NAUVOO LODGE

NAUVOO LODGE

Tout savoir sur la Licorne - Troisème partie et fin

La légende conte qu'Athena avait donné au roi de Crète, Minos, un chien qui ne manquait jamais d'attraper sa proie et une flèche qui touchait toujours son but. La légère Procris, amante de Minos, parvint à se les faire offrir. Plus tard, de retour à Athènes, elle soupçonna injustement son époux Céphale d'infidélité, et le suivit dans l'ombre quand il se levait, la nuit, pour chasser avec le chien Lealaps et la javeline magique. Entendant un bruissement de feuilles derrière lui, Céphale crut à une biche et lança le javelot, qui transperça le corps de son épouse. Sur ce tableau italien du début du XVIème siècle, la luxurieuse Procris est représentée sous la forme d'une blanche licorne.

<XLIX>
L'enlumineur qui, au début du XVème siècle, illustra ce manuscrit du Livre des propriétés des choses de Barthélémy l'Anglais n'avait sans doute pas de modèle pour représenter le satyre. Il lui attribua bien la face humaine et les sabots de bouc indiqués par le texte, mais il imagina la créature quadrupède et orna son front d'une corne unique.
<L>

Cette miniature marque, dans un luxueux livre d'heures du début du XVIème siècle, le début de l'office des morts. Trois démons tourmentent l'âme damnée. L'un n'a pas de cornes; un autre en a deux; le troisième, sur la droite de l'image, porte une corne, et sa silhouette même n'est pas sans rappeler la licorne. Heures dites «de Henri IV», vers 1500.

Les pieds de bouc sont signe de luxure; les ailes membraneuses, comme celles de la chauve souris, parfois remplacées par de grandes oreilles, indiquent les créatures des ténèbres; la queue de singe signale le démon singe de dieu, et ses créatures, singes des anges et des hommes. Ce sont là, dans l'iconographie de la fin du Moyen-Âge et de la Renaissance, les caractéristiques les plus typiques du diable et des siens. Il n'est cependant pas rare que les êtres maléfiques soient représentés cornus. Le plus souvent ces cornes, au nombre de deux, indiquent la puissance virile et l'animalité de ces entités démoniaques. Cette force se double d'une inquiétante étrangeté lorsqu'une corne centrale vient s'ajouter aux deux autres, ou les remplacer, comme sur le crâne de ce démon brandissant une lance par l'un des soupiraux de l'enfer dans une gravure d'Albrecht Dürer(1471-1528). Nous sommes bien loin ici de la blanche licorne, mais cette corne diabolique porte des stries qui font penser aux spirales des cornes de licorne. Ce n'est pas le cas, en revanche, de la corne du diable dans l'une des œuvres les plus connues du graveur de Nuremberg,Le Chevalier, la Mort, le Diable<72>, ni du curieux et unique bois de renne qui orne le front de lac réature fabuleuse, mi-homme, mi-poisson, venue enlever une jeune villageoise du rivage où elle se baignait.

<LI>
Le Diable, le Prêtre et le Pèlerin, gravure des Apologi sive Mythologi Esopi..., recueil de fables publié par Sébastien Brant (1458-1520) en 1501.
<LII>

Le Monstre marin, gravure d'Albrecht Dürer, détail, vers 1498.

<LIII>

La Descente du Christ aux enfers, gravure d'Albrecht Dürer, détail, 1510.

<LIV>

Le Chevalier, la Mort, le Diable, gravure d'Albrecht Dürer, détail, 1513.

La corne des créatures maléfiques n'est cependant pas la longue défense spiralée de la licorne. Plus courte, elle est aussic ourbée, vers l'avant ou vers l'arrière<73>. Le modèle ici n'est pas la licorne, moins encore le narval, mais bien le bouc ou le taureau, et la signification de ces cornes uniques n'est pas différente de celles des deux cornes du diable.

<LV>
Parmi les chimères et gargouilles redessinées par Eugène Viollet-le-Duc et Jean-Baptiste Lassus pour la restauration de Notre Dame de Paris, la plus emblématique, la plus souvent photographiée, celle que l'on retrouve sur toutes les cartes postales, est unicorne, mais sa corne n'a rien d'une licorne. Sa compagne de veille est une créature bicorne qui, pour le reste, n'est guère différente.
<LVI>

La Femme de l'Apocalypse et le dragon à sept têtes, gravure d'Albrecht Dürer, vers 1497. Quatre des sept têtes de la bête sont unicornes.

