Les mystères de l'Ephrata Cloister - chaînon manquant initiatique?
Mes Très Chers Sœurs et Frères,
Le sujet que j’ai choisi d’aborder ce soir, constitue en quelque sorte un véritable trait d’union entre nos différentes sensibilités, il concerne tout à la fois la Franc-Maçonnerie, le Mormonisme et l’histoire de la spiritualité. Nous allons voir le destin d’un personnage méconnu, Frater Conrad Beissel dont l’action sera déterminante pour le futur initiatique du continent américain à partir du XVIIIe siècle.
Je vous emmène tout d’abord en Pennsylvanie. Un état rêvé par William Penn et qu’il a voulu fondé sur la Liberté de culte, et d’association, où chacun pourrait prier le Dieu de son cœur, selon sa conscience, sans être inquiété par les autorités politiques ou religieuses de l’Ancien Monde. La Pennsylvanie est un état passionnant à étudier pour la Maçonnerie, mais aussi pour les débuts de dizaines de mouvements religieux et ésotériques américains. C’est le berceau de la Franc-Maçonnerie au Nouveau Monde, le lieu de l’installation des premiers Francs-Maçons en Amérique. La Pennsylvanie est l’un des 13 états primitifs de la République Américaine, et l’un des plus importants par sa taille et sa position géographique. Les américains l’appellent le « Keystone State », ce qui signifie « Etat Clef de Voûte ». Par ailleurs cette appellation aurait été crée par des Francs-Maçons, cela renvoie également à la symbolique du degré de Royal Arch. Ici le Temple ce sont les Etats-Unis, et sa clef de Voûte c’est la Pennsylvanie. Et la Pennsylvanie possède une clef, véritable, une clef de nature initiatique que nous avons découvert récemment lors de recherches historiques, une clef que j’appelle « le chaînon manquant initiatique », qui se trouve au carrefour de plusieurs grandes traditions, notamment Rose-Croix de l’époque de la fama fraternitatis, et bien sur de la Franc-maçonnerie, et dont le hasard a voulu qu’il soit proche du fleuve Susquehanna dont l’importance sera capitale pour le Rétablissement du christianisme. Il s’agit d’une ville d’une grande beauté, au cœur d’un site forestier magnifique, cette ville s’appelle Ephrata.
Ephrata n’est pas un nom anodin, c’est le nom ésotérique dans la Bible de Bethléem, c’est la ville d’où doit venir le Sauveur d’Israël, le Messie qui viendra unir le Bois de Juda et le Bois d’Ephraïm, comprenez le Peuple Juif et les Nations qui auraient en chacune en elles, une partie des 10 tribus perdues déportées après la chute de Jérusalem par Nabuchodonosor en 587 d’avant notre ère. Ephrata a possédé un établissement très singulier, il s’agit de «l’Ephrata Cloister » que l’on peut traduire par « le Cloître d’Ephrata ». Or ce Cloître comme ont pourrait le penser, n’est pas une institution catholique ou protestante, il s’agit de bien autre chose.
L’Ephrata Cloister a été fondée en 1732 par des émigrants allemands, et pas n’importe lesquels. Il s’agit de Rose-Croix qui sont partis notamment de la région du Palatinat, avec à leur tête, un personnage très intéressant qui s’appelait Conrad Beissel. Il était né à Eberbach en mars 1691. Son métier était humble comme d’autres grands mystiques, il était boulanger et a voyagé dans la région pour perfectionner son métier. Dans ses voyages en Allemagne, il va rencontrer des piétistes, et très vite, des Rose-Croix, ceux-là même qui étaient responsables des fameux manifestes rose-croix qui avaient été placardés en Allemagne, et dont il faut bien le dire, l’historien ne connaît presque rien. Il semble bien que le rendez-vous avec les Rose-Croix eut lieu dans la prestigieuse ville universitaire d’Heidelberg.
Dans cette ville le jeune Beissel devient le disciple d’un Rose-Croix nommé Haller, et avec un petit groupe d’initiés, il se réunit au fond des bois, en recherchant la Sophia, la Sagesse Divine, recherchant des théophanies, des apparitions divines. Le contact avec les forces spirituelles dans les bois est un trait caractéristique des Rose-Croix de la fama. Rappelons que c’est aussi dans un bois que Joseph Smith sera témoin d’une magnifique théophanie, le bois constitue un temple naturel où le Grand Architecte de l’Univers organise la nature et peut se manifester aux cœurs purs et nobles. Qui étaient exactement ces Rose-Croix, certains auteurs pensent qu’il s’agissait de savants de l’époque comme Leibniz par exemple, d’autres pensent qu’il s’agissait d’une aimable farce mise en place par le pasteur luthérien Jean Valentin Andreae, enfin des érudits émettent l’hypothèse d’une confrérie aux origines obscures. Un seul point est certain, personne est capable de dire l’origine exacte de ce mouvement et qui le composait, cela reste une véritable énigme. On ne peut que constater une chose tangible, c’est l’apparition de grades maçonniques directement influencés ou introduits, par ces énigmatiques Rose-Croix, au sein de l’Ordre Maçonnique et au travers de tous ses rites, et ce, dans toute l’Europe d’alors, colonies comprises.
En 1715 Conrad Beissel est reçu Rose-Croix dans la fama fraternitatis. Officiellement Conrad Beissel affiche un piétisme orthodoxe, mais il n’en est rien, nous sommes en face d’un véritable initié aux mystères de la Rose et de la Croix. Arrive la grande décision dont la conséquence sera immense pour l’avenir initiatique de l’Amérique, 1720, Conrad Beissel est banni de sa patrie, son crime, avoir favorisé des cercles d’étude et mystiques en-dehors du cadre autorisé par l’Eglise Catholique, et d’appartenir à la société des Rose-Croix qui clame vouloir réformer le Monde. Le Frater Conrad Beissel, arrive alors en Pennsylvanie, le Paradis de William Penn comme ont appelle alors cette colonie.
