Symbolique des chiffres : la genèse et la création - suite et fin
LE NOMBRE 10 DANS LA GENESE ET DANS L'HISTOIRE D'ABRAHAM
Le texte d’Abraham est constitué de structures fondées sur les nombres 7, 5 et 10. Dieu fait 7 promesses à Abraham : Genèse 12:1-3 ; 12:7 ; 13:14-17 ; 15:18-21 ; 17:4-8 ; 18:14 ; 22:16-18. La première promesse contient 5 fois les mots « bénir » et « bénédiction » et se formule en 7 affirmations successives :
« L'Eternel dit à Abram : Va-t'en de ton pays, de ta patrie et de la maison de ton père, vers le pays que je te montrerai. (1) Je ferai de toi une grande nation (2) et je te [1] bénirai ; (3) Je rendrai ton nom grand. (4) et tu seras une source de [2] bénédiction. (5) Je [3] bénirai ceux qui te [4] béniront, et (6) je maudirai ceux qui te maudiront ; et (7) toutes les familles de la terre seront [5] bénies en toi. »
Sur ce fond de bénédictions surgissent 10 épreuves ou malheurs :
(1ère épreuve) Ordre de quitter son pays et son ascendance,
(1ère et 2ème promesses) assorti d'une promesse renouvelée (12:3, 7).
(2ème épreuve) Chassé de Canaan par la famine
(3ème épreuve) Sara lui est ravie en Egypte
(3ème promesse) Renouvellement de la promesse (13:14-17)
(4ème épreuve) Lot en danger ; guerre avec les rois
(4ème promesse) Renouvellement de la promesse (15:18-21)
(5ème épreuve) Dispute entre Sara et Agar
(5ème promesse) Renouvellement de la promesse (17:4-8)
(6ème épreuve) Epreuve de la circoncision
(6ème promesse) Annonce de la naissance d’Isaac (18:14)
(7ème épreuve) Lot de nouveau en danger et sauvé par Abraham
(8ème épreuve) Sara chez Abimélec
(9ème épreuve) Ismaël exilé
(10ème épreuve) Sacrifice d’Isaac
(7ème promesse) Renouvellement de la promesse (22:16-18)
On a aussi vu un parallélisme chiasmique dans les dix épreuves :
1 Se sépare de son ascendance (1e épreuve)
2 Exil en Egypte (2e épreuve)
3 Sara en danger (3e épreuve)
4 Lutte contre les nations (4e épreuve)
5 Ismaël et Isaac (5e épreuve)
5’ Ismaël et Isaac (6e épreuve)
4' Lutte contre les nations (7e épreuve)
3' Sara en danger (8e épreuve)
2' Exil d'Ismaël (9e épreuve)
1' Sacrifice de la descendance (10e épreuve)
Chouraqui conclut : « Il est … certain que le texte de la Bible a été rédigé avec une extrême rigueur, que son unité de structure transparaît dans des techniques d’écriture dont nous commençons seulement à soupçonner la complexité et la subtilité, probablement liées aux exigences des transmissions orales » (L’Univers de la Bible, tome 1, p. 91).
CONCLUSION
Une conclusion s’impose : les préoccupations de l’auteur sacré étaient totalement différentes des nôtres. Il s’agissait pour lui d’écrire quelque chose de facile à mémoriser en vue de la transmission orale tout en faisant passer le message que la Création est l’œuvre de Dieu et que tout le mérite lui en revient et non de faire une description scientifique, à la manière occidentale, des événements. De toute évidence, les Hébreux, comme les autres peuples de l’Antiquité, croyaient que Dieu avait organisé le monde à partir du chaos primordial[7]. Le temps que cela a pu prendre ne semble pas avoir été leur souci majeur. Après tout, si l’on admet la toute-puissance de Dieu, on pourrait très bien concevoir qu’il ait créé l’univers en un seul jour ou même en une fraction de seconde. Les sept jours peuvent avoir été choisis tant pour la valeur symbolique du chiffre 7 que parce qu’ils correspondaient au nombre des jours de la semaine (le calendrier de la Bible est un héritage du calendrier égyptien). Dans cette optique, la division de la Création en 7 jours n’a plus qu’une valeur symbolique et ne justifie pas les controverses à ce sujet.
