par leurs images, fut une révolution sans précédent dans la conscience des Egyptiens. Il s’agit d’Amenophis IV, roi de la 18ème dynastie, plus célèbre sous le nom qu’il adopta plus tard, "Akhenaton". Hérétique dans le souvenir de ses successeurs, il a tenté de réformer les croyances traditionnelles. Cette période de l’histoire de l’Egypte est connue en tant qu’"époque Amarnienne", selon le nom de l’endroit où le roi réalisa ses rêves. Il a régné de 1372 environ jusqu’en 1354 avant Jésus-Christ, c.-à-d. pendant 17 ans. Se référant fréquemment au culte du soleil Héliopolitain, de Rê-Horakhty à l’ancien Empire (environ 2686-2181 avant Jésus-Christ), et après une évolution de quelques années, il a proclamé l’existence d’un dieu seul et unique, nommé Aton.
En fait, la religion égyptienne a toujours reconnu la primauté du dieu soleil sous des formes variées et sous des noms divers. Mais seul Akhenaton a permis à cette idée de se concrétiser. Le dieu soleil n’est plus "unique en son espèce parmi les dieux" comme le dit l’hymne d’un papyrus du Caire [58038 I, 5], mais dans l’hymne célèbre, composé sans doute par Akhenaton lui-même [Assmann 1984: 246; Hornung 1995: 87], on s’adresse à lui par ces mots: "O dieu seul, qui est inégalable, tu as créé le monde pour toi, tout seul" [Sandman 1938: 94.17]. Le silence est gardé sur les autres dieux du panthéon traditionnel. Akhenaton ordonne de fermer leurs temples et de détruire leurs statues. C’est avant tout le culte du dieu Amon qui a été persécuté pendant les trois dernières années de son règne [Brunner 1989: 40-41; Grimal 1988: 280-282]. Son nom fut rayé de tous les monuments [Hornung 1995: 97-98]. Le fait qu’Akhenaton ait supprimé finalement tous les traits anthropomorphes de dieu représente une grande nouveauté pour l’Egypte. Dès la neuvième année de son règne, le disque radieux du soleil est la seule forme visible du dieu Aton. Le seul trait humain conservé se manifeste par les mains terminant les rayons du soleil, qui donnent le signe de vie anx au roi pour entretenir la création. Une inscription provenant de la cité d’Amarna dit du dieu Aton: "qui se façonne lui même avec ses mains; aucun sculpteur ne le connaît" [Sandman 1938: 111.7].
L’origine de cette réforme monothéiste et l’interdiction des images divines a fait l’objet de nombreuses spéculations et de bon nombre d’études. On a pensé à une influence étrangère. Le père d’Akhenaton, Amenophis III, avait épousé deux princesses Mitanniennes, Giluhepa et Taduhepa. Mais la religion des Mitanniens, peuple Hourrite qui habitait en Mésopotamie du nord, était polythéiste et possédait des images divines. Il est fort probable que des circonstances politique aient également joué un rôle. Mais le facteur décisif a sans doute été le roi lui-même [Brunner 1989: 42]. Akhenaton était doté d’une personnalité forte, intellectuelle et créative. Il avait une conscience de soi nettement inspirée de la religion. Il n’a pas seulement modifié la théologie solaire, mais en même temps la royauté. Il a fondé une théocratie de "pur sang". Selon les croyances traditionnelles et dans son rôle cultuel, le roi était l’incarnation du dieu du ciel Horus et le fils du dieu soleil Rê. En accomplissant le culte journalier dans le temple, au milieu des dieux, il garantissait la maintenance de l’ordre de la création, mAat, c.