NAUVOO LODGE

NAUVOO LODGE

La symbolique de l'Acacia

Depuis les problèmes compliqués d'étymologie, en passant par la question du vrai ou du faux acacia, des spécialistes ont cherché son identité dans toutes les dimensions de la botanique. Mieux connaître l'acacia par les connaissances scientifiques en cernant la totalité de sa réalité objective, ensuite par interrogations successives, trouver dans quelle mesure ses qualités physiques peuvent se transposer dans un ordre moral. Ainsi dans un dédale de savoir, le Maître nouvellement instruit commence sa quête de l'intelligence du symbole.
 
Mais l'étude de type universitaire s'étale et se disperse dans un savoir livresque. Il semble même que la méthode dans sa rigueur d'investigation et par les données rassemblées, éloigne inéluctablement de la voie symbolique. La botanique reste impuissante à dégager la valeur et l'enseignement de l'acacia. Le sens se dérobe.
 
Ce genre de recherche nous révèle, tout au plus, une réputation de bois imputrescible. Cette qualité sera mise en parallèle avec la notion d'immortalité induite dans la légende d'Hiram. Mais l'implication du symbole ne se réduit pas seulement à ce simple constat.
 
D'autres « qui voient de l'acacia partout» l'inscrivent facilement dans une longue histoire à travers les âges. Depuis les anciennes civilisations, l'arbre ou le bois d'acacia est d'essence sacrée. Vénéré en tant que tel, il est utilisé selon eux, chaque fois que l'histoire se charge d'un sens particulier: dans l'antique Égypte, mais surtout dans la tradition biblique. Ces spéculations ou investigations historico-botanico-symboliques n'ont rien à voir avec une étude sérieuse de la symbolique maçonnique. Que nous importe en effet, que l'arche d'alliance, la croix, et même la couronne d'épines portée par le Christ aient été faites de bois d'acacia ?.. le but plus ou moins avoué de cette recherche est de trouver une filiation antique à la Franc-Maçonnerie, de manière à démontrer qu'elle est bien dépositaire d'une tradition primordiale, dont les membres enorgueillis sont évidemment les dignes enfants. Pseudo-histoire et divagations botaniques encombrent fort malheureusement la littérature spécialisée. Même si le meilleur .des enseignements de ces pistes de recherche se résume en fin de compte par des messages en forme d'allégorie morale, ceux-ci conduisent trop souvent à des impasses assez voisines du pur dogmatisme.

Force est de constater que peu d'auteurs ont parlé de l'acacia en termes réellement symboliques, simplement parce qu'ils l'ont cherché là où il n'est pas. Il nous semble que le seul fondement reconnu de l'étude doit s'établir à partir de la légende d'Hiram incluse dans le rituel d'élévation au 3e, dont l'acacia constitue une des principales articulations.

L'ACACIA DANS LA LÉGENDE
 
Commençons par un bref rappel de la légende d'Hiram: Afin d'obtenir le grade de Maître, qu'ils n'ont pas mérité, trois mauvais Compagnons tentent par la force d'en acquérir la connaissance. Se heurtant à l'opposition du Maître Hiram, ils l'assassinent. Puis le transportent hors de la ville, dans un lieu écarté ensevelis- sent le corps sous un tertre, sur lequel ils plantent sommairement une branche d'acacia. Le lendemain, les traces de sang révèlent le crime, alors les MM.'. donnent cours à leur douleur. Ensuite ils jurent de n'épargner aucune recherche pour retrouver le corps. Inlassablement ils persévèrent à chercher afin de donner à Hiram une sépulture digne de lui. La vision de l'acacia planté sur le tertre fraîchement' remué, fait pressentir qu'ici se trouve le cadavre. Les MM.'. conviennent alors d'adopter un nouveau signe et un nouveau mot sacré en mettant au jour la dépouille du Maître vénéré. Ce qui est fait. Ainsi Hiram renaît dans l'esprit de ses successeurs.

Constatons que sans l'acacia le lieu où est enseveli Hiram n'est pas connu, il est à l'origine de la découverte. De l'invisible au visible il est le chaînon manquant intervenant dans l'histoire comme un axe, un pivot autour duquel tout bascule.
 
