NAUVOO LODGE

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La Fidélité en maçonnerie

La fidélité en maçonnerie

 

La fidélité, mot provenant du latin "fidelitas", est définie par essence comme la qualité d’une personne fidèle et s’identifie donc au dévouement et au loyalisme. Elle est aussi une marque d’allégeance ou un attachement à la constance. La fidélité conjugale se traduit comme un engagement pris entre conjoints. Couramment la fidélité désigne la véracité d’une interprétation ou la fiabilité d'un instrument (Haute Fidélité) ou alors une méthode mercantile de fidélisation de sa clientèle au moyen de cartes de fidélités.

Elle qualifie tout simplement les adeptes d’une religion, appelés les Fidèles, comme il en est beaucoup question dans l’actualité de ces jours pour l’église catholique romaine suite au décès du Pape. On notera  juste sans s’étendre sur ce sujet relatif aux croyances et aux religions, que cette fréquente position duale et même manichéenne des religions entre les fidèles et les infidèles, les croyants et les mécréant a historiquement transpirée aussi sur  la maçonnerie, aujourd’hui encore classifiée en deux camps : celui des maçons dits Réguliers, imposant le postulat de la croyance en Dieu, et celui des maçons Irréguliers, chantres de la maçonnerie libérale ou a-dogmatique.

Toutefois c’est en définitif l’acception de la fidélité dans "le fait de ne pas trahir", on parle alors de fidélité à un serment, qui  méritera certainement le plus l’attention des francs-maçons.

Aussi ce morceau d’architecture s’appuiera sur nos rituels pour donner des éléments de réponse aux interrogations suivantes :

Comment se pose la problématique de la fidélité entre vertu et devoir en maçonnerie ?

Et si tant se limiterait-t-elle à l’expression d’une forme d’allégeance, la fidélité ne serait-elle pas alors un obstacle à la liberté ?

Puissent les contributions des Frères et l’apport de leurs lumières sur ce sujet enrichir cette réflexion et permettre aux apprentis maçons que nous sommes tous de méditer chaque jour sur notre engagement maçonnique.

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Un petit aperçu historique nous oblige à nous référer aux actes constitutifs de la maçonnerie en général, notamment  un extrait des constitutions d’Anderson qui stipule: « Les personnes admises comme membres d'une Loge doivent être des hommes de bien et loyaux, nés libres et d’âge mur, circonspects, ni serfs, ni femmes, ni hommes sans moralité ou de conduite scandaleuse, mais de bonne réputation. »

La loyauté figure ainsi parmi les qualités requises et est expressément mentionnée parmi toutes les autres qualités pour souligner l’importance de l’assimilation  et de la pratique de la fidélité pour le maçon qualifié alors d'homme de bien et  de bonne réputation.

L’histoire de la maçonnerie en Suisse, telle que relatée par l’illustre Frère Bongard, d’après des recherches du célèbre Frère Ruchon, fait état de la création d’une Loge dénommée « La Fidélité » constituée le 2 juillet 1764. Après une période de sommeil, elle se reconstitua en 1806 en utilisant le local de la Loge « Les Trois Temples » de Carouge. Cette Loge qui permet de reconstituer la filiation de la R. L. Fidélité et Liberté (cofondatrice,  avec la R. L. Mozart et Voltaire et la R .L. Apollonius de Tyane, de la Grande Loge de suisse en juin 1967), permet de situer l’importance de cette vertu cardinale, érigée en titre distinctif d’une Loge, lors de l’établissement de la maçonnerie helvétique en réaction entre autres aux vicissitudes du pouvoir en place qui en interdira l’exercice, mais aussi par controverses internes sur l’adoption et la pratique de certains rites. La Fidélité est donc bien érigée en  une Valeur depuis les aurores de la maçonnerie.

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Passant maintenant à l’examen des conditions de notre entrée en maçonnerie et du rituel du premier degré, l’Homme « libre et de bonnes mœurs » qui a frappé à la porte du temple, devenu néophyte s’engagera à « fuir le vice et pratiquer la vertu ». Ceci établit bien évidemment la fidélité au rang de vertu  cardinale, ce qui suggère au franc-maçon non seulement d’appréhender cette notion, mais surtout de la pratiquer au même titre que l’humilité et bien  d’autres vertus à cultiver, nécessaires pour suivre les enseignements de la méthode maçonnique.

Dans le Temple,  espace sacré et consacré, lors de la cérémonie d’Initiation, cette prédisposition évoquée de manière suggestive va prendre un caractère particulier car, après les trois voyages initiatiques, le néophyte va faire une promesse solennelle sur l’autel de la vérité : Il va prêter Le Serment Maçonnique.