-à-d. l’harmonie dans le cosmos, la société et la vie personelle. Mais à Amarna, cette harmonie est garantie par la présence d’Akhenaton lui-même accompagné de la famille royale. La seule manifestation tangible du divin est l’existence et la présence de la famille royale [Vergnieux 1992: 245]. En présence des courtisans et sous les rayons du soleil, ils accomplissaient le culte pour Aton, tandis que le roi mangeait des offrandes. Le culte domestique des courtisans se concentrait sur un autel domestique. Sur les stèles et les autels domestiques, Akhenaton et sa femme Nefertiti sont représentés avec leurs enfants, assis sous la protection du soleil rayonnant. En fait, avec Aton, le roi et la reine forment une triade, on peut dire même une trinité [Assmann 1984: 251-252]. Aton et Akhenaton sont de la même essence [Ockinga 1984: 117-124]. En dotant Aton des cartouches avec les titres royaux, Akhenaton a modifié la royauté des dieux. Aton est roi. Le roi est dieu. Le rôle qu’Aton accomplit au niveau cosmique est joué dans la société par Akhenaton. C’est lui qui donne la lumière et la vie aux hommes. C’est lui qui fixe la durée de leur vie. C’est lui, en tant que Hapy, crue du Nil, qui leur donne leur subsistance. Peut-être faut-il mettre l’interdiction de l’image divine par Akhenaton en relation avec la modification de la royauté. Akhenaton se considérait comme la seule et l’unique image physique de dieu. Son apparence corporelle le représente également comme dieu créateur. Les traits masculins et féminins, combinés de manière indifférenciée dans un seul corps, ressemblent à ceux du dieux Hapy [Barta 1975: 94. On peut remarquer que, dans les inscriptions des tombeaux, le roi est souvent identifié à ce dieu [De Vries 1992: 109-110].
Toutefois, le monothéisme et l’interdiction des images divines n’ont duré qu’une brève période en Egypte: dans la forme la plus stricte seulement durant les trois, voire les cinq dernières années du règne d’Akhenaton. Lorsqu’il mourut, en 1354 avant Jésus-Christ, après un règne de 17 ans, la capitale Akhet-Aton (Tell el’Amarna) fut abandonnée. Tout ce qui se rapportait au roi fut détruit. Le culte d’Amon et de tous les autres dieux fut rétabli. Tout se remettait en place. Dans la mémoire des Egyptiens qui lui ont succédé, il n’existait que sous le nom de "criminel d’Akhet-Aton" [Brunner 1989: 43-44; Leprohon 1992].
Hormis le fait que les périodes proto-amarnienne à Karnak et amarnienne à Akhet-Aton réunies n’ont duré que 17 années, nous ne devons nous faire aucune d’illusion quant à la diffusion des idées monothéistes et l’interdiction des images divines à l’extérieur de la cité d’Amarna [Hornung 1992: 127], et quant à l’existence d’adeptes au sein de la société. Tout porte à croire que le peuple à l’extérieur de la cité d’Amarna ait continué à pratiquer la religion traditionnelle avec les images divines [Hornung 1995: 95-96]. Dans le village des ouvriers d’Amarna, de petites images des dieux populaires Bès et Thouéris, mais aussi d’Isis, de Thot, Ptah, Mout et Osiris ont été retrouvées [Hornung 1995: 121], ainsi que des prières qui étaient adressées au dieu officiellement interdit, Amon [Grimal 1988: 274]. Même dans le palais et le tombeau royal, des représentations de Bès, Horus, Osiris, Mout, Hathor et Bastet ont été retrouvées [De Vries 1992].
3. Israël
Suivant le TeNaKH, les Saintes Ecritures de l’ancien Israël et du judaïsme postérieur, la religion du peuple d’Israël était monothéiste et sans images dès le départ. Cependant, des recherches plus approfondies ont démontré que, dans la dernière rédaction sacerdotale et deutéronomiste des écritures de l’Ancien Testament, se profilait une religion israélite dans laquelle Dieu se révélait (manifestait) en images, adorées de manière continue par la piété populaire.
