NAUVOO LODGE

NAUVOO LODGE

Rationalisme eet Spiritualisme

SYNTHESE DU RAPPORT
DU GRAND CONSEIL D'AUTOMNE
T... P... S... G... C...,
T... P... S... G... C... d'Honneur ad vitam,
TT... Ill... FF...,
Vous tous, mes FF... Chev... Kadosh,
Rationalisme et Spiritualisme. Y a-t-il antinomie entre ces deux démarches, ou peuvent-elles être compatibles ?
Telle était la question soumise aux Aréopages cette année.
L'énorme majorité des Conseils a répondu à la question, certains avec une telle qualité de réflexion, que leurs rapports pourraient être cités in extenso. Mais cette heureuse surprise pour un rapporteur, même si elle augmente la difficulté de la tâche, n'est pas finalement originale. Pas plus que ne le sont le quelques critiques adressées au sujet. Tradition oblige, mais il faut remarque sur ce point, la sagesse, la mesure, la concision des rapporteurs, ce qui est à leur honneur.
Relevons au hasard, et rapidement : réponse contenue dans la question, sujet creux à propos duquel tout a été dit, déjà traité en 1932, devoir de phil... pas très plaisant donné sans la moindre directive, etc... Passons. Ce ne sont que des cas rares, même s'ils sont significatifs.
D'autres Conseils déclarent d'entrée qu'il ne peut y avoir ni antinomie, compatibilité, car les deux termes Rationalisme et Spiritualisme appartiennent à deux registres différents. On oppose une doctrine philosophique, Spiritualisme, à une méthode de pensée, le Rationalisme. Donc, tout est possible, tout et le reste. Un Conseil s'attarde sur la formulation grammaticale, un autre y voit la prolongation d'une discussion entamée dans le Bulletin 113, puis d'autres regrettent l'emploi de mots en isme, et non en ité, un dernier enfin, voit dans la question une allusion à ce cliché, aussi faux que ressassé : un REAA spiritualiste, un RF matérialiste. Beaucoup de rapports dénoncent au préalable le piège des mots.
Mais la quasi totalité des Conseils a bien vu, au-delà du sujet qui pourrait se traiter philosophiquement, c'est à dire en référence aux dédales de la pensée philosophique depuis son origine en Grèce, jusqu'à nos jours, que cette interrogation prend un caractère bien particulier pour tout FM, car elle s'inscrit dans un domaine à la fois passionné et passionnel qui a toujours agité les FF.MM., dans leurs rapports avec les religions, les idéologies, et même dans leurs rapports internes à l'Ordre. Bref, question déjà vue, certainement, mais réponse qui doit être d'aujourd'hui, fruit d'une réflexion sans cesse renouvelée, image de l'attitude du Maçon face à des problèmes fondamentaux et lourds de conséquences. L'innocence de façade de la question s'évanouit à la lumière de l'histoire de l'Ordre, de son passé et certainement de son avenir.
Le plan sera simple : définition du Rationalisme, définition du Spiritualisme, et essai de réponse à la question.
1-Le Rationalisme
Les Conseils utilisant les mêmes documents, les définitions se répètent. Egalement, sont convoqués les mêmes auteurs : Spinoza, Descartes, Hegel, Kant, Edgar Morin, etc...
1-1- Définitions
-doctrine qui relève d'une philosophie de la connaissance, qui affirme la puissance et l'efficacité des facultés humaines de connaissance, et qui refuse tout pouvoir cognitif de quelque instinct obscur ou surnaturel,
-pour le rationaliste, rien ni personne ne doit échapper à l'intelligible,
-cette doctrine n'affirme rien sur l'être, mais seulement sur le mode de connaissance que l'on doit employer si l'on veut connaître quelque chose de vrai sur lui,
-une démarche de cohérence logique, partant d'évidences et poursuivant par démonstrations, faites de recoupements multiples elle sous-entend donc la confrontation, l'expérience répétée,
-ensemble construit d'idées, il se contente d'être critique et analytique, et ne peut pas être dogmatique et figé,
Telles sont quelques citations de rapports.