Il arrive d’Allemagne avec des Frères de la Rose-Croix, appartenant très certainement au mouvement authentique qui avait tant fait parler de lui, qui en 1614 avait placardé deux manuscrits ésotériques, le Fama Fraternitatis et le Confessio Fraternitais. Mouvement qui justement disparaîtra de la scène européenne, et pour cause, ce mouvement, et c’est là notre hypothèse de travail, s’est déplacé au Nouveau Monde pour accomplir la destinée d’une Nation qu’ils veulent idéale et basée sur la Liberté comme règle absolue.
Arrive le moment crucial, celui de la fondation de la ville d’Ephrata et de son cœur, « l’Ephrata Cloister ». Qui n’est autre que le siège d’une véritable communauté Rose-Croix fondée sur les valeurs et les idéaux de cette mystérieuse fraternité. En Pennsylvanie Conrad Beissel va multiplier les expériences mystiques, il semble maîtriser parfaitement la théurgie, les invocations aux anges, l’alchimie, l’astrologie, et même les arts libéraux dans leurs ensemble. L’Ephrata Cloister possède une structure double, d’un côté 80 membres, qui pratiquent la chasteté et sont célibataires. Il y a un culte le sabbath, qui est le Samedi et non le dimanche pour les Rose-Croix de Beissel, et les Fraters et Sorores vivent dans des cellules, telle des moines traditionnels. Mais ce ne sont que des apparences, en fait la réalité est très différente d’un monastère.
Les membres de l’Ephrata Cloister étaient des végétariens, la seule viande qu’ils s’autorisaient était l’Agneau Pascal, qui était consommé selon un rituel spécifique, mais dont on n’a hélas aucune trace. L’Ephrata Cloister était bordé de vergers qui devaient évoquer le Jardin d’Eden, et qui étaient aussi lieu de méditations pour les membres.
Des ménages mariés seront acceptés ensuite dans l’enceinte d’Ephrata, et vivront également selon la règle des Rose-Croix allemands.
L’habit était une grande robe blanche à capuche, le blanc étant considéré comme l’expression de la pureté d’avant la chute. Et seul le Blanc est autorisé dans les ordonnances sacrées de l’Ephrata Cloister.
Très vite l’Ephrata Cloister va abriter, une puissante loge maçonnique, totalement secrète, nous savons qu’elle a existée, qu’elle fut très influente, mais son nom et ses membres nous sont encore de nos jours demeurés inconnus. L’un des amis personnels de Benjamin Franklin, Franc-Maçon très célèbre, que l’on nomme « le Professeur » était issu de cette loge secrète, et c’est le « Professeur » qui après une réunion du groupe implanté par Beissel, va proposer un modèle de drapeau pour la jeune République américaine, et qui sera adopté. Qui était l’identité du Professeur ? Personne ne le sait, par manque de documents. Cette loge maçonnique abrité par l’Ephrata Cloister sera la première implantée sur le sol américain, et c’est à l’abri de la Rose et de la Croix qu’elle fleurira pour donner à l’embryon de la maçonnerie naissante en Amérique un vigoureux rosier mystique.
L’Ephrata Cloister va abriter en son sein la première imprimerie présente sur le sol Américain, et va diffuser autant qu’elle le pourra des livres, au travers de toutes les colonies britanniques, réalisant un point du programme des Rose-Croix, instruire les Peuples pour leur assurer la Liberté. D’ailleurs, la passion des bibliothèques qu’avait Benjamin Franklin, qui soutenait partout la construction de bibliothèques publiques, a été directement influencée par le travail de l’Ephrata Cloister.
Les membres de l’Ephrata Cloister vont développer également une musique mystique et si profonde, qu’elle a inspirée de nombreux cantiques et chants sacrés a travers toute l’Amérique. Ce sont des chants de révérence envers le Grand Architecte de l’Univers, qui ouvrent à la méditation, semblable dans sa fonction au chant grégorien, mais très différent dans ses sonorités. Il s’agit vraiment de l’expression musicale de la Rose-Croix authentique de l’époque.
Conrad Beissel était d’après les témoignages de l’époque un homme mince, et pâle de teint, il dégageait un immense magnétisme, et les personnes qui étaient en sa présence ressentaient clairement sa forte personnalité et son tempérament mystique. Il a 25 ans, lorsqu’il fut initié à l’ordre de la Rose-Croix, en Allemagne, pendant son séjour à Heidelberg, et il en a atteint le rang le plus élevé. Ce qui fait dire aux historiens de la Pennsylvanie, que son choix d’émigration n’est pas le fait du hasard, et qu’il était investi d’une mission, celle d’établir les fondements d’une nouvelle République, à l’image de la Nouvelle Atlantide de Francis Bacon. Il était nourri également des lectures de Jacob Boehme, de Paracelse, et de la Cabale. Conrad Beissel n’oubliera jamais qu’il fut boulanger, Maître boulanger plus précisément et membre d’une guilde compagnonnique des Maîtres boulangers, et au Ephrata Cloister, il inventa une recette de pain révolutionnaire, une sorte de « Big Mac » avant l’heure, mais composé d’éléments saints, et les fours à pain de l’Ephrata Cloister tournerons toujours pour offrir ce pain gratuitement aux pauvres et nécessiteux. Ce fut la première institution sociale de l’Amérique, avant Beissel, personne n’avait pensé à faire cet acte de générosité et de fraternité au niveau collectif. Une fois de plus transparaît derrière ces choses l’idéal Rose-Croix, de culture et de bien être pour tous les Humains. Les Frères et Sœurs de l’Ephrata Cloister seront les premiers depuis l’abandon de cette pratique au IVe siècle par l’Eglise de Rome, de baptiser les morts et de leur apporter une initiation à la Rose-Croix par personne interposée. Cela sera repris ensuite comme chacun sait par l’Eglise Mormone beaucoup plus tard.