«Alors un autre signe apparutdans le ciel: c'était un grand dragon rouge feu. Il avait sept têtes et dix cornes et, sur les sept têtes, sept diadèmes<74>». Sauf à placer, comme le firent quelques enlumineurs, les dixc ornes sur la même tête, il fallait, pour de simples raisons arithmétiques, que certains des chefs de la bête de l'Apocalypse fussent unicornes. S'il ne faut donc pas voir là de lien avec la blanche licorne, il reste que les représentations de l'Apocalypse, assez fréquentes, contribuèrent peut-être, dès le Moyen-Âge, à répandre l'image de créatures démoniaques unicornes.

<LVII>
Gravure de Gustave Doré pour une édition moderne de laDivine Comédie, parue en 1861.

Dans la DivineComédie, au chant trente-deuxième du Purgatoire, Dante décrit comment, des côtés du char triomphal du griffon, symbole de l'Église, s'élèvent peuà peu les sept têtes hideuses de la bête de l'Apocalypse: «Ainsi transformé, le char sacré fit paraître plusieurs têtes en ses diverses parties, trois au timon et une à chacun de ses coins. Les premières avaient des cornes comme les bœufs, mais les autres n'en avaient qu'une au milieu du front; on ne vit jamais un pareil monstre<75>».

<LVIII>
Sur un recueil de textes religieux et scientifiques juifs, enluminé à Troyes ou à Amiens à la fin du XIIIème siècle, le serpent d'airain façonné par Moïse et placé sur son étendard pour protéger son peuple de la morsure des serpents est représenté unicorne. Un dragon n'était alors autre qu'un grand serpent, terme qui désignait tous les reptiles. Le thème de la licorne qui combat le poison n'étant pas encore répandu en Occident, la corne unique, si elle n'est pas simplement décorative, est ici vraisemblablement le signe de la sauvagerie des créatures qui attaquent le peuple d'Israël.

 

La licorne érotique

«La Dame à la licorne ne nous donnerait pas le spectacle d'une raideur si héroïque sans l'espoir, caressé en secret comme l'équivoque bête de la fable, de voir à temps l'objet de son désir surgir de l'horizon pour lui ravir sa vertu<76>

Tant le texte assez obscènedans lequel elle servait de support aux obsessions de Panurge, que la remarque plus fine de Léonard de Vinci, nous rappellent qu'il y a souvent dans le symbolisme, positif ou négatif, de la licorne une dimension érotique latente<77>. Ce n'est pas le moindre paradoxe d'un animal qui signifiait avant tout la virginité. La métonymie qui a, très tôt, transféré à la licorne les caractéristiques essentielles de la vierge - pureté,chasteté - est cause de cette ambiguïté, de cette surcharge symbolique. Le thème de la séduction est, eneffet, au cœur du récit de la capture de l'animal et, concurremment à l'allégorie chrétienne, il fut utilisé comme tel dans une œuvre courtoise comme le Bestiaire d'amour de Richard de Fournival<78>. Tout le récit de la capture de la licorne peut être lu à travers la dialectique de la luxure et de la pureté. Dans la Chronique de Georges Chastelain (1403-1475), nous trouvons la description d'un pas d'armes du XVème siècle. Pour s'«inscrire» au tournoi, un chevalier devait toucher de la pointe de son épée un écu pendu à une effigie de bois représentant une dame et, à ses côtés, une licorne<79>. La dame, qui en symbolise l'enjeu et la cause, nous rappelle ici la forte dimension érotique du tournoi. Quant à la licorne, elle figure certes la pureté de la dame, mais elle se retrouve aussi chargé de toute la sensualité ambiante.

<LIX>

François Clouet, dit Janet (1522-1572), Dame au bain. On a longtemps pensé que la dame ici représentée était Diane de Poitiers.

Dans sa très érudite étude sur Les Structures anthropologiques de l'imaginaire, Gilbert Durand constate que toute corne est susceptible de symboliser la puissance virile, non seulement de par sa forme, mais également parce que, chez de nombreuses espèces, seul le mâle porte des cornes; que l'on pense seulement aux différents usages, en anglais, de l'adjectif horny. Une corne unique semblerait plus encore se prêter à une telle interprétation, mais il convient cependant de ne pas s'avancer trop avant dans un domaine où les sources restent discrètes. En outre, il semble bien que les licornes femelles aient été, selon tous les auteurs, armées de même manière que les mâles.