1-2- À partir de ces définitions, la réflexion des FF. se poursuit. Deux idées en appellent à Descartes :
C'est ainsi que le Rationalisme affirme que l'homme est en mesure de juger du vrai et du faux à la seule lumière de sa raison. Donc, on rejette tout autre moyen de connaissance, comme l'intuition, la vision mystique.
Mais le Rationalisme, initialement théorie de la connaissance, n'en arrive-t-il pas à devenir une théorie de l'être, passant de l'affirmation que la raison est le seul moyen de connaissance capable de nous faire connaître l'être, à l'affirmation que l'être est totalement rationnel ?
Poussant cette idée à fond, on arrive au mécanisme, explication purement mécaniste de tous les phénomènes du monde physique. Puis à partir de Claude Bernard, affirmant que tous les phénomènes observés chez le vivant sont soumis à un strict déterminisme physico-chimique, on arrive à nier tout hypothétique principe vital.
Un tel Rationalisme, même s'il n'a qu'un lointain rapport avec Descartes, devient une ontologie matérialiste. Et l'on ne soulignera jamais assez le rôle de ce rationalisme matérialiste dans la libération de l'homme. Beaucoup de phénomènes inexpliqués, et confisqués par des castes sacerdotales, ont été démystifiés, les religions y ont beaucoup perdu, l'homme y a beaucoup gagne.
1-3- Certains rapports s'efforcent, avec succès, de distinguer des différents rationalismes, en référence à Bergson et à Bachelard :
Au premier, ils rattachent la Rationalisme religieux, s'arrêtant au seuil des vérités révélées. Ou l'on croit, ou l'on cherche, dit le rapporteur.
En intermédiaire, un Rationalisme entrouvert, dans lequel la raison ne va pas jusqu'à l'expérience scientifique. Nous pourrions l'appeler métaphysique.
Enfin, un Rationalisme ouvert, seul capable de se dépasser, de tout dépasser, grâce à la raison, outil infiniment perfectible par cette même expérience. "Toute connaissance des limites de la raison et de la logique est une conquête de la raison et de la logique" E. Morin. Le Rationalisme devient vision du monde postulant une adéquation entre le réel et le rationnel.
Cité également, Kant et sa raison pratique, source non pas d'une connaissance, mais d'une action conforme à la destinée de l'homme.
Cité aussi Hegel, avec son idée du caractère historique de la raison, dans son aspect dynamique et créatif. C'est une création continue du monde, et non une observation. Des Maçons puiseront dans cette idée dite "dialectique" le triptyque thèse, antithèse, synthèse.
1-4- Beaucoup de rapports, voulant certainement faire comme pour le Tao, définissent le Rationalisme par ce qu'il n'est pas, et l'opposent.
- à l'irrationalisme, sous toutes ses formes : mysticisme, occultisme, philosophie du sentiment, traditionalisme.
- au fidéisme, dans lequel la vérité absolue n'est fondée que sur la révélation et la foi.
- à l'empirisme, car la connaissance doit provenir de principes irrécusables, les sens ne suffisant pas pour découvrir la vérité.
- au sensualisme, selon lequel toute source de connaissance réside dans la perception, dans l'expérience sensible.
Cette recherche d'oppositions n'est pas vaine ni innocente. Certains rapports en tireront la conclusion que, Rationalisme et Spiritualisme, n'ayant pas les mêmes opposés, n'ont rien de commun.
1-5- Une citation de Leibniz "Jamais rien n'arrive sans qu'il y ait une cause, ou du moins une raison déterminée" nous permet d'enchaîner sur ce que des rapports appellent les limites et les abus du Rationalisme.
Le Rationalisme ne peut s'appliquer à ce qui n'est ni évident, ni démontrable (poésie, création artistique, idée de Dieu,...). Il existe ainsi des espaces de non-savoir rationnel, irréductibles encore, mais pour combien de temps ? Certains disent pour toujours...