Autre fait troublant, la famille de David Whitmer est originaire de la Pennsylvanie allemande. Mieux encore, Peter Whitmer le père de David, habitait dans la ville de Cocalico, et il fut un visiteur assidu de l’Ephrata Cloister, mais nous ignorons s’il était lui-même membre de la Fraternité, ce qui est sur, c’est qu’il a connu les premiers Baptêmes pour les morts de l’histoire moderne avec ces Rose-Croix du Nouveau Monde. C’est ici un fait important lorsque l’on sait que David Whitmer son fils, fut l’un des 3 témoins principaux concernant la découverte des plaques d’or. Pour conclure sur l’Ephrata Cloister dans cette brève présentation, du au temps imparti, il convient de dire un mot sur la structure de l’Ephrata Cloister, la voici :
L’Ephrata Cloister était constitué en 3 ordres initiatiques, et nous avons pour l’histoire du mouvement Rose-Croix, quelque chose d’exceptionnel pour mieux le comprendre, car nulle part ailleurs, les chercheurs ne sont si bien renseignés sur la Rose-Croix, qui bientôt allait insuffler, ou se fondre, ou encore donner une impulsion décisive à la Maçonnerie au Nouveau Monde. Voici ces 3 ordres :
1°) La Confrérie de Sion, uniquement composé de Frères
2°) Les Sœurs de la Rose de Saron, uniquement composé de Sœurs.
3°) Le rassemblement de la Configuration : composé des couples mariés.
Ces 3 branches se regroupant dans ce que Conrad Beissel appelait l’Ordre de Melchisédech en référence au détenteur de la prêtrise universelle décrite dans le livre de la Genèse au chapitre 14 versets 18 à 24. Une référence que l’on retrouvera bientôt, puisque près d’Ephrata, sur les bords de la magnifique Susquehanna sera rétabli en 1829 la Prêtrise selon l’Ordre de Melchisédek après la manifestation d’apparitions célestes à Joseph Smith et Oliver Cowdery.
Cette région revêt une haute importance pour tout ce qui s’est passé en Amérique après, d’un point de vue initiatique mais aussi religieux. Pour tout ceux qui ont pu visiter la Pennsylvanie, et la région alentour, dont l’Etat de New-York, les visiteurs européens sont frappé par le caractère hautement inspirant, et disons le mot, surnaturel, de cette région. Il y règne une atmosphère étrange, intemporelle, peut être due à ces immenses forêts, à la nature encore intacte de ces lieux. Notons au passage que les fabricants historiques de décors maçonniques américains sont situés en Pennsylvanie également.
Après la guerre d’Indépendance de 1776, l’Ephrata Cloister commence à se retirer doucement de la scène de l’histoire, puis va disparaître, la mission est achevée, c’est ici encore un trait caractéristique de l’activité des Rose-Croix, ils se retirent après avoir accompli une mission. L’Amérique au sens moderne est née, la Franc-maçonnerie, le germe des nouvelles religions est en place. Une nouvelle ère est prête pour l’Humanité. Les Quakers et les Amish établie en Pennsylvanie, semblent avoir bénéficié d’aide et de protection de la part des Frères d’Ephrata avant la disparition des Frater et Sorores Rose-Croix du Cloître.
La mission achevée la Maçonnerie va alors fleurir partout en Pennsylvanie dans un premier temps, puis dans toute l’Amérique. Le Frère maçon Clifford P. Mc Calla pourra dire « Philadelphie est la cité mère de la Franc-Maçonnerie en Amérique » et cette affirmation est tout simplement la réalité maçonnique historique du Nouveau Monde. Ce que l’on connaît moins, c’est le rôle du groupe d’Ephrata dans le départ de cette Maçonnerie, ce soir, j’espère avoir contribué à rétablir quelques petites zones de lumières sur cette histoire obscure de l’Ephrata Cloister.
La Pennsylvanie et l’Ephrata Cloister ont encore un rôle important à jouer pour le Mormonisme. En effet, nous savons que la famille de Joseph Smith du côté maternel avait eu des liens avec des personnes de l’Ephrata Cloister. Et le jeune Joseph Smith avait visité dans sa jeunesse, ce qui restait de l’Ephrata Cloister, dont sa famille connaissait très bien l’existence par le passé. En revanche il est peu probable que le jeune Joseph ait rencontré des survivants de la communauté de Conrad Beissel. Mais il a pu très probablement méditer sur ces lieux particuliers, et très connu à l’époque, par le souvenir vivace de l’Ephrata Cloister dans les mentalités des Américains habitants cette région et des états alentour.
Joseph Smith qui n’est pas encore franc-maçon et qui n’a pas encore reçu les nombreuses apparitions dont il sera le témoin, a donc marché en ces lieux encore chargé de l’histoire secrète des Etats-Unis en ses débuts. Mais il y a plus troublant encore, le Deseret Evening News du 6 janvier 1868, journal de Salt Lake City, publie avec l’autorisation de la première Présidence de l’Eglise Mormone, donc de Brigham Young le nom secret de Joseph Smith. Et il le fera sous la pression des membres de l’Eglise d’Utah, qui veulent non par curiosité malsaine, mais par esprit de révérence, connaître ce nom sous lequel il était connu dans le Royaume Céleste. Ce nom est : Enoch. C’est tout à fait passionnant, Enoch est non seulement l’un des personnages les plus énigmatiques de la Bible, mais ce fut aussi le nom secret de Conrad Weiser, l’un des premiers à recevoir des mains de Beissel la prêtrise de Melchisédek dans sa forme ancienne de l’Ephrata Cloister. Weiser était un personnage très important de la Pennsylvanie, originaire du village d’Affstat dans le Herenberg en Allemagne. En effet, les membres de l’Ephrata Cloister possédaient également des noms qui ne seraient connu que d’eux, et révélés que dans les cieux. Joseph Smith et Conrad Weiser, le responsable de l’Ordre de Melchisédek de l’Ephrata Cloister, portent exactement le même nom mystique, sacré, et secret.
