Le Rite Ecossais Ancien et Accepté
Le Rite écossais ancien et accepté (REAA) est l'un des rites maçonniques les plus répandus dans le monde. Il fut fondé en 1801 à Charleston (USA) sous l'impulsion des Frères John Mitchell et Frederic Dalcho, sur la base des Grandes Constitutions de 1786, attribuées à Frédéric II de Prusse. C'est à l'origine un Rite destiné uniquement aux grades qui suivent le grade de Maitre et il n'acquière sa pleine pertinence qu'à partir du 4ème degré.
Bien qu'il soit composé de 33 grades, il est habituellement pratiqué dans le cadre de deux organismes complémentaires mais distincts:
- Une obédience maçonnique qui fédère des loges des trois premiers grades de la franc-maçonnerie.
- Une « juridiction » de hauts grades maçonniques, dirigée par un « Suprême Conseil », qui regroupe des ateliers du 4ème au 33ème degrés.
Premières références au degré de « Maître écossais »
On trouve dès 1733 la trace d'une loge de Temple Bar, à Londres, ayant conféré le degré de « Maître écossais » ("Scots Master" ou "Scotch Master"). Il fut également conféré dans une loge de Bath en 1735 et dans la loge « française » « St George de l'Observance n°49 » de Covent Garden, en 1736.
Le mythe de l'influence Jacobite
L'origine du mythe de l'influence Jacobite sur la naissance des hauts grades pourrait résider dans une remarque imprudente faite par John Noorthouk en 1784 dans le livre des Constitutions de la première Grande Loge de Londres. Il y était déclaré sans preuve que le roi Charles II (frère aîné et prédécesseur de James II) fut fait franc-maçon en Hollande durant son exil (1649-1660). Il est aujourd'hui clair qu'à cette époque, il n'existait pas encore de loges de francs-maçons sur le continent. Cette remarque visait certainement à flatter la fraternité par la revendication de l'appartenance d'un ancien monarque. Cette légende fut embellie par John Robison (1739–1805), professeur de philosophie à l'Université d'Edinbourg dans un ouvrage anti-maçonnique publié en 1797.
Au milieu du XIXe siècle, cette légende se développa encore. Le célèbre auteur maçonnique anglais George Oliver (1782-1867), dans son ouvrage « Historical landmarks » la relança et déclara même que le roi Charles II assistait régulièrement aux tenues. Cette histoire fut reprise par les auteurs maçonniques français Jean-Baptiste Ragon (1771-1862) et Emmanuel Rebold, ce dernier imaginant même de toutes pièces une création des hauts grades au sein de la loge Canongate Kilwinning d'Edimbourg.
Étienne Morin et son rite en 25 degrés
Un négociant français nommé Étienne Morin, qui avait été reçu dans la franc-maçonnerie des hauts-grades depuis 1744 fonda une « loge écossaise » au Cap Français, au nord de la colonie de Saint-Domingue. Le 27 août 1761, à Paris, Morin reçut une patente signée des officiers de la Grande Loge le nommant « Grand Inspecteur pour toutes les parties du Monde ». Des copies plus tardives de cette patente, qui ne visait probablement à l'origine que les loges symboliques, semblent avoir été embellies, peut-être par Morin lui-même, afin de mieux assurer sa prééminence sur les loges de hauts grades des Antilles.
Morin pratiquait un rite nommé « Rite du Royal Secret » en 25 degrés dont le plus haut se nommait « Sublîme Prince du Royal Secret » et qui découlait peut-être lui-même du rite pratiqué à Paris par le « Conseil des Empereurs d'Orient et d'Occident ».
Morin retourna à Saint Domingue en 1762 ou 1763 et, grâce à sa patente, constitua progressivement des loges de tous grades à travers les Antilles et l'Amérique du Nord. Il créa en particulier en 1770 un « Grand Chapitre » de son rite à Kingston, Jamaïque, où il mourrut en 1771.