Le Rationalisme religieux, exprimé du 17e au 19e siècles, avait pour but d'appuyer le dogme sur des arguments tirés de la Raison. Il voulait rendre cohérent un message, à l'origine touffu, disparate, irrationnel, à visée éminemment transcendantale. Or, totalisateur et totalitaire, il déboucha, entre autres choses, sur l'inquisition. Il a bien mal servi sa religion, conclut le rapport. Ce rationalisme n'était-il pas déjà un dogmatisme ?
D'autres rationalismes ont voulu conforter ce qui était devenu leur dogme, laïc cette fois. On débouche sur le Scientisme ou le Positivisme. D'abord, comme on ne pouvait pas démontrer, ni trouver des évidences dans certains domaines, ces derniers furent décrétés vides. La matière existait seule, était seule évidente. (Que de chemin parcouru depuis sur la définition du concept de Matière...). Puis, la Science, qui avait transformé les règles du savoir, semblait apporter une solution à chaque problème. Nous sommes revenus de ces illusions, mais est-ce toujours bien clair pour certains ? Les découvertes d'Einstein, de Planck, renversèrent des théories, parmi lesquelles celles d'Auguste Comte, bousculèrent des pensées, parmi lesquelles celles de Renan. On ne remplace pas une foi aveugle dans la révélation par une foi aveugle dans la Science. L'erreur de ce rationalisme fut de ne pas reconnaître que le rationalisme postule - et seulement cela - la puissance de la Raison. Edgar Morin, encore lui, propose une communication, un dialogue, mieux un commerce entre foi et doute : "Foi en la connaissance, mais doute quant aux prétentions absolues de la connaissance scientifique". François Chatelier n'a pas peur d'affirmer, avec justesse, que ..." l'homme rationnel (remarquez la formule) critique même la raison -valeur qu'il a cependant inventée- tant il s'inquiète de voir l'homme aller au-delà de ce qui est permis".
L'excès de rationalité a conduit à des maladies de la raison rationalisation ou plutôt déification de la raison. On cite de nouveau Edgar Morin. Les conséquences furent et sont parfois tragiques.
A propos des abus, il faut citer plusieurs rapports dénonçant la réaction d'un monde industriel effaré de l'excès de rationalisme, ou d'un soi-disant rationalisme. Ils voient là la cause de cette fascination pour l'irrationnel. Il faudrait pouvoir citer toutes les pages consacrées à l'astrologie qui se veut scientifique, à la numérologie pour recruter, aux sectes. Le rôle du F.M. est alors évoqué pour le plus grand honneur des Chev. KDS.
2- Le Spiritualisme
2-1- Définitions
Citons quelques passages de rapports :
-ontologie, c'est à dire une doctrine qui prétend nous apprendre quelque chose sur l'être tel qu'il est en lui-même
-le Spiritualisme soutient que les représentations, les opérations intellectuelles et les actes de la volonté ne sont pas entièrement explicables par les phénomènes physiologiques.
-ontologie postulant l'existence de deux substances, radicalement distinctes dans leurs attributs, dont l'une, l'esprit, a pour caractère essentiel la pensée et la liberté, ou mieux, l'arrachement à l'instinct, l'autre, la matière ayant pour caractères essentiels l'étendue et la communication toute mécanique du mouvement.
-doctrine qui admet l'existence d'un monde matériel extérieur à la pensée et d'un autre monde, non matériel, celui de la pensée, dépendant de l'esprit.
-système de pensée utilisant autre chose que la raison, la perception sensible, la démarche philosophique qui n'est pas irrationnelle.
Cinq citations intégrales montrant la diversité en même temps que l'unité des réponses.
Plus que jamais, les rapporteurs n'ont pas voulu être dupes des mots !
2-2- Sont également convoqués les grands penseurs.
On retrouve Descartes affirmant que la matière ne peut penser,
Saint-Thomas assurant que l'âme domine le corps,
Pascal l'esprit connaît tout et soi, le corps n'est rien,
Leibniz l'essence de la vie est une énergie d'ordre spirituel,
Bergson et l'élan vital, Kant, etc...