C’est vraiment un élément très intéressant qui interpelle l’historien et le chercheur honnête de bonne volonté. Ces éléments sont néanmoins connus des historiens mormons et non mormons qui s’intéressent à ce sujet, et cela pose la question de la connexion entre l’Ephrata Cloister et le jeune Joseph Smith. Joseph Smith fut-il également un Rose-Croix comme ose le dire le professeur Michael Quinn ? A-t-il fréquenté en Pennsylvanie des conventicules Rose-Croix émanation de l’Ephrata Cloister ? Enoch est un personnage central de la tradition ésotérique, il est celui qui a inspiré toute une partie de certains hauts grades maçonniques. Mais aussi, celui que l’on place comme inspirateur du système magique de John Dee, qui fut un éminent savant sous le règne d’Elisabeth 1er d’Angleterre et qui transcrivit sous la dictée d’esprits un système complexe magique dit Enochien. Ces noms mystiques identiques, entre le fondateur de l’Ephrata Cloister, donc l’action propulsera la Maçonnerie en Pennsylvanie puis dans tout le continent Américain, et du fondateur du Mormonisme qui va Restaurer une vision du Christianisme. La fréquentation du jeune Joseph Smith des lieux de l’Ephrata Cloister, sa famille qui a des liens en Pennsylvanie en cette ville étrange d’Ephrata, tout cela nous interpelle fortement. Il ne faut pas perdre de vue que les lieux de jeunesse de Joseph Smith qui furent le Vermont, l’Etat de New York, la Pennsylvannie et le Massachussets, sont des états qui possèdent des frontières communes et proches les uns des autres. C’est en fait la même région.
Enfin pour en terminer avec la Pennsylvanie poumon ésotérique et occulte des Etats-Unis et de l’Amérique du Nord, il faut savoir aussi que les émigrants allemands qui sont arrivés dans la région dès les années 1600 emportèrent avec eux des traditions magiques et shamaniques germaniques. Et la magie fleurira comme dans un véritable jardin fertile dès cette époque, a travers toute la région.
Très rapidement il y aura des échanges entre des tribus indiennes locales et les Allemands, mais aussi des Suédois émigrants, apportant leurs traditions nordiques païennes, pour créer un étrange syncrétisme, que l’on peut qualifier de Vaudou des Amériques d’origine allemande et indienne. Comme par hasard, c’est en Pennsylvanie que s’implantera dans les années 1970 la résurgence magique de la Wicca. En fait, il y eut un véritable mélange de toutes ces traditions sur le sol de l’état utopique de William Penn. D’ailleurs William Penn sera juge dans une affaire de sorcellerie de ce type, mais il relâchera une sorcière du nom de Margarett Mattson. Car à ses yeux la sorcellerie n’est que la pratique de l’ancienne religion païenne européenne, et personne ne doit être condamné à mort dans son état pour ses opinions religieuses, et pour Penn l’un des chefs Quakers, c’était bien une forme de religion ancienne mais dans l’erreur. Saluons ici William Penn, dont la Sagesse a permis d’éviter bien des morts inutiles dans « son » état.
Il est certain également que les Rose-Croix de l’Ephrata Cloister eurent des contacts avec les pratiquants de la magie, on appelait cela à l’époque le « magick folk », et il semble que tout le monde se soit bien entendu au final dans un esprit de paix. En Europe en revanche, cela aurait été la persécution assurée à la même époque.
Revenons à Joseph Smith et étudions ensemble, les liens qu’il a eu avec la jeune Franc-Maçonnerie des Etats-Unis, jeune, parce qu’elle ne commencera à s’installer qu’a partir de 1730. En Europe la Maçonnerie spéculative apparaît dans ses premières manifestations vers la fin du XVIIe siècle en Ecosse et en Angleterre. Le fondateur du Mormonisme est né le 23 Décembre 1805 dans la charmante petite ville de Sharon, comté de Windsor, Etat du Vermont. La famille du jeune Joseph était nombreuse, elle comportait 10 personnes. Cette famille était déchirée par les luttes religieuses alors très passionnées, dans l’Amérique d’alors, et les Smith subissaient comme toute famille de l’époque, des tensions, ne sachant vers quel parti religieux se diriger. Joseph Smith relatant cette époque parle de guerre de paroles et de ce tumulte d’opinion. Etant las de ces querelles, le jeune Smith ouvre alors sa Bible à l’Êpître de Jacques, chapitre 1 verset 7 qui dit : si quelqu’un d’entre vous manque de sagesse, qu’il la demande à Dieu qui donne à tous simplement et sans reproche, et elle lui sera donnée. Ce verset toucha son cœur avec une grande puissance et l’inspira profondément.