Henry Andrew Francken et ses manuscrits
L'homme qui aida le plus Morin à diffuser son rite dans le Nouveau Monde fut un hollandais naturalisé français nommé Henry Andrew Francken. Morin le nomma Député Grand Inspecteur Général dès son retour aux Antilles. Francken travailla en étroite collaboration avec lui et, en 1771, rédigea un manuscrit contenant les rituels du 15ème au 25ème degré. Il rédigea au moins deux autres manuscrits, le premier en 1783 et le second vers 1786, qui contenaient tous les degrés du 4ème au 25ème.
Une loge de « Parfaits d'Écosse » fut formée le 12 avril 1764 à la Nouvelle Orléans. Ce fut le premier atelier de hauts grades sur le continent nord américain. Son exsistence fut brève car le Traité de Paris avait cédé en 1763 la Nouvelle Orléans à l'Espagne catholique et hostile à la franc-maçonnerie: Toute activité maçonnique sembla cesser à la Nouvelle Orléans jusque dans les années 1790.
Francken s'installa à New York en 1767 où il reçut une patente, datée du 26 décembre 1767, pour la formation d'une loge de Perfection à Albany qui lui permit de conférer les degrés de perfection (du 4ème au 14ème) pour la première fois dans les treize colonies britanniques. Cette patente ainsi que les minutes des premiers travaux de cette loge sont actuellement dans les archives du Suprême Conseil de la Juridiction Nord des USA.
Pendant son séjour à New York, Francken communiqua aussi ces degrés à un homme d'affaires juif, Moses Michael Hays, qu'il nomma Inspecteur Général Adjoint (DIG: Deputy Inspector General). En 1781, Hays nomma à son tour 8 autres Inspecteurs Généraux Adjoints, dont quatre jouèrent plus tard un rôle notable dans la fondation du Rite écossais ancien et accepté en Caroline du Sud:
- Isaac Da Costa Sr., D.I.G. for South Carolina
- Abraham Forst, D.I.G. for Virginia
- Joseph M. Myers, D.I.G. for Maryland
- Barend M. Spitzer, D.I.G. for Georgia
Da Costa retourna à Charleston, Caroline du Sud et y établit une « Sublime Grande Loge de Perfection » en février 1783. À sa mort, en novembre 1783, Hays nomma Myers son successeur. Rejoint par Forst et Spitzer, Myers créa huit degrés supplémentaires à Charleston.
Naissance du Rite écossais ancien et accepté
Bien que les trente-trois degrés aient ainsi déjà été créés, le Rite écossais ancien et accepté ne fut constitué qu'avec la fondation du premier Suprême Conseil, le Suprême Conseil de la Juridiction Sud à Charleston, en mai 1801, sous l'impulsion de John Mitchell et Frederic Dalcho.
C'est avec des patentes de ce premier Suprême Conseil que furent progressivement constitués tous les autres Suprêmes Conseils du monde, comme:
- le Suprême Conseil du 33e degré en France (nom extact de l'organisme à l'époque), en 1804
- le Suprême Conseil de la Juridiction Nord des USA, en 1813.
- le Suprême Conseil d'Angleterre et du Pays de Galles, en 1845.
Albert Pike et le REAA aux USA
Né à Boston, dans le Massachusetts, le 29 décembre 1809, Albert Pike est souvent considéré aux USA comme étant l'homme qui fit le plus pour le succès du REAA, le faisant passer du stade de rite maçonnique assez obscur au milieu du XIXe siècle à la fraternité internationale qu'il est devenu. Pike reçut tous les grades du 4ème au 32ème de l'historien maçonnique américain Albert Mackey en mars 1853 à Charleston, Caroline du Sud et la même année fut nommé Inspecteur adjoint (Deputy Inspector) pour l'Arkansas.
A cette époque, les degrés étaient encore dans une forme rudimentaire et le plus souvent ne contenaient qu'une brève légende accompagnée de quelques détails, mais le plus souvent sans véritable rituel d'initiation. En 1855, le Suprême Conseil de la Juridiction Sud nomma un comité chargé de préparer des rituels complets du 4ème au 32ème degré. Ce comité fut composé de Albert G. Mackey, John H. Honour, W. S. Rockwell, C. Samory et Albert Pike, mais c'est Albert Pike qui fit l'essentiel du travail.