2-3- Le Spiritualisme s'oppose au Matérialisme, au Vitalisme, théories affirmant l'unicité de l'être comme étant vie et matière.
De plus, des rapports développent avec une grande érudition doublée d'une parfaite clarté, les liens du Spiritualisme avec l'Idéalisme, le Déisme.
Mais il faut signaler deux idées force, affirmées dans de nombreux rapports, et ce d'une manière aussi claire que nette :
- le Spiritualisme est amené à poser l'existence de Dieu,
-il ne faut pas confondre Spiritualisme et Spiritualité. Il suffira de citer, pour tout dire, le passage du rapport du T... Ill... F... Jean Petit, au Grand Conseil de 1982 : "le Spiritualisme est la doctrine selon laquelle l'esprit ou l'âme constitue une réalité substantielle, distincte de la matière et du corps. Elle sous-entend l'éternité de cette âme et l'existence d'un Dieu, Créateur de l'Univers. La Spiritualité, c'est la qualité de ce qui est esprit, elle naît de la réflexion de l'homme sur sa propre condition".
Alors, pourquoi avoir peur des mots ?
2-4 - Et la réflexion s'enrichit extraordinairement au fil des rapports
2-4-1 - Tel Conseil évoque la Spiritualité maçonnique, ouverte à tous les esprits. Elle se situe au niveau spéculatif dans l'ordre de la relativité généralisée de toutes les valeurs, et cite Gide : "Je crois au monde spirituel, et tout le reste ne m'est rien, mais ce monde spirituel, je crois qu'il n'a d'existence que par nous, qu'il dépend de nous, de ce support que lui procure le corps".
2-4-2 - Tel autre, en définissant le Spiritualisme, annonce déjà la réponse écrasante de tous les travaux : être spiritualiste, c'est considérer d'abord que le Rationalisme suppose quand même un esprit pour raisonner. C'est concevoir ensuite que cet esprit -tout cartésien qu'il soit- ne limite pas son activité au domaine du raisonnable, du mesurable, de l'évidence et de la démonstration, mais qu'il l'étend à ce qui ne possède pas ces qualités, l'amour par exemple. Il s'intéresse alors à l'homme et à l'humanité, à ce qu'ils renferment de meilleur, de plus évolutif. Et il ajoute que "cet esprit élargit la vision, entraîne l'enthousiasme et donne le frisson devant la beauté et la grandeur". Mais il peut aussi conduire à la démesure.
2-4-3 - On passe insensiblement à un éclairage personnel.
Je cite : le Spiritualisme - mais parle-t-on de Spiritualisme ou de Spiritualité ? - réside dans l'Univers et est un phénomène strictement individuel, l'accomplissement d'une psyché personnelle dans la multiplicité de ses modalités. Je vous renvoie, comme des rapporteurs, aux écrits du T... Ill... F... Doré, Bulletin 103, et au discours du T... P... S... G... C... Claude Saliceti, Bulletin 114.
2-5 - Les FF. Rapporteurs ont envisagé les erreurs, ou plutôt les excès du Spiritualisme, comme ils l'avaient fait pour le Rationalisme.
Il s'agit surtout de l'irrationnel, que certains travaux abordent par la notion d'angoisse, source du besoin de croire. On cite Kant : "je dus abolir le savoir afin d'obtenir une place pour la croyance". Un autre Conseil évoque le même problème, pour mieux parler de l'effort constant de l'homme pour rationaliser l'irrationnel.
Rendus à ce point du travail, on pourrait croire que l'on a tout pour conclure. Or, quelques rapports se sont penchés sur le terme même de démarche.
Un rapport déclare que l'on n'a pas à proposer de démarche à un F.M. Un autre démonte tout le mécanisme de la construction de la pensée. Comment l'homme, grâce à son cerveau, peut concevoir à sa guise, non pas un objet tangible, mais sur une intuition subjective, un concept, en suivant les règles du raisonnement rationnel. Puis le Spiritualisme veut - et peut - apporter une exaltation et une clarification nées de l'intérêt de l'esprit humain pour tout ce qui ne fait pas l'objet d'une explication valable pour la Logique et la Raison. Le problème est que tout peut déboucher et se concrétiser dans un système métaphysique et se transformer en une religion qui ancrera l'homme dans une foi, etc... Il faudrait tout citer, c'est impossible.