Dans le livre de l’Exode, il est dit que, après son départ de l’Egypte sous la direction de Moïse, le peuple d’Israël conclut une alliance avec Dieu sur la montagne du Sinaï. A cette occasion Moïse reçoit "les deux tables en pierre portant les commandements, écrites par le doigt de Dieu" (Ex. 31: 18). "Les tables étaient l’ouvrage de Dieu, et l’écriture de Dieu, gravée sur les tables" (Ex.: 32: 16). Des deux côtés étaient écrits les dix commandements. Sur la seconde, on peut lire: "Tu ne te feras point d’image taillée, ni de représentation quelconque des choses qui sont en haut dans les cieux, qui sont en bas sur la terre, et qui sont dans les eaux plus bas que la terre" (Ex. 20: 4). Cette interdiction de faire des images et de représenter quoi que ce soit, est toujours strictement observée par la communauté des fidèles juifs orthodoxes, bien que la version la plus ancienne du deuxième commandement comporte seulement les mots suivants: "tu ne feras pas d’images divines" [Hendel 1988: 366]. Jusqu'à présent, la recherche archéologique n’a mis au jour aucune image de Yahweh, le dieu des Israélites [Hallo 1988: 65]. Yahweh était un dieu présent à l’intérieur du temple de Jérusalem de façon invisible. Il trônait sur "l’arche d’alliance", entre deux chérubins d’or. Mais il semble que le culte de Yahweh n’ait pas été sans représentation à l’origine. Dans les listes géographiques d’Aménophis III (1402-1364 avant Jésus-Christ), qui ont été trouvées dans le temple d’Amon à Soleb, il est fait mention du "pays shasou de Yhw" (tA SAsw Yhw). Selon Weinfeld, il faut interpréter ces mots par "pays des nomades de Yahweh". Dans une liste géographique de l’époque de Ramsès III (1184-1153 avant Jésus-Christ) à Medinet Habu, une relation se révèle entre ces Yhw-nomades et les Quenites. Ceci permet de conclure, selon Weinfeld, que le dieu Yahweh était vénéré par les Madiannites et les Quenites, peuples nomades, qui parcouraient le désert du Sinaï [Weinfeld 1987: 304, 395]. Les tribus israélites ont probablement adopté le dieu JHWH-EL comme principal dieu commun entre elles au 14ème siècle avant Jésus-Christ [De Moor 1990: 224].
Après sa fuite d’Egypte, Moïse arrive, selon la tradition du livre de l’Exode, chez Jéthro, le sacrificateur du dieu Madian, et épouse l’une de ses filles, qui s’appelle "Séphora". Lors de fouilles effectuées au nord du Golfe d’Aqabah, on a découvert les restes d’un sanctuaire égyptien, ruiné par les Madiannites. Ils ont mutilé la statue de la déesse Hathor et effacé ses représentations, et ont probablement fondé, à la place de la châsse, un sanctuaire de tente, exactement comme il est dit du tabernacle des Israélites dans le désert. Le seul objet votif retrouvé sur place est un serpent d’airain [Weinfeld 1987: 310]. Il est aisé de voir ici la relation avec l’épisode du livre des Nombres (21: 4-9), où on dit que Moïse "fit un serpent d’airain, et le plaça sur une perche; et quiconque avait été mordu par un serpent, et regardait le serpent d’airain, conservait la vie". Plus tard, on dit du roi Ézéchias (715-686 avant Jésus-Christ) qu’il "fit disparaître les hauts lieux, brisa les statues, abattit les idoles, et mit en pièces le serpent d’airain que Moïse avait fait, car les enfants d’Israël avaient jusqu’alors brûlé des parfums devant lui" (2 Rois 18: 4). Des recherches plus modernes ont mis en évidence le fait que, dans des temps plus reculés, on avait assimilé Yahweh au dieu ougarite El, représenté comme un taureau [Mettinger 1979: 17]. Tandis que Moïse parlait avec Dieu sur la montagne du Sinaï, appelée aussi "Mont-Horeb" ou "la montagne de Yahweh" ou encore "la montagne d’El", les Israélites faisaient, selon le récit du livre de l’Exode, un veau d’or. "Et ils dirent: Israël! voici ton dieu, qui t’a fait sortir du pays d’Egypte" (32: 4). Ensuite, "le lendemain, ils se levèrent de bon matin, et ils offrirent des holocaustes et des sacrifices d’action de grâces" (32: 6).
Les recherches historiques critiques modernes de l’Ancien Testament ont permis de faire remonter l’interdiction de représenter Yahweh au huitième siècle avant Jésus-Christ. C’est plus de 500 ans après le noyau historique du récit de l’exode du peuple d’Israël hors de l’Egypte, que l’on peut dater de 1250 avant Jésus-Christ environ.