Le passage du Cinquièmeet dernier livre des faits et dits héroïques du bon Pantagruel, que nous avons cité plus haut, est en effet le seul texte relativement ancien dans lequel la corne de licorne ait un sens clairement phallique. On peut voir des indices dans telle ou telle représentation iconographique, une miniature de la capture de l'animal, la tapisserie du Toucher, une médaille de Pisanello, un croquis de Léonard de Vinci. Dans quelle mesure est-ce forcer les sources?

<LX>
Ce dessin de Léonard représente des animaux, au premier rang desquels une licorne, combattant devant un homme tenant un miroir enflammé. Sa signification symbolique, peut-être liée au mythe d'Orphée, nous est devenue étrangère. On a proposé de voir dans ce croquis au trait nerveux une allégorie... de la sodomie<80>.

<LXI>

La Dame à la licorne. La Vueet Le Toucher (détails). Dans la première tapisserie, la licorne relève la robe de la dame; dans la seconde, c'est le geste de cette dernière qui peut sembler ambigu. Ces deux tentures sont les seules de la série dont la jeune suivante de la dame s'est discrètement éclipsée. Cela prouve sinon que ces tapisseries ont un sens érotique, du moins que, comme la suite de cette étude le confirmera à l'occasion, l'on peut leur faire dire ce que l'on souhaite.

Il reste, à Rome, les fresques du Château Saint-Ange, réalisées pour lepape Paul III de 1543 à 1548 par plusieurs des meilleurs peintres de l'époque. Sur les murs et les plafonds de la salle du Persée, le couple de la jeune fille - on n'ose plus la supposer vierge - et de la licorne est représenté une dizaine de fois. A voir les poses lascives des albes bêtes, à voir les gestes équivoques de leurs compagnes, caressant la corne du bout des doigts, ou la pressant contre leurs seins, il ne fait aucun doute que, pour les auteurs de ces fresques, Perino del Vaga et Domenico Zaga, la connotation érotique était à la fois évidente et recherchée.

<LXII>

Perino Del Vaga et Domenico Zaga, Fresque de la salle du Persée, Rome, Château Saint-Ange.
<LXIII>

Perino del Vaga (1501-1547), esquisse à l'aquarelle pour les fresques de la salle du Persée.

Cette belle série de fresques fait cependant exception dans l'iconographie de la licorne, et l'on peut y voir un jeu des deux peintres s'amusant à faire d'un symbole de chasteté l'incarnation de la luxure, mettant ainsi en avant un sens érotique habituellement plus discret. Un quart de siècle plus tôt, Alessandro Araldi (?-1528) avait fait figurer, au plafond des appartements de Giovanna da Piacenza, à Parme, plusieurs fresques présentant des exemples de vertu et de piété féminine. Acôté de la charitable Pero qui sauva la vie de son vieux père en lui donnant le sein dans leur prison, une licorne se réfugie dans le giron d'une peu discutable vierge fermement sanglée dans l'habit des bénédictines<81>.

Quoi qu'il en soit, on peut être surpris que ce soit Jung<82>, et non Freud, qui se soit intéressé à la licorne. Nous éviterons pourtant de nous en attrister, car les élucubrations du premier n'ont fait que rendre l'animal plus séduisant encore; les déflorations du second lui auraient ôté tout son charme<83>.

Les bestiaires sont assez prolixes sur la licorne, et l'animal est très présent dans l'imagerie des XIIIème et XIVème siècles. Maisce que les textes médiévaux nous apprennent de cet animal se limite à quelques apologues qui, s'ils nous laissent vaguement deviner une origine assez ancienne de la légende de la licorne, nous révèlent bien peu sur son apparence, sur les lieux où elle vit, sur sa réalité au sens moderne du terme. Rédacteurs et copistes des bestiaires se souciaient fort peu de savoir à quoi ressemblait la bête unicorne, et, si la tradition enseigne comment la capturer, nul ne s'est jamais préoccupé d'organiser une chasse. Pour le lecteur du bestiaire, tout comme pour son auteur, ilsuffisait de savoir que la licorne était attirée par les jeunes vierges. C'était là sa «nature»,t out à la fois sa spécificité et sa raison d'être, puisque cette nature avait pour fonction première de permettre une représentation des mystères chrétiens. Ce statut n'avait rien d'exceptionnel, il était celui de tous les animaux du bestiaire médiéval, et explique que, jusqu'au quatorzième siècle, les rédacteurs de ces textes se soient peu préoccupés d'ajouter à ce corpus les portraits d'animaux européens qu'ils connaissaient bien, comme le lapin ou le loup, ou d'en ôter les descriptions de ceux qu'ils n'avaient jamais vus, comme la licorne, le dragon ou le phénix. La question de l'existence de la licorne ne se posait donc pas, et eût sans doute été jugée incongrue. L'intérêt de sa légende résidait en effet, non en la réalité de ce qu'elle décrivait, mais dans les allégories qu'elle permettait. La licorne eut une âme avant d'avoir un corps.