Le jeune Smith âgé de 16 ans se retira alors dans les bois proche de la commune de Manchester, quelque temps plus tard, pour méditer. C’était le matin d’une belle journée claire et ensoleillée de Printemps. Les feuilles des arbres filtre la lumière et donne au lieu une intense poésie. Les oiseaux chantent, et diverses petits animaux s’affèrent. C’est un véritable petit Eden. Joseph s’agenouille et prie avec une intense foi, une foi libre qui n’appartient à aucun mouvement religieux, puisant sa force directement dans l’Ecriture. Alors il est témoin d’une véritable théophanie, dont je ne décrirais pas ici le détail, des êtres célestes lui enjoignent d’être patient, car il doit restaurer l’Eglise véritable des origines, quand le moment sera venu. Il ne s’agira donc pas d’une réforme au sens protestant, mais d’une Restauration du Christianisme originel. Cet événement extraordinaire, qui se passe vers 1820, est l’événement fondateur de l’Eglise Mormone, dont le vrai nom est Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours. Des manifestations surnaturelles auront lieu de 1823 à 1827. Dans une vision, un ange dont le nom était inconnu jusque là dans toute la littérature sacrée, répondant au nom de Moroni, se manifeste au jeune homme, nous sommes le soir du 21 Septembre 1823. La créature céleste lui indique qu’il va découvrir des plaques semblables à de l’or, sur lesquelles sont gravées les anciennes anales des peuples de l’Amérique.
De toute cette histoire qui peut paraître naïve, il s’avère que la réalité est plus complexe qu’il n’y paraît. Examinons tout cela d’un œil critique. Nous savons que Joseph Smith se passionnait pour l’archéologie, la magie, l’occulte, et il cherchait à l’instar de ses compatriotes, des trésors remontant aux amérindiens. Il semble que Smith ait bien trouvé un trésor, mais pas de la nature auquel il s’attendait, c’est-à-dire sous forme d’armes, de bijoux ou de parures d’or, mais d’un dépôt de nature archéologique de première importance, relatant l’histoire de peuples anciens de l’Amérique du Nord. Une découverte capitale pour cette jeune Nation, car elle lui donne une Bible, différente de celle de l’Ancien Monde, mais pas opposée, complémentaire. Nous savons de nos jours que l’endroit où Joseph Smith découvre les plaques semblables à de l’or, était un haut lieu revêtu de monticules funéraires, ou des amérindiens de haut rang s’étaient fait inhumés. En fait, cette colline qui porte le nom de Cumorah, n’est probablement pas une colline, mais une sorte de monument érigé par l’homme, et semblable à une petite pyramide.
Et c’est dans ce véritable temple, que Joseph Smith va trouver des documents, des artefacts, qui font de cet endroit, un haut lieu de l’antiquité américaine. Mais un haut lieu inaccessible à la recherche hélas, car jalousement gardée comme espace sacré par l’Eglise mormone. Une antiquité controversée par les savants, mais ce n’est pas le propos de cette planche, si je m’y attarde, il me faudrait y écrire une dizaine de pages supplémentaires, et dans le cadre de cette conférence, ce n’est pas possible. C’est à Harmony en Pennsylvanie que Joseph, près du fleuve Susquehanna, commença à traduire les plaques semblables à de l’or.
La traduction par Smith entouré d’un groupe d’amis, va donner ce que l’on connaît sous le nom de Livre de Mormon. Mormon aurait été un grand personnage de l’ancienne civilisation amérindienne. Aussitôt traduit, le livre connaît un succès qu’il faut bien qualifier d’extraordinaire, aucune secte, aucune religion moderne, ne peut se targuer d’avoir eu autant d’attrait grâce à ce livre de Mormon. Dès le départ, des convertis arrivent non seulement d’Amérique, mais aussi de Grande Bretagne, des pays scandinaves, et même de la France Républicaine ! Le premier converti fut d’ailleurs un membre de la Grande Loge Symbolique Ecossaise, le Frère Bertrand, socialiste utopiste, convaincu de voir dans le Mormonisme la réalisation concrète des théories socialistes. La nouvelle de l’arrivée d’un nouveau texte sacré comparable à la Bible, et qui se veut encore plus accompli, fait le tour du monde, comme le fut par exemple l’arrivée du Coran en son temps, l’effet est similaire.
Mais les persécutions vont se faire cruelles, la restauration est vigoureusement condamnée par l’ensemble des églises chrétiennes par esprit de fanatisme et non par rationalisme, et le Gouvernement Fédéral américain voit d’un très mauvais œil l’existence d’une soi disant Bible qui donne une place si importante aux habitants de l’Amérique avant l’arrivée des colons blancs… Mais quel peut être donc le lien entre la Franc-Maçonnerie et le Mormonisme. Ce lien est profond et concerne des éléments très importants pour les uns comme pour les autres. Je vous expose la problématique.
William Morgan était journaliste, membre de la loge «la Branche d’Olivier » à Batavia, comté de Genesee, état de New York. Il reçoit le degré de Royal Arch à Le Roy ; le 31 Mai 1825. Jusque là rien que de très ordinaire pour un homme initié à la maçonnerie en ce début de XIXe siècle. Mais voici qu’il publie une divulgation en 1826, « la franc-maçonnerie expliquée et exposée » (free-masonry exposed and explained). Il s’agissait d’un véritable pamphlet, au ton extrêmement dur, contre l’Ordre maçonnique, et qui porta un tort considérable à la franc-maçonnerie outre Atlantique jusqu’aux alentours de 1860. Le pays connu de nombreux candidats à la présidence des USA, dont l’argument de campagne était l’antimaçonnisme.
Du jamais vu dans la politique officielle d’un pays à l’époque, et encore plus choquant lorsque l’on sait la part des Maçons Français et Américains dans le processus d’Indépendance des 13 colonies continentales qui formeront la République des Etats-Unis d’Amérique. Le 13 Septembre 1826 Morgan est retrouvé assassiné, et de suite, le pays s’enflamme contre la Franc-Maçonnerie qui est accusée de l’avoir fait exécuter. Commence une période sombre pour l’Ordre maçonnique qui durera plusieurs années.