L'acacia agit en véritable transformateur à partir de la connaissance qu'il représente. Mais si il indique un message communiqué par sa seule présence sur le tertre, la communication ne s' établit cependant que par l'interrogation du M.'. et dans les développements de sa pensée. En cela réside le langage clé, d'accession à la maîtrise. De cette alchimie intellectuelle naît la délivrance du Comp.'., sous la forme allégorique de la mutation de l'initié en homme nouveau.
 
La régénération intervient après la fouille, au moment précis où la dépouille du Maître retrouve la lumière. Simultanément sont effectués et prononcés le nouveau signe et le nouveau mot sacré, qui transmutent le Comp.', en M.'..
 
Le symbolisme est ici très clair, le geste et la parole sont les matériaux de la régénération. Ils sont la Parole substituée, identique à l'esprit de la Parole perdue, primitive et fécondante, que détenait Hiram, et dont le nouveau Maître commence la quête.
 
Nous s'avons maintenant où conduit l'acacia, son rôle irremplaçable, et le sens emblématique qu'il recouvre. Seul vestige de la vie disparue, par lui se réalise la connaissance gestuelle et verbale, condition nécessaire à la renaissance d'Hiram.
 
« Éternel espoir de la survivance des âmes, de l'indestructibilité de la vie» selon Plantagenet, « conscience de la vie véritable » d'après Wirth... Le symbolisme de l'acacia reste cependant difficile à cerner.
 
L'image couramment figurée, le représente sous la forme d'une branche à sept feuilles, pourquoi sept?
 
Le nombre ne se justifie pas seulement par sa valeur de quanti té, mais aussi et surtout, par l'harmonie qualitative qu'il déploie. L'ensemble de cet influx crée son rapport au monde qui, en inter- action le désigne comme ce qu'il est.

Entre autres combinaisons, sept s'obtient par addition de trois, qui est l'Unité dans son essence et de quatre qui est l'unité dans sa substance. Sept est donc la matière animée, une totalité en mouvement (le Chariot du Tarot) analogue à l'homme parfaite ment réalisé. Situé entre le haut et le bas (la verticale), et les quatre points cardinaux des recherches (l'horizontale) l'homme debout est « ici » c'est-à-dire sept au centre du six. Sept désigne la perfection du centre par rapport à la périphérie, et aussi l'âge symbolique du M.', maçon placé entre l'équerre (3) et le compas (3),

L'ACACIA DANS LE RITUEL
 
Dans la première partie de la cérémonie, le récipiendaire assiste à la commémoration du triste événement et revit les moments forts du drame. Au rite Français, il n'est pas identifié d'emblée au maître Hiram. Son rôle est passif jusqu'a l'aboutissement des recherches, le moment ou le G.'. Exp.'. signale l'acacia pour la première fois. Aussi cette partie du rituel se présente-t -elle, comme une énigme dont l'initiable, aidé de l'acacia, doit faire la lumière.
 
La co-naissance du passé.
 
Au G.'. Exp.'., le 1er Surv.'. réplique: « Cette branche d'acacia. a vraisemblablement été plantée sur ce tertre par les assassins d'Hiram, pour reconnaître l'endroit où ils ont caché son cadavre». Analysons de près cette phrase extraite du rituel. Une question vient à l'esprit, pourquoi les assassins ont-ils planté une branche d'acacia ?.. pour reconnaître l'endroit, répond le rituel. Pourquoi donc avaient-ils besoin de reconnaître l'endroit ?.. peut-être pour y revenir ?.. mais y revenir pourquoi faire ?..
 
Reprenons au début. Hors la voie légale, trois Comp.'. sont prêts à tout pour obtenir les secrets de la maîtrise. Trois tentatives par la force conduisent à l'assassinat. C'est dire tout l'intérêt qu'ils portent à ce qu'ils convoitent. Dans la destruction de ce qui leur paraît supérieur, ils trouvent la mesure de leur valeur. Le crime confère la supériorité recherchée, tuer le maître c'est devenir maître. L'acacia prouve la réalité de l'acte et figure à leurs yeux, l'emblème de leur victoire.
 
Résumons le sens de l'histoire: En négatif, l'assassin se considère maître, il a vaincu et détient le secret de la mort de sa convoitise. En positif, le M.'. est pleinement M.'., il a découvert la mort et institutionnalisé son secret.
 