En mars 1858, Pike fut élu membre du Suprême Conseil de la Juridiction Sud des USA et devint son Grand Commandeur en janvier 1859. La Guerre de Sécession interrompit son travail sur les rituels du Rite écossais. Après la guerre, il partit pour Washington et en 1868 il termina son travail de révision des rituels.
Pike écrivit aussi de conférences pour tous les degrés qu'il publia en 1871 sous le titre Morales et Dogme du Rite écossais ancien et accepté.
Histoire du REAA en France
Le Rite Ecossais Ancien et Accepté est apparu en France grâce au Frère Grasse-Tilly en 1804, alors qu'il revenait des « isles d'Amérique ». Il fonda le premier Suprême Conseil de France cette même année.
Un traité d'Union en Décembre 1804 se fit entre le Grand Orient de France et le Suprême Conseil du 33e degré en France. Il est dit que Le Grand Orient unit à lui le Suprême Conseil de France. L'accord fut dans les faits appliqué jusqu'en 1814. C'est grâce à ce traité que le Grand Orient de France s'appropria le Rite Ecossais Ancien et Accepté.
De 1805 à 1814 le Grand Orient de France administra les 18 premiers degrés du Rite, laissant au Suprême Conseil de France le soin d'administrer les 15 autres, du 19e au 33e. Peu à peu le Suprême Conseil perdit son activité et tomba en sommeil.
En 1815 la plupart des dirigeants du Suprême Conseil quittèrent l'obédience et fondèrent au Grand Orient de France le Suprême Conseil des Rites, apportant ainsi l'ensemble des degrés écossais au Grand Orient.
Le Suprême Conseil des Isles d'Amérique (fondé en 1802 par Grasse-Tilly, réveillé par Delahogue vers 1810) réveilla en 1821 le Suprême Conseil pour le 33e degré en France et ils fusionnèrent en une seule organisation : Le Suprême Conseil de France. Il s'érigea en puissance maçonnique indépendante et souveraine. Il créa des loges symboliques (celles qui sont composées des 3 premiers degrés et qui se fédèrent normalement au sein d'une Grande Loge ou d'un Grand Orient).
En 1894 le Suprême Conseil de France créa la Grande Loge de France; il lui accorda son autonomie administrative en 1908. Cette autonomie concerne exclusivement l'administration de l'obédience qui élit son Grand Maître. Le Suprême Conseil de France conserve une autorité dogmatique sur l'ensemble des 33 degrés du Rite (Il convient de constater que le Suprême Conseil de France organise sa tenue des Hauts Grades la veille du Convent de la Grande Loge de France)
En 1964 le Souverain Grand Commandeur Riandey ainsi que 800 des membres de la Juridiction du Suprême Conseil quitta le Suprême Conseil de France, rejoignit la Grande Loge Nationale Française et fonda le Suprême Conseil Pour la France grâce à l'aide de quelques Suprêmes Conseils étrangers.
Le Suprême Conseil Pour la France fut depuis reconnu comme seule autorité du Rite Ecossais pour la France par le premier Suprême Conseil du Monde : Le Suprême Conseil de la Juridiction Sud des États-Unis.
La France se trouve ainsi l'un des rares pays où coexistent 3 Suprêmes Conseils légitimes :
- Le Suprême Conseil de France (Issu du Suprême Conseil de 1804 puis réveillé en 1821 par le Suprême Conseil dit des « Isles d'Amérique » fondé en 1802 à Saint Domingue), souché sur la Grande Loge de France.
- Le Suprême Conseil pour le Rite Ecossais Ancien et Accepté en France (Issu du Suprême Conseil de 1804, constitué en 1815), souché sur le Grand Orient de France.
- Le Suprême Conseil pour la France (1965), souché sur la Grande Loge Nationale Française.
Organisation [
Le Rite écossais ancien et accepté est dirigé dans chaque pays pas un Suprême Conseil (en théorie, il ne devrait y en avoir qu'un seul pas pays). Il n'existe pas de gouvernement mondial du REAA, chaque Suprême Conseil étant souverain dans sa juridiction.