D’après un travail effectué par la société d’histoire maçonnique des Philalètes, quelque chose d’étrange a été remarqué par les historiens de cette auguste institution. William Morgan figure parmi les premiers à obtenir par procuration d’une personne de sa famille, le baptême pour les morts en 1841 au Temple mormon de Nauvoo. Nous verrons dans quelques instants l’importance de cette ville pour la jeune religion Mormone et pour la Franc-Maçonnerie américaine de l’époque. Autre chose encore, l’éditeur de la divulgation du capitaine Morgan, Phelps se fera baptiser dans l’Eglise de Jésus Christ fondée par le jeune prophète Joseph Smith. William Phelps deviendra l’un des plus fervents mormons qu’il soit.
Etrange homme que ce Phelps, qui était éditeur en 1827/28 de l’Ontario Phoenix virulent journal anti-maçonnique, au contact de Joseph Smith il se fera initié à la Loge maçonnique de Nauvoo et sera l’auteur des plus beaux cantiques de l’Eglise Mormone devenu célèbres depuis comme le fameux l’Esprit de Dieu brûle comme un feu. Qui est également repris par la plupart des Eglises protestantes américaines tant sa beauté est grande. Il y a donc déjà des inter-relations historiques entre Morgan, la franc-maçonnerie et les mormons au niveau individuel. Certains chercheurs ont essayé de savoir si Morgan avait pu approcher des Mormons qui étaient également maçons, mais nous ne le savons pas.
Maintenant que le décor est planté, allons à Nauvoo la belle. La période cruciale se situe entre 1839 et 1846, à Nauvoo, ville fondée entièrement par les Saints, sur les rives du Mississipi en Illinois. Les Mormons avaient été sans cesse déplacés, fuyant des persécutions, et Nauvoo devait être un havre de paix. Cette ville fut très bientôt prospère et on peut le dire, une cité idéale dans cette Amérique violente d’alors. C’est Joseph Smith qui dessina personnellement les plans de cette cité, et elle devint vite l’objet de violentes jalousies de la part des autres blancs. Nauvoo était un mélange explosif de différents éléments, du patriotisme américain, du rêve de l’émigrant à la recherche d’une terre promise, du désespoir de personnes sans cesse déplacées, d’un mysticisme religieux, de la liberté d’expérimenter de nouveaux modèles sociaux, éthiques, politiques et économiques. Autre proposition qui agaçait les autres colons non Mormons, c’est que Joseph Smith avait proposé au Congrès des Etats-Unis de racheter tous les esclaves noirs pour la somme de 150 dollars, et de les affranchir ensuite immédiatement, afin qu’ils trouvent la liberté de s’épanouir selon les volontés de tout homme digne de respect, dans les terres de la nouvelle Sion qu’était Nauvoo.
Il va être fondé dans cette ville, la loge maçonnique qui deviendra la plus puissante des Etats-Unis d’alors. Les Mormons reçurent une charte pour leur loge maçonnique en mars 1842 et construisent le Temple maçonnique de la ville. Le 15 Mars 1842, Joseph Smith est initié par la loge maçonnique écossaise de Nauvoo, la Nauvoo Lodge, en présence du Grand Maître Jonas de Colombus et d’élus maçons de hauts rangs, dont la présence est liée probablement au contexte de l’affaire Morgan.
Une affaire qui commence à semer au sein des maçons eux-mêmes, et dans le public une large aversion pour notre Ordre. Effectivement, quelque chose « cloche » dans cette cérémonie, comment expliquer la présence de responsables maçons de hauts rangs, lors de l’initiation de Joseph Smith qui à l’époque demeure un obscur prophète local ?
Cette loge va connaître un développement extraordinaire et une puissance inégalée aux Etats-Unis et peut- être dans le monde de par son influence. Ce qui est absolument incroyable, c’est que cette loge est totalement méconnue en Occident par les historiens maçons alors qu’elle est connue en Angleterre, et aux USA. Par la suite, 1366 Mormons se font initier à Nauvoo au sein de cette loge…. Ce qui, même par rapport au reste de la population maçonnique des Etats-Unis, représente un chiffre énorme et un pourcentage considérable pour cette époque.
Déjà des dignitaires de la jeune Eglise sont des francs-maçons, citons le propre frère de Joseph, Hyrum Smith, mais aussi Heber C. Kimball, George Miller, et le célèbre Brigham Young étaient des membres de la Fraternité depuis les années 1820. Le Temple Maçonnique de Nauvoo est inauguré en présence de 500 francs-maçons venu de tous les Etats-Unis, pour la plupart des dignitaires de la maçonnerie américaine, nous sommes alors en avril 1844 Mais assez rapidement, des frictions vont avoir lieu entre maçons mormons et maçons non mormon, car un débat va avoir lieu entre francs-maçons heureusement pacifique. Il ne s’agira pas d’une lutte sanglante comme ce fut le cas avec les colons jaloux ! Nous pouvons saluer ici le génie de la Franc-Maçonnerie qui privilégie le débat fraternel au conflit.
La question était de savoir si il y avait un risque pour que la Maçonnerie américaine devienne en majorité mormone…
La présence des Saints dans les Loges étaient de plus en plus grande. La Grande Loge du Missouri située à Springfield, décide de retirer la charte de la Nauvoo Lodge. Mais cette loge continue à se réunir tout de même, et des francs-maçons non Mormon continuent de s’y rendre. Mais cette décision historique à probablement été le facteur qui a lancé au sein de l’Eglise de Jésus Christ des Saints des Derniers Jours le processus de création d’une forme de maçonnerie tout à fait originale, comme nous allons le voir, et à permis de préserver la maçonnerie américaine d’une « mormonisation » totale, si je peux me permettre d’employer ce terme.