L’idée de situer la sortie d’Egypte à l’époque ramesside, idée qui remonte à l’époque de Lepsius, durant la première moitié du 19ème siècle, est genéralement admise aujourd’hui. Pourtant dans son livre recent, Claude Vandersleyen, a attiré l’attention sur Josèphe, qui se référrant explicitement à Manéthon, place l’Exode des Juifs conduits par Moïse sous la règne du premier roi de la 18ème dynastie, c’est-à-dire sous Ahmosis (1543-1518 avant Jésus-Christ). Vandersleyen conclut: "En somme, quelles que soient les objections des exégètes aujourd’hui, il ne faut pas refuser a priori d’étudier le problème de l’Exode en liaison avec l’expulsion des hyksos" à la fin du deuxième période intermédiaire [Vandersleyen 1995: 232-237].
Quoi qu’il soit, dans l’affaire de l’interdiction de représenter Yahweh, le prophète Osée a joué un rôle important [Mettinger 1979: 23]. Aussi, la fureur de Moïse doit-elle être le résultat de cette théologie hostile aux images. Le théologien, spécialiste de l’Ancien Testament, H. Greßman a dit que Moïse n’adorait pas des images, non parce que c’était interdit, mais simplement, parce qu’il n’en avait pas. [apud Keel 1977: 40 note 65]. La relation entre Yahweh et l’image d’un taureau via le dieu El se retrouve également dans le récit selon lequel le roi Jéroboam (931-910 avant Jésus-Christ) avait construit un sanctuaire dans le nord du pays, dans Bethel (littéralement: "maison d’El"), qui contenait l’image d’un veau d’or, afin d’éviter au peuple la longue route menant au temple de Jérusalem pour y faire des sacrifices. Et à nouveau il est dit de ce veau: "Israël! voici ton Dieu, qui t’a fait sortir du pays d’Egypte" (1 Rois 12: 28). Lorsque le prophète Osée s'écrie, 150 ans plus tard (c.-à-d. en 740 environ avant Jésus-Christ), "L’Eternel a rejeté ton veau, Samarie! (...) Il vient d’Israël, un ouvrier l’a fabriqué, et ce n’est pas un Dieu" (Osée 8: 5-6), il nous est possible de conclure qu’à cette époque, les Israélites vénéraient le veau comme manifestation et image du dieu Yahweh.
Si nous considérons le récit de la fondation du sanctuaire à Bethel hors du contexte de sa théologie postérieure, qui l’a recouvert d’un vernis hostile aux images, alors il apparaît que Jéroboam a probablement voulu créer un pendant de l’arche d’alliance dans le temple de Salomon à Jérusalem. Dans un processus de rationalisation, la théologie deutéronomiste a réduit l’arche au coffre, qui contient les deux tables du témoignage (Deut. 10: 1-5; 1Rois 8: 9)[Mettinger 1979: 22]. Mais c’est oublier qu’à l’origine, l’arche était le symbole de la présence de Dieu. Au-dessus de l’arche, deux chérubins en or étaient représentés "sortant du propitiatoire à ses deux extrémités. (...) couvrant de leurs ailes le propitiatoire, et se faisant face l’un à l’autre; (...) la face tournée vers le propitiatoire" (Ex. 25: 18-20). Il manque cependant une description. La représentation de l’arche apportée à Rome par Titus pendant la marche triomphale, après que les romains eurent dévasté le temple de Jérusalem en 70 après Jésus-Christ, n’est pas claire. On les a représentés à tort comme deux anges. C’est vrai, on parle de leurs ailes, comme nous venons de le voir. Mais le prophète Ézéchiel voit dans une vision deux chérubins. "Chaque chérubin avait deux visages, une face d’homme (...) et une face de lion" (Éz. 41: 18-19). Cela évoque plutôt l’image du trône orné d’un sphinx, bien connu chez les Egyptiens et chez les autres peuples de la même région [Hendel 1988: 376-377]. Le sarcophage du roi phénicien Ahiran, datant d’environ 1000 avant Jésus-Christ, en est un exemple. On trouve une représentation comparable sur une plaque d’ivoire provenant de Mégiddo, datant du 13-12ème siècle avant Jésus-Christ. Mais on rencontre également des dieux barbus, assis sur un trône identique. Ils étendent une main en bénissant, alors qu’ils tiennent quelque chose dans l’autre. Il est fort vraisemblable que le dieu El était assis sur un trône orné de sphinx de même nature [Voir pour les chérubins et le trône de sphinx Keel 1977: 15-35]. C’est sans aucun doute au cours de leur assimilation que Yahweh a hérité de l’épithète du dieu El "qui trône sur les chérubins", qu’il porte souvent dans l’Ancien Testament (1 Samuel 2: 4; 2 Samuel 6: 2). La conclusion s’impose d’elle-même: à l’origine l’arche d’alliance doit avoir été un trône divin orné de sphinx. Une différence subsiste néanmoins par rapport aux autres peuples: le dieu Yahweh n’était pas assis sur son trône physiquement sous forme d’image. Le trône de Yahweh dans le temple de Jérusalem restait vide. Le dieu d’Israël trônait au-dessus de l’arche et des chérubins dans sa majesté invisible [Mettinger 1979: 27].