Les 33 degrés du REAA [
Il n'existe pas en franc-maçonnerie de rang supérieur au troisième degré, celui de maître maçon. C'est un des principes fondamentaux de la « régularité maçonnique » que tous les maîtres maçons soient placés sur un pied d'égalité, sans considération de position sociale ou d'appartenance à d'autres degrés maçonniques. C'est pourquoi les degrés d'un numéro supérieur au troisième doivent être considérés comme des degrés d'instruction, ou de perfectionnement, et non pas comme des grades impliquant un pouvoir particulier et dont pourrait se prévaloir un maître maçon pour se prétendre supérieur aux autres.
Dans de nombreux pays, les trois premiers degrés peuvent être pratiqués à un autre rite que le REAA avant l'accès au autres grades de celui-ci.
Degré n° | Titre | Jur.Sud France | Belgique | Angleterre | Jur.Nord |
---|---|---|---|---|---|
1° | Apprenti | Loge symbolique (dans certains pays, ces degrés sont pratiqués à un autre rite) | |||
2° | Compagnon | ||||
3° | Maître | ||||
4° | Maître Secret | Loge de Perfection | Chapitre | Chapter | Lodge of Perfection |
5° | Maître Parfait | ||||
6° | Secrétaire Intime | ||||
7° | Prévôt et Juge | ||||
8° | Intendant des Bâtiments | ||||
9° | Maître Elu des Neuf | ||||
10° | Illustre Elu des Quinze | ||||
11° | Sublime Chevalier Elu | ||||
12° | Grand Maître Architecte | ||||
13° | Chevalier de Royal Arche | ||||
14° | Grand Elu de la Voûte Sacrée | ||||
15° | Chevalier d'Orient ou de l'Epée | Chapitre | Council | ||
16° | Prince de Jérusalem | ||||
17° | Chevalier d'Orient et d'Occident | Chapter | |||
18° | Souverain Prince Chevalier Rose + Croix | ||||
19° | Grand Pontife | Aréopage ou Council | Aréopage | Supreme Council | Consistory |
20° | Maître Ad Vitam | ||||
21° | Chevalier Prussien | ||||
22° | Prince du Liban | ||||
23° | Chef du Tabernacle | ||||
24° | Prince du Tabernacle | ||||
25° | Chevalier du Serpent d'Airain | ||||
26° | Prince de Mercy | ||||
27° | Grand Commandeur du Temple | ||||
28° | Chevalier du Soleil | ||||
29° | Grand Ecossais de Saint-André d'Ecosse | ||||
30° | Chevalier Kadosh | ||||
31° | Grand Inspecteur Inquisiteur | Consistoire | Consistoire | ||
32° | Sublime Prince du Royal Secret | ||||
33° | Souverain Grand Inspecteur Général | Conseil suprême | Conseil suprême | Supreme Council |
Particularité des différentes juridictions
Dans de nombreuses juridictions, il existe des particularités, généralement minimes. Elles concernent principalement les degrés qui sont réellement pratiqués, les autres étant simplement conférés sans cérémonie particulière.
- En Angleterre, on pratique le 18ème degré. Le 30ème est réservé aux anciens présidents de chapitres. Les degrés au delà du 30ème ne sont conférés qu'à un très petit nombre de personnes.
- En Écosse, on pratique les 18ème, 30ème degrés. Au delà, on procède comme en Angleterre.
- En France et en Belgique, suivant les juridictions, on pratique et on initie aux 4ème, 5ème, 9ème, 12ème, 13ème, 14ème, 18ème, 30ème, 31ème, 32ème et 33ème degrés, parfois aussi au 5ème degré.
- Au USA, la juridiction nord a réformé ses pratiques de manière plus notable en 2004 et en 2006, Certains noms de degrés, en particulier, ont été assez considérablement modifiés. Par ailleurs, le système nord-américain est beaucoup plus rapide que dans d'autres pays, puisqu'il permet d'atteindre le 32ème degré en très peu d'années alors qu'en europe continentale par exemple, une telle progression requiert une pratique assidue de plus d'une vingtaine d'années.
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