« Je promets de remplir mes devoirs envers la famille, la patrie et l’humanité plus fidèlement encore que par le passé ; de respecter toute conviction sincère non contraire à la loi morale et à l’amour du prochain ; de travailler à mon propre perfectionnement ; de persévérer sans relâche dans la recherche de la vérité et de la justice.

Je promets de ne pas demeurer absent des réunions de la Loge à moins de raisons absolument majeures et de collaborer à ses travaux dans la mesure de mes forces.

Je promets d’observer scrupuleusement les lois de la Franc-maçonnerie, de travailler à la prospérité de ma Loge, d’aimer mes frères, de les aider de mes conseils et de mes actions, pour autant que ceci n’est pas contraire à mon honneur et mes devoirs vis-à-vis de Dieu, de la patrie et de la famille.

Je promets de ne révéler ni les usages de la franc-maçonnerie ni les justifications de mon grade et de ne parler qu’avec la discrétion qui sied à un homme d’honneur des travaux et des délibérations de la Loge.

Tout cela je le promets sur l’Honneur

Après ce serment si solennellement prêté, la fidélité, loin de se limiter à une vertu de bonnes mœurs, prend  une toute autre dimension. Elle devient un engagement irréversible et donc une obligation, un Devoir. En effet  la fidélité au serment prêté est le fondement même de l’éthique maçonnique tel que l’indique sans détour  le manuel de l’instruction dispensée aux apprentis: « Toute l’essence de la franc-maçonnerie est contenue dans ces paroles, et celui qui se conforme aux préceptes qu’elles formulent sera un franc-maçon véritable et un homme digne de ce nom ».

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Le franc-maçon est appelé à voyager pour parfaire son instruction, en visitant les loges pratiquant des rites différents. Cependant même s'il est observé des variétés dans la pratique rituélique, par exemple l’absence de l’épreuve d’interrogation sous le  bandeau dans le rite Ruchon par rapport au R.E.A.A., le serment quant à lui, est obligatoirement contracté dans tous les rites.

Les dispositions claires et explicites du texte ainsi rédigé font du serment un code de conduite et un guide pratique auto explicatif qui rendent tous commentaires et additifs superflus. Mais force est de constater que l’ouvrage doit être remis en chantier sans relâche !

Dans la pratique, puisque nous nous reconnaissons à nos signes mots et attouchements, mais aussi et surtout aux circonstances de notre admission, il faut donc bien se remémorer et  polariser la signification du signe pénal, qui à chaque fois qu’il est exécuté renouvelle notre serment et notre engagement, envers l’Ordre, envers la Loge et surtout envers nos Frères.

Tous les  signes, mots et attouchement n’ont de valeur que dans la mesure ou le franc-maçon cherche à se distinguer  par sa sincérité vis à vis des autres hommes et par sa conduite irréprochable. Ce qui doit s’appliquer a fortiori et a priori vis à vis de l’Ordre maçonnique. Cela suppose évidemment  une participation active et effective à la vie courante de la Loge, l’assiduité, les obligations liées aux charges pécuniaires, mais surtout l’écoute et l’entraide, l’assistance à ses Frères et par extension la générosité et la bienfaisance en général. Bien évidemment l’art est difficile et la critique facile, mais  ce travail doit commencer  dans le temple et se poursuivre au dehors. Ce n’est qu’à cette condition, sur le chemin de l’effort, que les Frères, ces colonnes vivantes du Temple peuvent nous reconnaître comme tels, car sans être juges de notre action quotidienne, ils balisent le chemin de notre ascèse initiatique et réfléchissent, tels des miroirs d’indice de réfraction différent, les multiples facettes de notre propre conscience, laquelle est appelée à rejoindre une conscience collective de la Loge ou Egrégor.

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Mais ces garde-fous ainsi constitués par nos Frères en leurs qualités respectives ou par les formes et statuts organisationnels nécessaires à la vie et à l’animation du corpus de la Loge entravent t-ils notre liberté individuelle?

Dans ce qui est communément appelé le land mark des Land mark, à savoir le principe de base « le maçon libre dans une Loge libre », la notion de liberté est canalisée et rejoint fondamentalement le libre arbitre des frères sous réserve du respect scrupuleux de l’esprit des constitutions d’Anderson. En effet l’homme libre de sa pensée et donc adulte circonspect doit éviter l’anarchie et tenir compte de la liberté d’autrui. La fidélité à sa démarche maçonnique, loin de priver le franc-maçon de sa liberté d’action, de mouvement, lui impose de bâtir selon un modèle constructif, prenant en compte également des concepts et des idées opposées à la sienne. Ce respect mutuel des positions de chacun est le fondement même de la méthode maçonnique, véritable école de tolérance qui parvient ainsi à concilier les contraires pour progresser vers la vérité.