Il est plausible qu’à l’origine, l’image du veau d’or, faite par Jéroboam par analogie avec le trône orné de sphinx à Jérusalem, ait été pensée comme repose-pied pour le dieu invisible et non représentable. On a retrouvé des images d’autres dieux (du dieu El également) qui les représentent debout sur le dos d’un taureau. Sous l’influence de la popularité du dieu Baal, qui était vénéré sous la forme d’un taureau, à cette époque, les Israélites ont vraisemblablement oublié cette signification, et ainsi le taureau est devenu l’image de Yahweh lui-même.
L’origine de l’interdiction des images en Israël a souvent été discutée dans de nombreuses publications. On a souligné le fait que d’autres peuples nomades du Proche-Orient ancien ne possédaient pas d’images divines [Keel 1977: 39-42]. Par exemple les Nabatéens. Ce peuple était composé de tribus diverses issues des habitants arabes du désert Sinaïque. Ils étaient fortement attachés à leur mode de vie nomade et ils semblent avoir connu l’interdiction des images jusqu’au 3ème-2ème siècle avant Jésus-Christ [Weinfeld 1987: 310]. Un anneau sigillaire en or mycénien montre trois femmes devant un trône vide dans une attitude d’adoration. Et sur un gobelet en or datant du 11ème-9ème siècle avant Jésus-Christ, trouvé dans l’Iran moderne, on voit un homme agenouillé, tenant dans sa main un gobelet à libation, devant un trône vide [Keel 1977: 41]. On a signalé également la nature totalement transcendante de Yahweh et son mystère. Mais comme d’autres dieux du Proche-Orient ancien ont également ces caractéristiques, par exemple les dieux Mardouk et Enlil en Mésopotamie et le dieu Amon en Egypte, cet argument n’est pas suffisant pour expliquer l’interdiction stricte des images divines en Israël [Hendel 1988: 371]. Une relation directe avec l’interdiction des images divines imposée par Akhenaton en Egypte doit également être écartée, même si l’on accepte que Moïse soit la même personne que Bai ou Beya.
Selon cette hypothèse, qu’on peut défendre seulement si on n’accepte pas la datation de l’Exode sous la règne du premier roi de la 18ème dynastie, Ahmosis, le nom de Moïse serait une forme abrégée du nom égyptien ra-ms-sw-xa-m-nTrw, dont le nom d’origine cananéenne et jahwiste était Baï (Beya: "(Ma confiance est) en Yh").[De Moor 1990: 136-151]. Cet homme étrange fut scribe et majordome du roi Séthi II, et "grand trésorier de tout le pays" sous le règne de Siptah. (LÄ I, 604-605). Il disparaît lors du bref règne (21 mois) de Taouseret en 1192/90. Ainsi, Moïse-Baï aurait vécu en Egypte entre environ 1216 et 1190, c.-à-d. plus de 130 ans ou deux générations après Akhenaton. Mais c’est une période trop longue pour avoir eu une influence directe. L’interdiction des images divines en Israël semble donc davantage une réaction contre le roi sacré et son iconographie en Egypte, dont quelques tribus d’Israël avaient gardé de mauvais souvenirs. Autrement dit, l’interdiction des images en Israël, est probablement en rapport avec la forte résistance qui existait auparavant contre le roi sacré et son idéologie. Selon cette idéologie, en Mésopotamie, en Egypte et chez les peuples sémitiques de l’Ouest, le roi est l’image de dieu. En Israël, on craignait que la représentation de Yahweh sur le trône, conformément à l’iconographie du roi sacré, ne représente une légitimation pour un roi humain [Hendel 1988: 380-381]. Depuis les temps les plus reculés, pour les Israélites, le dieu Yahweh seul était leur roi.