Une autre contribution pose le problème de l'Autrui, évident chez le spiritualiste, beaucoup moins et même nié chez le rationaliste. Question de la dualité de l'être. On débouche vite sur l'essence et l'existence de Sartre.
3- Antinomie ? Compatibilité ?
Il faut maintenant répondre à la question.
Si antinomie signifie contradiction, réelle ou pas, d'ailleurs, compatibilité évoque l'idée d'existences simultanées. Mais, ce qui nous est demandé ici, c'est d'envisager la chose au sein de nous-mêmes.
Pour résumer l'ensemble des rapports, disons que l'antinomie n'est pas niable, que la compatibilité possible dans une troisième voie recueille la grande majorité des réponses, et que la conciliation, la complémentarité sont souhaitables. Mais ces dernières ne se feront q'au niveau ontologique, c'est dire sur la substance humaine.
Reprenons cela avec plus de précision.
3-1 - Il y a antinomie, au sens kantien, c'est à dire en donnant à ce concept le sens de conflit avec les lois de la raison pure. Mais quelques Conseils tempèrent cet avis en référence à Hegel, y voyant simplement, si l'on peut dire un conflit dialectique.
3-2 - Un bon nombre de rapports déclarent toute compatibilité impossible si l'on reste sur le plan des doctrines.
Descartes est cité dans la plupart des travaux. Il convient d'être prudent. Les temps ont changé, et son rationalisme mécaniste ne s'applique qu'à la seule réalité physique. Pour lui, l'existence de Dieu était même une réalité rationnelle.
Bref, nous sommes à la frontière.
Un rapport déclare que les hommes ont choisi le rationalisme matérialiste pour fuir l& spiritualisme, trop chargé de sens vis à vis des religions, et échapper ainsi à l'emprise des pouvoirs cléricaux.
Reprenant les définitions du début, selon lesquelles le Rationalisme est une démarche intellectuelle pour comprendre l'homme et l'Univers avec la seule raison humaine, et le Spiritualisme une conception du monde à laquelle on adhère par un acte de foi, quelques rapports concluent qu'un abîme les sépare. L'un d'entre eux cite même les tentatives de conciliation, qui furent toutes des échecs, et donne des noms, à commencer par Teilhard de Chardin, Guénon,...
3-3 - Mais la majorité des rapports conclut à une antinomie qui n'est pas irréductible, à la condition que l'on échappe à la rigidité dogmatique, que Rationalisme et Spiritualisme restent des démarches et non des aboutissements, et qu'aucun des deux n'étouffe l'autre.
Les débordements de chacun sont repris pour être dénoncés.
Citons pour le premier, un Rationalisme conjuguant raison et passion, le culte de la sociobiologie, un Rationalisme trop strict desséchant la pensée. Or, nous faisons tous l'expérience de dimensions humaines que l'on peut qualifier de spirituelles, dimensions cognitives, esthétiques, morales, religieuses,...
Les débordements du Spiritualisme sont tout autant, sinon plus parfois, stigmatisés : l'intuition remplacée par la révélation, le rejet de l'homme angoissé par notre temps vers des théories soi-disant simplificatrices, débouchant sur le racisme, la démagogie, les extrémismes, les sectes, et de toute façon sur la suppression de la pensée libre, un "sens commun" devenant par glissements successifs une idéologie. Le Spiritualisme se dit rationnel pour mieux passer, et un rapport cite la célèbre phrase de Cocteau : "Puisque ces mystères nous dépassent, feignons d'en être l'organisateur".
Une forte contribution, reprise par d'autres rapports, s'est penchée tout particulièrement sur cette possibilité de rapprochement, ou du moins de non éviction, en déclarant que tout ne peut être raison, et de citer, à propos de l'éthique scientifique, Heisenberg : "la nature statistique des lois de la physique microscopique ne peut être évitée, car toute connaissance du réel devient, à cause des lois quantiques, une connaissance incomplète".