La co-naissance du présent
 
« Compagnons, arrachez cette branche d'acacia. Vous la tiendrez ensuite à la main. » En saisissant l'acacia l'initié se rattache à tout ce qui survit de la tradition maçonnique, et par le rituel d'élévation s'ouvre à l'immortalité symbolique. L'immortalité n'existe pas, mais la permanence existe. Elle s'exprime dans la tradition vivante dont le M. '. est dépositaire, et qu'il devra, à son tour, lui aussi transmettre. La passation engendre une interaction entre la mémoire collective et la mémoire individuelle qui, forte de l'expérience peut se remémorer. Se « re-mémorer » participe d'une certaine manière à la re-naissance d'une partie de nous-même. Dans la légende, par analogie ce phénomène est exprimé allégoriquement dans le fait de « retrouver le lieu ».
L'acacia jalonne le chemin de la mémoire, passage obligé de toute quête d'identité.
 
La co-naissance du futur
 
« Mes F.'. mettons un terme à notre douleur. L'acacia nous reste et sera pour nous une marque de reconnaissance. C'est l'emblème des sociétés humaines qui après avoir subi une longue oppression sont revivifiées par la liberté ».
 
Le Débhir à ce moment resplendit de lumière. Le nouveau Maître porte la branche jusqu'à l'autel où il la dépose. « Veuillez étendre la main droite au dessus de la branche d'acacia ». En forme de serment, les règles et devoirs, sont énoncés dans la lecture de l'obligation. Travailler à l'accomplissement de l'œuvre et, d'une part instruire, d'autre part ne pas révéler. Ces deux dernières fonctions se confondent avec celles de l'acacia qui « parle» à l'initié, (les trois mauvais Comp.'. sont initiés) et demeure seulement un végétal muet pour le profane.
 
Quant à l'accomplissement de l'œuvre, c'est l'objet futur du M. '. maçon. Porter ses efforts là où le conduit sa vie, et offrir son travail aux autres. Autrement dit, porter la branche et la déposer sur l'autel, tel est le sacrifice à consentir. Nos œuvres nous survivent, à travers elles nous existons encore dans l'esprit des générations suivantes.
 
Par la légende, l'acacia ouvre à l'unité triple de la connaissance. Celle-ci mise en œuvre par le rituel permet l'accession à l'immortalité symbolique. C'est dire tout l'intérêt qu'a l'initié de s'approprier le symbole. L'appropriation constitue en fait, tout l'enseignement pratique de l'acacia.

L'ACACIA REFLEURIT TOUJOURS
 

Pagnol fait dire à Raimu dans « la fille du puisatier » : « ... il faut se méfier des gens qui vendent des outils et qui ne s'en servent pas ». Il faut donc nous servir du symbole en tant qu'outil. Mais pour devenir efficace le symbole doit pénétrer nos consciences, s'imposer à nous jusqu'à se superposer, dans une totale identification. Avec imagination et volonté; L'acacia peut être converti d'un mode mental et abstrait, en un mode physique, pratique et quotidien, afin de devenir un outil bien réel. Si l'acacia est reconnu comme un signe, nous devons donc être un signe.
 

Comme l'acacia planté sur le tertre, acacia nous-même, plantés dans la société, nous avons' le devoir de devenir un jalon visible, un jalon utile à toute conscience en voie d'évolution. Ce que le livret d'instruction du 3° grade définit en ces termes « Cette branche verdoyante au sein de la mort, est l'emblème du zèle ardent que le Maître doit avoir pour la vérité et pour la justi- ce, au milieu des hommes corrompus qui trahissent l'une et l'autre ».

Corroborant la double notion de repère et de transmission, signalons que le « dictionnaire» de Daniel Ligou mentionne plusieurs revues ayant pour titre « acacia» ou « l'acacia ».
 

Ainsi l'acacia s'exprime de la même manière, par le Maître Maçon comme dans une revue maçonnique, en termes de représentativité et de diffusion d'une œuvre qui doit sans cesse se renouveler; discerner les vrais valeurs afin de nous améliorer, travailler à réaliser le beau et le bien que nous devons faire au pré- sent, « ici et maintenant ».



21/05/2007
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 113 autres membres