L’interdiction des images n’était pas pratiquée de manière trop stricte et trop rigoureuse en Israël, comme on pourrait le penser de prime abord. Des fouilles archéologiques ont démontré que le judaïsme de
4. Le christianisme
Lorsque le christianisme s’est dissocié du judaïsme, comme le ferait une secte, les écritures du TeNaKH ont été emmenées et conservées, parmi lesquelles les dix commandements. Pendant les deux premiers siècles de notre ère, le deuxième commandement fut strictement observé. L’adoration d’images par le peuple païen au milieu duquel les Chrétiens habitaient a contribué à cette rigueur. Au cours du 4ème siècle encore, des évêques orientaux, tels Eusèbe de Césarée et Épiphane de Chypre, se sont opposés à l’utilisation des images. Ils craignaient que le paganisme ne revive. Après le triomphe de Constantin et du christianisme en 312, le climat changea. Parmi le peuple, l’adoration des images prit naissance. Dans cette optique, les icônes commémoratives, émanation des portrait de momie et des portraits funéraires, ont joué un rôle important. Les chrétiens avaient coutume de placer des tables commémoratives, avec le portrait peint du défunt, près des tombes des martyres et des saints. Les portrait des empereurs ont également joué un rôle important. Ceux-ci envoyaient fréquemment leurs portraits dans les diverses régions de leur immense empire. Le portrait d’un empereur le représentait souvent lui-même lors de processions ou dans une église. Cette coutume reflète les conceptions égyptiennes des images divines et royales. Dans
Cependant, au 8ème siècle un climat d’hostilité face aux icônes surgit, appelé "iconoclasme" et qui dura de 725 à 843, seulement interrompu par une période de 33 ans (780 à 813). Le combat visait aussi bien l’abus des images que leur adoration. Un texte de cette époque raconte: "Des formes de culte les plus diverses et curieuses commencent à pousser de manière débordante. Des images sont apportées en procession, elles sont lavées liturgiquement, encensées, baisées et ointes. Elles sont vêtues et choisies comme marraines. On jure par des icônes. Des images ressuscitent des morts, guérissent des malades, font des exorcismes et donnent le bonheur d’avoir des enfants. Elles font sécher la main d’un criminel. Elles saignent quand elles sont touchées" [Beck 1980: 68-69].
En 725, l’empereur Léo III interdit par décret les images dans les églises. Pour montrer sa détermination au peuple, il enleva le Christ, placé au-dessus de la porte en bronze de son palais. Cette interdiction des images fut confirmée par les évêques au synode de Constantinople en 753. L’adoration des images était une survivance du paganisme. Les adorateurs des images (les "iconodules") étaient frappés d’anathème. Les moines devinrent les premières victimes de ces persécutions. Selon le communiqué final du synode, l’Eucharistie était la seule image valide du Christ. Cette image n’est pas anthropomorphe. De même que l’homme est déifié par l’incarnation du Christ, ainsi, dans l’Eucharistie, le pain et le vin sont-ils imprégnés du Saint-Esprit. Les deux natures, la nature divine et la nature humaine, sont présentes, mais chacune de manière distincte. Parce que les images ne peuvent exprimer que l’humain, elles créent une séparation illégitime entre le divin et l’humain dans le Christ. On n’adore pas "en esprit et en vérité", mais on s’incline devant l’apparition visible des images inanimées. La représentation de
Comme les iconoclastes, les adorateurs des icônes ont emprunté leurs arguments à la doctrine de l’incarnation du Christ. Du temps de Léo III, le Palestinien Jean de Damas défendait l’adoration de l’icône du Christ de cette façon: nous ne fabriquons pas d’icônes du Dieu invisible. Cela serait une erreur. Il est impossible d'ailleurs de reproduire le non-physique, l’invisible, l’infini et l’informe. Nous manquerions de respect envers Dieu, si nous adorions des images humaines comme dieux. Nous n’agissons pas ainsi. Mais nous ne nous égarons pas, si nous faisons une icône du Dieu incarné, Celui qui est apparu physiquement sur la terre, et qui a pris forme humaine, son poids, son aspect et la couleur de sa chair. Théodore le Stoudite (mort en 826) le dit ainsi: "L’icône représente le prototype (...); l’honneur que l’on paie à une icône passe à l’archétype" [apud Theunissen 1973: 21]. Autrement dit, ce qui est symbolisé dans l’icône, c.-à-d. la réalité religieuse, a pris réalité dans le symbole lui même.