Une autre cause de ce conflit pacifique, fut l’élévation de nombreux grands dirigeants Mormons aux postes les plus élevés de la Franc-Maçonnerie, que cela soit sur le plan des hauts grades dont certains auraient subi une influence mormone aux Etats-Unis, ou des postes à l’intérieur des Grandes Loges américaines. La Nauvoo Lodge fut pendant une période relativement courte, mais importante, le poumon de la Maçonnerie américaine, c’est bien cela qui inquiéta à juste titre, les autres responsables de la Franc-Maçonnerie américaine. De nos jours aux Etats-Unis, des débats ont lieu suite aux travaux du professeur Clyde R. Forsberg de l’Université de Colombia, si le 13e degré de l’actuel Rite Ecossais Ancien et Accepté est une création Mormone qui reprend effectivement de manière voilée, la découverte des plaques d’or dans une crypte !
Il y voit même la preuve de l’influence majeure de la Nauvoo Lodge au début du XIX e siècle. Ses travaux sont résumés dans le livre « Equal Rite, Mormonism, Masonry, gender and American Culture » publié en 2004 aux Editions de l’Université de Colombia. Inutile de dire que ce travail a fait l’objet de vives réactions, tant du côté du Suprême Conseil de la Juridiction Sud qui sur son site Web dénonce cette étude, que du côté de l’Eglise Mormone qui elle aussi dénonce ce travail. Autrement dit, cela ne laisse personne indifférent, et c’est une bonne chose pour susciter l’émulation intellectuelle qui permettra un jour de trancher cette question. Signalons que le professeur Forsberg n’est pas mormon et qu’il a eu le courage de poser de bonnes questions qui dérangent les confortables certitudes des uns et des autres.
Revenons au contexte de l’affaire Morgan, au-delà de ces querelles, il y avait autre chose, un enjeu considérable, celui de la survie de l’Ordre maçonnique aux USA. L’hypothèse avancée est la suivante, les Frères n’auraient-ils pas déposés au sein de cette jeune église pas comme les autres, le dépôt symbolique et initiatique de la maçonnerie américaine, menacée d’une réelle extinction ? Il faut bien voir qu’après cette initiation de Joseph Smith, va naître la cérémonie de l’Endowment, la plus secrète qu’il soit dans l’Eglise mormone, qui ne peut se passer que dans un temple consacré. Et dont les rites, sont similaires aux nôtres, jusque dans la vêture symbolique. L’Endowment que l’on peut traduire par « dotation », au sens de don, est une véritable initiation maçonnique. C’est la présence de cette cérémonie qui fait que les Mormons sont attaqués par la plupart des autres confessions américaines, et par l’ensemble des Evangélistes encore de nos jours. Les mormons étant taxés de francs-maçons adorateur du diable et non de Dieu. Nous savons qu’au sein même du mouvement des Saints des Derniers jours, de nombreuses personnes qui reçoivent l’Endowment, ne le comprennent pas, et certains démissionnent de l’Eglise mormone après l’avoir reçu, car ils disent n’avoir pas reçu de vérités évangéliques, mais une initiation maçonnique en bonne et due forme à leur insu. Des documents, des rites, auraient été alors transmis par ces frères maçons, en pensant à juste raison, que la Maçonnerie pourrait survivre cachée, à l’intérieur d’une Eglise où les anti-maçons ne penseraient pas l’y trouver. Ce qui est une excellente stratégie de survie dans un contexte dangereux pour la Maçonnerie d’alors.
Si ces choses se sont bien déroulées ainsi, c’est à un événement tout à fait unique dans l’histoire de la Maçonnerie et des religions qui s’est produit. Cette question est largement débattue par des universitaires, qui ne sont ni mormon, ni franc-maçon, à l’Université de Colombia, mais aussi dans d’autres universités américaines comme l’Université de l’Illinois ou encore l’Université d’Utah ou de Pennsylvanie. Cela étant posé, revenons à Nauvoo.
Joseph Smith va alors créer un Ordre maçonnique interne à son mouvement qu’il appellera «l’Ordre de Melchisédech », une sorte de cercle d’élite à l’intérieur du Mormonisme au départ. Tous les rituels très secrets de l’Eglise mormone découlent de cet ordre, et bien sur, les rites sont les rites maçonniques, avec une finalité non plus spirituelle, mais à la fois religieuse, hautement éthique et morale, mystique et surnaturelle, dont l’objet est le rétablissement du sacerdoce d’Aaron et de Melchisédech sur la Terre ! On sait que de nombreux francs-maçons vont épouser alors le Mormonisme pour continuer l’expérience de Nauvoo, en revanche, des Mormons voient d’un mauvais œil l’introduction de rites et de principes venant d’une société secrète, que ces convertis issus du protestantisme anglo-saxon voient comme l’Eglise du diable ! Une scission aura donc lieu plus tard, qui refusera de vivre des rites d’origine maçonnique dans l’Eglise, cette scission survivra jusqu’à nos jours, et établira ces quartiers généraux à Independance, dans le Missouri. Cette petite fraction de l’Eglise de Joseph Smith évoluera lentement vers un christianisme plus classique, et actuellement elle est devenue très proche du mouvement réformé traditionnel.
Mais à Nauvoo, est né quelque chose de nouveau, une expérience religieuse, spirituelle et initiatique unique dans l’histoire moderne de l’Humanité. Qui trouvera son plein développement avec l’exode des Saints vers la nouvelle Sion, que sera Salt Lake City, avec Brigham Young à sa tête, après la tragique fin du Frère Joseph Smith. La Franc-Maçonnerie qui vit au sein du Mormonisme, est une maçonnerie qui se veut céleste. La vêture noire et blanche en est bannie, seule la couleur blanche, rappelant la pureté, est autorisée dans ses travaux secrets, si secrets que l’on en sait peu de chose. Ce qui fait de cette Eglise une église à grands et petits mystères authentiques dans la tradition effective de la première Eglise de Jérusalem, en cela, Joseph Smith a réussi sur ce point, dans la forme est il est certain, sa Restauration du Christianisme.