<1> Pline, Histoire naturelle, liv.VIII, 31.<retour au texte>

<2> à sabot entier.<retour au texte>

<3> Aristote, Les parties des animaux, liv.IV, ch.10. On trouve des considérations en tous points identiques dans un second passage d'Aristote,Histoire des animaux, liv.II, ch.1.<retour au texte>

<4> Sur lalicorne dans les bestiaires, notamment d'un point de vue iconographique, voir le volumineux traité d'un père franciscain au nom prédestiné: Jürgen WerinhardEinhorn, Spiritalis Unicornis, das Einhorn alsBedeutungsträger in Litteratur und Kunst des Mittelalters, Munich, 1976.<retour au texte>

<5>L'édition de référence du Physiologus hellénistique reste celle de F. Sbordone, Milan, 1936. Notre propos n'étant pas ici de remonter à des sources qui, comme celles du Nil, se divisent pour fuir toujours plus haut et plus loin, nous ne sommes généralement pas aller chercher les versions originales des textes de l'antiquité.<retour au texte>

<6> La robe de la blanche biche est aussi celle que l'iconographie attribue le plus souvent à la licorne, et les deux animaux sont associés, bien que de manière très différente, à la pureté féminine. La blanche biche est en effet une belle et pure princesse qui, sous l'effet d'une malédiction ou d'un sort, a pris forme animale. Robert Graves, l'auteur des Mythes Grecs et de LaDéesse blanche, a écrit un poème sur LaLicorne et la blanche biche.<retour au texte>

<7> Pierre de Beauvais, Bestiaire, in Gabriel Bianciotto, Bestiaires duMoyen-Âge, Paris, Stock, 1980, p.36. Ce petit ouvrage présente les bestiaires médiévaux les plus importants, celui de Pierre de Beauvais, le Bestiaire divin deGuillaume le Clerc, le Bestiaire d'amour de Richard deFournival, le Livre du trésor de Brunetto Latini et enfin, très succinctement, l'adaptation française parJean Corbechon du Livre des propriétés deschoses de Barthélémy l'Anglais. Pour chacun de ces textes, Gabriel Bianciotto a traduit en français moderne une vingtaine de notices, au nombre desquelles la licorne figure toujours. Ces traductions récentes nous ont semblé parfois plus adaptées à notre propos que celles d'éditions de référence plus complètes mais plus anciennes, et nous nous référerons donc souvent à cette petite compilation des Bestiaires du Moyen-Âge, quitte à la compléter par d'autres références. Pour le bestiaire de Pierre de Beauvais, voir également l'édition de Guy Mermier, Paris, Nizet, 1977, pp.45, 71-72.<retour au texte>

<8> ibid.,p.37.<retour au texte>

<9> Guillaumele Clerc de Normandie, Bestiaire divin, in Gabriel Bianciotto, Bestiaires du Moyen-Âge, Paris, Stock, 1980, pp.90-91. On trouvera le texte original, rimé et en vers octosyllabes, dansl'édition de C. Hippeau, Le Bestiaire divin de Guillaume, Clerc de Normandie, Caen, 1852, pp.235-239.<retour au texte>

<10> Voir le texte dans le second tome, au chapitre consacré aux liens entre licorne et rhinocéros.<retour au texte>

<11> Pline, Hist. Nat., liv.VIII, 71 et Solin, Polyhistor, liv.XXX,21.<retour au texte>

<12> Isidore écrit (Etymologiæ, liv.XII, 2): «unicornis unum cornu in media fronte habeat pedum quatuorita acutum et validum ut, quidquid inpetierit, aut ventilet autperforet. Nam et cum elephantis saepe certamen habet et in ventre vulneratum prosternit», ce que l'on traduit ainsi: «lalicorne a une corne unique de quatre pieds au milieu du front, si pointue et si solide qu'elle projette ou transperce tout ce qu'elle attaque. En effet, elle se bat souvent avec les éléphants et les terrasse en les blessant au ventre». Les abréviations utilisées par les copistes prêtant parfois à confusion, Guillaume le Clerca pu lire pedemque au lieu de pedum quatuor, et croire qu'acutum et validum se rapportait alors au pied de l'animal.<retour au texte>