En 843, Théodore, devenu régent à la mort de son épouse, l’impératrice Théophile, elle-même adoratrice d’icônes, mit définitivement fin à l’iconoclasme. Lors du synode de 843, l’adoration des icônes fut réhabilitée. Une missive synodale, appelée "synodicon de l’orthodoxie" fut lue solennellement dans l’Aya Sophia. Depuis ce temps-là, la fin de l’iconoclasme est célébrée annuellement le premier dimanche du carême, qui s’appelle "le dimanche de l’orthodoxie". Par la suite, l’adoration des images fut acceptée de manière générale dans l’église orthodoxe orientale. Les discussions portaient uniquement sur la question de savoir quelles images allaient être autorisées. La façon dont
Contrairement à l’église orthodoxe orientale, l’église catholique occidentale a rejeté et interdit l’adoration des images. En 1744 une note parvenait à Rome concernant une certaine Crescence, religieuse de son état, et réputée sainte en Allemagne, en Suisse et dans d’autres pays encore. Dans cette note critique, on avertissait le Saint-Siège de la diffusion incontrôlée de petites images représentant le Saint-Esprit en jeune homme, conformément à une vision dont aurait été gratifiée ladite Crescence. Ayant pris connaissance de ce rapport, le pape réagit aussitôt, en écrivant à l’ordinaire dont dépendait la soeur pour réclamer un complément d’information. A la suite de quoi l’évêque d’Augsbourg, non content de faire saisir les images du Saint-Esprit, nomma une commission d’enquête dont les Actes furent envoyés à Rome en 1745. Une lettre où le prélat bavarois confiait sa perplexité au pape accompagnait ce dossier. Il lui faisait remarquer qu’il était incohérent de condamner l’image du Saint-Esprit en jeune homme alors que maints tableaux exposés dans les églises représentaient de cette façon
Dans les églises de
Pour Ulrich Zwingli, le réformateur de Zurich, figurer Dieu, c’était retomber dans le paganisme. Au nom de l’interdit des images promulgué dans le décalogue, il réclame en 1523 que toutes les images soient éloignées des églises.
Finalement, Jean Calvin à Genève s’est montré intransigeant jusqu’à la fin. Il fallait écarter toutes les images, parce qu’elles attentent à la majesté de Dieu et qu’elles représentent une idolâtrie paganise. Cette doctrine stricte a mené à l’iconoclasme calviniste qui fit rage en Europe au 16ème siècle, spécialement aux Pays-Bas. Toutes les images et les autres représentations religieuses que le peuple rencontrait dans les églises ont été réduites en morceaux. Aujourd’hui encore, on rencontre ce refus strict de toute forme d’images parmi de petits groupes de protestants calvinistes fondamentalistes.