L’engagement maçonnique, on n’aura de cesse à le répéter, se prend en toute liberté, et la fidélité à ses engagements n’ôtera jamais la liberté que peut avoir  un franc-maçon d’exprimer et de marquer des positions divergentes pour vivre en harmonie avec sa conscience. Mais le libéralisme ne doit pas sombrer dans le désordre. A cet effet le congé, la démission et la radiation sont administrativement prévus par les textes organiques, qui sont toujours à améliorer, afin de permettre aux frères de se retirer élégamment et fraternellement des obligations contractées.

Malgré la démotivation ou le renoncement de certains frères, rappelons-nous sans cesse qu’il y a toujours beaucoup d’appelés et peu d’élus, tel que le symbolise la Voûte étoilée. La seule caractéristique à laquelle le franc-maçon doit demeurer attaché est une fidélité toujours plus grande au devoir et sa libre pensée sur le chemin de la recherche de la vérité!

Dans ces conditions, la fidélité et donc le respect de ses engagements devient une expression, une manifestation de sa propre liberté: une liberté raisonnée  dans le bien penser, le bien faire et le bien dire, véritable  baromètre de son altruisme !

Toutefois il est toujours nécessaire de rappeler que même radié un franc-maçon ne perd pas sa qualité d’initié, en conséquence il restera toujours redevable du serment qu’il a prêté, surtout par rapport à la discrétion vis-à-vis de ses frères et en tant que garde du sceau du Secret maçonnique. Bien évidemment le serment prêté est atemporel, et livré dans un espace-temps particulier et sacré, il doit avoir interpellé les profondeurs de la psyché de l’initié, lequel se trouve non pas face à des obligations externes mais face à des manifestations internes, et vis-à-vis de son maître intérieur.

Le franc-maçon, l’initié de tout ordre et de tout grade, être humain avec ses faiblesses, ses défauts mais aussi ses qualités pourra toujours nous décevoir mais jamais la maçonnerie en tant que méthode pour notre quête spirituelle vers un idéal de vérité. La maçonnerie  exige de nous des engagements que nous sommes libres d’accepter ou de refuser, elle nous demande en particulier de participer à une meilleure humanité. Et selon la maxime bien connue de Socrate, « Connais-toi toi-même et tu connaîtras l’Univers et les Dieux! », chacun trouvera la voie qui lui est propre car On S’INITIE SOI- MÊME !

La fidélité à ses engagements vécue comme manière et art de vivre devient alors  un gage de stabilité et de maturité qui conduit sur le chemin de la sagesse et de la Vérité.

La fidélité supplante alors les obligations pratiques contractées nécessaires pour des impondérables organisationnels et sociétaux qui sont  inévitables dans la sphère terrestre. La fidélité vécue comme philosophie comportementale induit une élévation supplémentaire de la psyché de l’initié. Elle se dématérialise alors et se transforme en  un geste d’Amour pour l’autre et pour soi, l’amour de son idéal de perfection et de perfectibilité de l’Homme.

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Le sujet aurait pu s’intituler aussi bien « le Serment maçonnique » ou encore « les devoirs  du franc-maçon», les éléments de méditation conduiraient sur  les  mêmes pistes à explorer toujours davantage. La fidélité me semble en définitive être une singulière vertu issue du  résultat consensuel d’une lutte permanente dans notre psyché  entre notre  Ego et notre Altruisme, qui se transforme en un devoir permanent de perfection par une alchimie particulière qui dans  la pratique de l’Art Royal  se transcende en Amour. La fidélité, pierre angulaire de la construction de notre propre  temple maçonnique, sublime le devoir permanent de celui qui cherche la vérité, de celui qui s’INITIE en toute liberté.

Selon l’illustre frère Alain Pozarnick :

« L’Initiation s’opposera toujours aux dogmes et aux théories parce que l’Initiation est Connaissance, l’Initiation est action, l’Initiation est quotidienne, l’Initiation est Amour… »  On se surprend à retrouver une identité remarquable, telle une correspondance biunivoque  entre l’Initiation et la Fidélité.

Somme toute et pour clore ce propos, je soumets à votre sagacité l’acception suivante de la fidélité qui me paraît bien lumineuse dans la déclaration suivante que je formulerai en toute humilité: « l’Initiation, c’est aussi la Fidélité dans la recherche de la Vérité ».

(Source : Grand Orient de Suisse)



19/05/2007
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