l'initiation de Mozart
Guy Wagner
L'Initiation de Mozart
Il y avait à chaque fois une cinquantaine de participants aux tenues dans ce Temple au deuxième étage de la maison Weinbrenner que les Francs-Maçons de la Loge "Zur wahren Eintracht" avaient loué pour 900 florins annuels, et dont la Loge "Zur Wohlthätigkeit", constituée le 2 février 1783, pouvait également profiter pour 250 fl. |
![]() Cérémonie d'initiation à la R. Loge "A l'espérance couronnée". Tableau datant d'appr. 1790 Premier à droite: W. A. Mozart |
Il est difficile de parler de la cérémonie d'initiation, car si les rituels d'époque en disent long sur le déroulement de la cérémonie, très peu est connu de son caractère et la façon dont elle est vécue.
"En réalité, tout ce qui a été écrit ne peut rien apprendre d'essentiel aux profanes, car le 'secret initiatique' ne se découvre point dans les livres ni par quelque formule communicable. Il se révèle seulement par l'expérience existentielle et directe de l'initiation elle-même.(...) C'est pourquoi le secret, que l'on reproche si fréquemment aux initiés et dont on accuse les francs-maçons, n'est qu'une conséquence inévitable et logique de leur respect de la vérité purement expérimentale de l'initation."
Ou comme l'a dit Confucius: "L'esprit a beau s'avancer, il n'ira jamais si loin que le coeur."
Il est certain que Mozart a profondément vécu son initiation, dont l'importance ne s'est pas simplement reflétée dans les compositions maçonniques proprement dites, mais dans toute une série d'oeuvres qui deviennent seulement compréhensibles dans leur entité et leur plénitude si on se rend compte de leur référence à la Maçonnerie et aux dimensions émotionnelles et spirituelles de l'initiation.
La Franc-Maçonnerie deviendra partie intégrante d'une démarche créatrice qui trouvera son apogée dans la "Zauberflöte", transposition sublimée du chemin du profane vers la Lumière.
* * *
Mozart a depuis longtemps baigné dans une ambiance maçonnique, mais ce sera seulement le 5 décembre 1784 que la Loge "Zur Wohlthätigkeit" fera circuler le document suivant dans les autres Loges:
"Proposé le Kapellmeister Mozart. - Notre ancien Secrét.'., le F.'. Hoffmann a oublié d'enregistrer ce membre annoncé aux très respectables L.'. L.'. soeurs. Il avait déjà été proposé il y a quatre semaines à la respectable L.'. du district, et nous aimerions ainsi prendre dans la semaine qui vient les démarches nécessaires pour son admission, si les très respectables L.'. L.'. soeurs n'ont pas d'objection à formuler contre lui.
A l'O.de V. (Orient de Vienne), Schwankhardt: Secr:
57 5/XII 84".
Il est connu que Mozart, depuis de longues années, avait des contacts étroits avec des Maçons et qu'il partageait avec eux les idées sur les arts et sur la société. En entrant dans la Franc-Maçonnerie, il se sentira pleinement à l'aise, cela d'autant plus qu'il y sera à pied d'égalité avec les meilleures têtes de l'époque et qu'il sera guidé par des amis qui deviendront des Frères.
Il est cependant significatif qu'il ne se fasse pas initier dans l'Atelier "Zur wahren Eintracht", Loge de prestige en 1784, mais dans la Loge plus petite et plus modeste "Zur Wohlthätigkeit". Rappelons cependant qu'entre les deux Loges, il y avait beaucoup de travaux en commun et qu'elles organisaient ensemble un certain nombre de cérémonies, notamment la Solsticiale d'Eté (la Fête de la Saint-Jean). La Loge "A la Bienfaisance" était dirigée par Otto von Gemmingen qui, comme nous l'avons vu, a eu d'étroits contacts avec Mozart et a été son protecteur à Mannheim en 1778. Grâce à von Gemmingen, Mozart avait également vu la même année à Paris le compositeur Franc-Maçon Le Gros et ses amis.
En 1784, Mozart avait passé plusieurs crises d'ordres divers, psychologique, philosophique, affectif, en particulier la séparation d'avec Theresa von Trattner, sous le toit de laquelle les Mozart avaient logé depuis 1783 et avec laquelle Wolfgang a entretenu des relations profondes. Quelqu'en soient les raisons, les Mozart déménagèrent fin septembre 1784, et le mois suivant, le compositeur dédia à Theresa la Sonate, K.457, ainsi que la Fantaisie, K.475, en mai 1785.
Mozart était devenu, d'autre part, depuis plusieures années, adepte des aspirations du "Sturm und Drang" et des idéaux de l'"Aufklärung". Il manifestait sa sympathie pour l'esprit de l'Illuminisme, "esprit progressiste, antimystique, irreligieux, rationaliste, socialement et politiquement prérévolutionnaire" (Massin), qui correspondait parfaitement aux aspirations de sa maturité.
© Guy Wagner, 1991-2005
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