[1] Il est intéressant de noter ici le soin avec lequel Matthieu a rédigé son évangile. Au début, dans 1:33, il précise que l’Enfant divin s’appellera « Em-manu-el » et que cela veut dire « Dieu avec nous ». A la fin de l’évangile, dans 28:20, Jésus dit : « Je suis avec vous ».
[2] Apocalypse 13:18 donne le chiffre de la Bête comme étant 666. Diverses interprétations de ce chiffre ont été données visant soit Rome, soit un empereur, soit l’Eglise catholique. C’est oublier que l’Apocalypse est un drame qui se joue à une échelle bien plus vaste que celui des organisations humaines ou des personnes. Richard D. Draper, Opening the Seven Seals, Salt Lake City, 1991, Deseret Book Company, p. 151, propose une explication beaucoup plus convaincante. Si 7 désigne Dieu, le chiffre de la Divinité – Père, Fils et Saint-Esprit – pourrait être 777. Dans ce cas, 666 pourrait bien être le chiffre du diable, le faussaire par excellence, mais qui n’y arrive jamais tout à fait. Ce serait le chiffre de la trinité de l’imperfection : le dragon, la bête et le faux prophète (16:13). Il y a encore d’autres passages de l’Apocalypse où le diable est représenté comme un imitateur. De même que le Sauveur est représenté dans 1:4 comme étant « celui qui est, qui était, et qui vient », de même on trouve dans 17:8 « la bête… elle était, et … elle n’est plus, et … elle reparaîtra ».
[3] On peut rendre l’idée de l’immensité du nombre des hommes en multipliant 12 par lui-même : 12 x 12 : 144, qu’on peut encore amplifier en le multipliant par 1000, d’où les 144 000 de l’Apocalypse, nombre qu’il ne faut pas prendre à la lettre, mais dans sa valeur symbolique d’un très grand nombre.
[4] Ce qui suit est tiré de L’univers de la Bible, d’André Chouraqui, tome 1, pp. 28-29, 90 et du tome 10, p. 138.
[5] Cette préoccupation pour le chiffre 7 dans le contexte de la Création se retrouve dans l’évangile de Jean. Au chapitre 1, Jean veut commencer son évangile par une sorte de Genèse où il reprend le canevas de la Création : « Au commencement était la Parole [le « Dieu dit » de la Genèse]… toutes choses ont été faites par elle [Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre]… En elle était … la lumière des hommes [Que la lumière soit]. » Jean 1:1-28 constitue le premier jour. Les deuxième, troisième et quatrième jours sont introduits par « le lendemain » (versets 29, 35, 43). Puis il y a trois jours (Jean 2:1), ce qui fait 7 jours en tout. Les trois jours peuvent symboliser le temps écoulé entre sa mort et sa résurrection et les noces de Cana, les noces du Fils de Dieu avec l’humanité.
[6] C’est le même genre de calcul que pour la Fête des Semaines (Pentecôte), soit sept semaines plus un jour (Lévitique 23:15-16) et pour le Jubilé, qui consiste en « sept sabbats d’années, sept fois sept années », plus un an (Lévitique 25:8, 10).
[7] C’est ce que dit d’ailleurs Genèse 1:2. « La terre était informe et vide », en hébreu « la terre était tohu et bohu », ce qui a donné le français « tohu-bohu », expression qui désignait le chaos primitif et a toujours le sens de désordre, confusion. On remarquera, par la même occasion, que cette croyance coïncide avec celle des saints des derniers jours, à savoir que l’univers n’a pas été tiré du néant, mais d’éléments non organisés préexistents.
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 113 autres membres