5. L’Islam
En l’an 610 de notre ère environ, la présence religieuse du prophète Mahomet (570-632) commença à s’affirmer à
Le Coran lui-même n’interdit pas explicitement les images. Mais cet interdit est fréquemment rencontré dans la littérature des traditions, qui s’appelle hadith. D’une façon stéréotypée, on dit que "des anges ne peuvent pas pénétrer dans des maisons où se trouvent un chien, une image ou une personne impure". D’autres textes racontent que Mahomet interdisait de fabriquer des images ou de les conserver chez soi. Très vraisemblablement, l’interdit des images ne fut adopté en Islam qu’entre 675 et 725 de notre ère [Van Reenen 1990: 27-77]. La fabrication des images n’était pas seulement perçue comme une violation de la transcendance d’Allah, mais aussi comme une témérité (hybris) humaine. Car fabriquer des images, c’est créer. Et créer, c’est l’oeuvre d’Allah. Le Jour du Jugement, on demandera aux personnes qui ont fabriqué des images au cours de leur vie de leur insuffler la vie. S’ils en sont incapables, ils seront alors envoyés en enfer [Wagtendonk 1987: 119]. Pourtant, toutes les sources de hadith ne sont pas si rigoureuses en ce qui concerne l’interdiction des images. Selon certains informateurs, les images des êtres vivants étaient interdites sur les murs et les rideaux, mais autorisées sur les coussins et les tapis. Les images dont la tête manque, ou celles dont le corps est troué sont également tolérées.
Malgré l’interdiction des images, encore strictement observée dans les cercles orthodoxes fondamentalistes, des arts plastiques florissants se sont toutefois développés dans les pays Islamistes, où on n’a pas manqué de représenter même des personnes nues dans une atmosphère intime. Cela fait partie des exceptions aux règles reconnues généralement. Selon la règle par exemple, Mahomet est représenté la face couverte. Mais des images du prophète avec la face découverte ont également été retrouvées, bien que peu fréquemment.
6. Conclusions
1. Il faut établir une distinction entre l’absence des images divines et leur interdiction.
2. Il faut établir une distinction entre l’interdiction des images divines et l’interdiction de toute image. Cette dernière existe exclusivement dans la religion israélite orthodoxe et dans les religions qui se basent sur la tradition israélite, à savoir l’Islam, et au sein de quelques groupes calvinistes fondamentalistes du christianisme.
3. L’interdiction des images divines et l’interdiction de concevoir des images et représentations de toute chose n’appartiennent pas à la plus ancienne tradition des religions en question. Dans la religion égyptienne de l’époque amarnienne, dans la religion israélite, le christianisme et l’Islam, l’interdiction apparaît comme partie et résultat d’un réformisme rigoureux. La réforme d’Akhenaton en Egypte et dans la majorité des églises chrétiennes se limitent à l’interdiction des images divines.
4. Il est impossible de réduire l’interdiction des images à un seul modèle d’explication. Des facteurs pratiques, théologiques et idéologiques semblent avoir joué un rôle très importants. La crainte d’avoir, à l’aide de rites magiques, une autorité sur dieu est avancée comme argument. Cependant, ce qu’on appelle "magie" n’est pas un phénomène religieux isolé, opposé et hostile aux rites du culte officiel. La "magie" est totalement liée à la communication entre dieu et l’homme. De plus, dans toutes les religions qui adorent des images, la distinction est faite entre dieu lui-même et son image ou sa représentation en tant que praesentia relais dei, qui ne coïncide pas avec dieu lui même et qui n’est pas identique à lui.
5. Dans toutes les religions monothéistes dont nous avons parlé, nous avons remarqué un décalage entre la théologie officielle et la dévotion populaire. L’adoration de dieu à travers son image fait partie des besoins religieux les plus profonds de l’homme, notamment du peuple illettré. L’homme ressent une envie, enracinée en lui, de voir dieu et de se faire une image du "tu" qu’il expérimente dans la réalité religieuse et qu’il cherche à rencontrer. De tous les sens, c’est la vue qui prime. L’oeil permet à l’homme une rencontre face à face, ce qui dépasse les possibilités de l’ouïe. Les efforts des théologiens visant à réduire la communication entre les hommes et le dieu invisible à des mots, des prières et à l’obéissance ont toujours été vains, lorsqu’ils interdisaient aux fidèles d’apercevoir dieu à travers son image. Un dieu complètement transcendent ne dépasse pas seulement la compréhension humaine, mais, ce qui est encore plus essentiel, est contraire au besoin le plus profond d’une relation avec un dieu visible ou même tangible.
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