D'autres travaux citent l'exemple de l'Art, et demandent pourquoi l'homme se priverait de l'intuition, de l'imagination, du rêve, de l'inspiration créatrice. Il nous faut donc, sans renoncer à la nécessité de la raison, sans même l'oublier un instant, dépasser les clivages et s'engager dans la voie initiatique, qui, comme le disait Jean Mourgues, "nous impose un sens de la conciliation qui n'est possible qu'avec des connaissances sérieuses".
4 - Conclusion ou essai de réponse ?
Une conclusion pour un tel travail mérite bien mal son nom. Disons plutôt conséquences tirées par les rapports, fruits de leurs réflexions, et tout autant espoir et réaffirmation de ce qu'est notre travail au sein des Aréopages.
Il existe un moyen de tout concilier, de rendre compatible ce qui paraissait séparé, et, en plus, avec un enrichissement mutuel : c'est le Symbolisme. Telle est la constatation à laquelle aboutissent l'énorme majorité des Conseils. Il peut y avoir compatibilité dans une troisième voie.
Dans le cadre de la recherche de cette voie, certains ont évoqué l'Epistémologie contemporaine, pour aussitôt ajouter que ses différents courants, en particulier le néo-positivisme, refusent toute aventure ontologique. Il faut, avant tout, que le Maçon fasse le point sur les avancées les plus récentes de la science, ce qu'il ne fera qu'en travaillant. Evoqué aussi, l'Existentialisme, rencontré plus haut.
Mais c'est la Voie symbolique qui permet de réaliser l'homme existant, en l'autorisant à dépasser le cadre du rationnel, non pas en tombant dans l'irrationnel, ce qui serait crime contre l'esprit, mais en côtoyant ce qu'un rapport appelle le métarationnel, simple opération de la pensée restant toujours soumise à l'examen critique de la Raison.
La manifestation symbolique met en évidence la supériorité de la pensée individuelle sur tous les systèmes de pensée. Prendre la voie du mythe, du symbole, n'est pas abandonner la raison, c'est lui accorder un prolongement, reconnaissant qu'elle n'arrive pas à traiter complètement un sujet. C'est côtoyer l'imaginaire en le maintenant raisonné. N'est-ce pas une belle définition du mythe ?
Cette même voie utilise l'intuition, sans tomber dans la révélation. Propre à chacun, elle nous permet d'échapper un instant aux forces, aux sensations, à une logique dite matérialiste, dans le sens vu plus haut. Ce n'est pas l'égarement, c'est la volonté de vivre, de suivre sa voie en utilisant toutes les ressources de la pensée, en pratiquant deux cheminements qui, loin de s'exclure, se complètent. Et de citer, souvent, les travaux de Bachelard, et même l'exemple de Léonard de Vinci !
Les Chev. KDS s'accordent le droit, bien ancrés sur un rationalisme clair, objectif, sans passion, mais sincère, de dépasser le cadre, sans jamais se perdre, sans jamais basculer dans un irrationnel source de toutes les déviances.
Un Conseil rappelle, avec beaucoup d'opportunité, la déclaration faite à l'issue des Rencontres Internationales des Suprêmes Conseils, en 1988, dans son Article 4 : "L'Ecossisme appartient au courant spiritualiste de la liberté absolue de conscience"
*
**
Il se dégage de la lecture et de l'étude des rapports une grande impression de sérénité. Les réflexions sont absentes de sectarisme, d'idées préconçues On y découvre une volonté évidente d'explorer toutes les voies. Les références à la Maçonnerie sont partout présentes, et ce n'est pas l'aspect le plus négligeable de ce genre de travail.
Ce qui compte, ce ne sont pas les systèmes qui s'écroulent les uns après les autres,
C'est le mouvement de l'esprit qui les a conçus.
J'ai dit.
Jean-Pierre DONZAC, 33e
Orat... Adj... du G... C...D... R...
 


29/05/2007
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 113 autres membres