Le grand chercheur israélien spécialiste de la Cabale à l’Université Hébraïque de Jérusalem, Moshé Idel, déclarait dans une conférence que le Mormonisme était une tentative de ressusciter l’ancienne religion d’Israël, sous sa première forme telle qu’elle fut à l’époque de Saül, David et Salomon, par son enseignement qui désarçonne effectivement bien des chrétiens au sens « traditionnel » du terme. Avec des concepts par exemple de Père et Mère Céleste que l’on retrouve effectivement sur des ostracas découvert dans la vallée de l’Ophel à Jérusalem par exemple.
Pour la Maçonnerie c’est un véritable mariage qui se produit alors à l’époque, avec des hauts et des bas, mais qui ne sera jamais véritablement rompu aux Etats-Unis. Nous avons retrouvé des textes, où des mormons témoignent d’une volonté de retrouver une maçonnerie originelle, je cite Joseph Fielding Smith, il écrit dans son journal de Nauvoo, à la date du 22 décembre 1843 : « Beaucoup se sont joints à la confrérie maçonnique. Il semble que cela ait constitué une préparation ou un tremplin pour quelque chose d'autre, pour restaurer ce qui était à l'origine de la franc-maçonnerie... » En fait ces gens qui adhérent à cette Eglise à l’époque fuient la médiocrité de leur vie dans un monde très hostile, et sont épris de perfection, ils cherchent à tout réformer. Et le mot est lancé, restaurer ce qui était à l’origine de la franc-maçonnerie, noble idéal et je me garderais de dire si ils ont réussi ou non !
Nous savons qu’il se pratiquait au sein de la Nauvoo Lodge probablement une forme de Rite d’York, mais rien n’est encore sur, car les documents relatifs à cette puissante loge ont été détruits par la femme de Joseph Smith, Emma, qui n’aimait pas pour sa part la place trop importante que prenait la Maçonnerie dans le Mormonisme originel, et qui prit la tête de la dissidence qui évoluera vers un « protestantisme » presque traditionnel jusqu'à nos jours. D’autres chercheurs comme Forsberg pensent que cette loge travaillait à une forme primitive de Rite Ecossais Ancien et Accepté, dont Smith aurait donc rédigé d’après sa thèse le 13e degré dans sa forme connue de nos jours aux USA.
Pourquoi des responsables francs-maçons choisirent Joseph Smith pour lui offrir en quelque sorte, le dépôt initiatique de la Maçonnerie dans ses rites et documents, sous la pression du danger d’une interdiction imminente de la Franc-Maçonnerie dans toute l’Amérique du Nord sous le gouvernement de Washington ? Question encore plus épineuse, l’un des hauts grades du Rite Ecossais porte-il l’empreinte indélébile de Joseph Smith et de son histoire liée aux plaques d’or ? Un débat qui est loin d’être clos et qui occupe des universitaires, des érudits de la Maçonnerie et des gens de bonne volonté aux USA.
L’Endowment permets l’accès au contenu initiatique de la Maçonnerie, à des personnes, qui sans le savoir, vont recevoir une initiation maçonnique, qui devient alors véritable rite de passage pour atteindre le monde céleste. Tout cela est très étrange, passionnant, fascinant ou inquiétant selon les avis à l’image du Pavé Mosaïque, mais il faut savoir que cela existe. Et nous avons sous les yeux, pour tous les sociologues du monde, une religion qui porte en elle des valeurs initiatiques authentiques, et dont la réussite demeure incontestable. Peut-être justement parce que les valeurs que véhicule cette religion particulière, sont celle de la Maçonnerie mais dans un sens totalement religieux, peut être originel dans le sens d’avoir retrouvé ce que fut la Maçonnerie mythique des temps antédiluviens telle qu’elle est décrite dans les constitutions d’Anderson. En cela le Mormonisme ne peut être appelé Maçonnerie, c’est une religion avec ses règles, la Maçonnerie est un Ordre, mais un pont existe entre les deux, qui fut ouvert, puis fermé, puis rouvert, et maintenant nous en sommes à une recherche bienveillante dans les deux sens, pour essayer de comprendre ces problèmes.
Problèmes qui étonnent autant le Maçon que le Mormon qui ignorent bien souvent, leurs points commun historiques et philosophiques, dès que l’on sort des Etats-Unis en général et de l’Utah en particulier.
Retenons que les Francs-Maçons mormons avaient pris à cœur l’Ordre, et ils furent très productifs, tant en travaux, qu’en idées sociales avancées, d’après les nombreux témoignages des autres maçons. Leurs travaux étaient exemplaires, et forcé l’admiration des maçons non mormons, mais aussi leur jalousie quelquefois.
J’ai tenu à présenter ce travail pour rendre hommage à ses maçons méconnus, voir inconnus en France de la Nauvoo Lodge, que des érudits du nouveau monde appelle même par comparaison la loge des 9 sœurs de l’Amérique par son énorme influence.
Depuis le 31 Janvier 1984, une nouvelle ère de lumière s’est levée entre Maçons et Mormons d’Utah, et c’est une superbe preuve du génie maçonnique que de privilégier le dialogue, et l’amour au détriment de l’intolérance et de la haine. Et je suis particulièrement heureux et ému, de pouvoir réunir des personnes de bonne volonté, libre et de bonne mœurs pour reprendre une phraséologie traditionnelle maçonnique, qui appartiennent soit à l’un, soit à l’autre tradition, mais qui partagent un héritage en commun dont la racine se trouve à Nauvoo la magnifique, et dont les germes lointains étaient déjà présent quelque part au sein de l’Ephrata Cloister.
J’ai dit.
(Note : Le point culminant de la communauté d’Ephrata fut atteint entre 1740 et 1750.)
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