<13> Brunetto Latini, Le Livre du Trésor, in Gabriel Bianciotto, Bestiaires du Moyen-Âge, Paris, Stock, 1980, p.237.<retour au texte>

<14> Margaret Freeman, La Chasse à la licorne, Lausanne, Edita, 1983,pp.46-47.<retour au texte>

<15>Hildegarde de Bingen, Le Livre des subtilités des créatures divines, Paris, Millon, 1989, t.II, pp.196-197. Une édition imprimée du XVIème siècle donne au sabot de licorne les propriétés généralement attribuées à sa corne:«L'homme qui craint d'être tué par le poison posera un ongle de licorne sous le plat où sont les mets ou bien sous la coupe où est sa boisson: s'ils sont chauds et qu'il y a du poison dedans, l'ongle les rendra effervescents dans le récipient; s'ils sont froids, il les fera fumer, et ainsi il pourra savoir que du poison a été ajouté.» Sur les textes zoologiques de la mystique rhénane, voir la thèse de Laurence Moulinier, L'Œuvre scientifique d'Hildegarde de Bingen, Paris VIII, 1994, et en particulier les pp.185 à 206, sur la zoologie, et 367 à 382, surl'influence du Physiologus.<retour au texte>

<16>Der Physiologus, Éd. Emil Peters, Munich, 1921, pp.34-35, cité in Margaret Freeman, La Chasse à lalicorne, Lausanne, 1983, p.27.<retour au texte>

<17>Élien, Histoire des animaux, liv.III, 41. Plus loin, citant Ctésias, dont le texte ne nous est connu que par cet intermédiaire, Élien écrit: «J'ai appris qu'il y a en Inde des ânes sauvages qui ne sont pas moins grands que des chevaux... Ils portent une corne sur le devant de la tête, longue d'une coudée et demie... J'ai entendu dire que les Indiens boivent dans ces cornes polychromes, pas tous mais les plus nobles d'entre eux, et ils les ornent d'or, comme les bracelets qu'ils portent aux bras. Et on dit que celui qui boit dans cette corne ne connaît plus les maladies, il n'en est plus atteint. Il ne connaît plus non plus ni spasmes, ni épilepsie, ni les effets du poison. S'il a bu avant quelque chose d'empoisonné, il le vomit et recouvre une parfaite santé.»Histoire des animaux, liv.IV, 52.<retour au texte>

<18> Alfonse le noble (1158-1214), ou plus probablement Alfonse le Sage(1252-1284).<retour au texte>

<19> MsArsenal 2872, cité in Louis Delatte, Textes latins et vieux français relatifs aux Cyranides, Paris, Droz, 1942,pp.340-341.<retour au texte>

<20> cf. Exode, 15:23-25.<retour au texte>

<21>Itinerarium Joannis de Hesse Presbyteri ad Hierusalem,Cologne, 1499, cité in R.R. Beer, Einhorn, Fabelwelt und Wirklichkeit, Munich, 1972, p.113.<retour au texte>

<22>Le Cinquième livre des faicts et dicts héroïques du bon Pantagruel, ch.XXIX, in Rabelais, Œuvres complètes, Classiques Garnier, 1962, t.II, p.394.<retour au texte>

<23> Voir sur ce point les fines remarques du dominicain Jean-Pierre Jossua dans son petit livre, La Licorne, Histoire d'un couple, Paris, Cerf, 1985.<retour au texte>

<24> Gabriel Bianciotto, Bestiaires du Moyen-Âge, Paris, Stock, 1980,p.91.<retour au texte>

<25> Dans un bestiaire grec du XIIème siècle, les chasseurs se contentent de scier la corne de l'animal avant de le libérer.Tzetzès, Cinquième Chiliade, cité in Edward Topsell, The History of Four-footed Beasts, Londres,1658 (1607), p.557.<retour au texte>

<26> C'est par exemple le cas de l'un des plus beaux bestiaires enluminés, écrit en latin à la fin du XIIème ou au début du XIIIème siècle, le ms Ashmole 1511 de la Bodleian Library. On y retrouve pourtant des traces de l'allégorie de l'incarnation: «Il est une bête appelée licorne, unicornis, que les Grecs appellent Rhinocéros. C'est une bête de petite taille qui ressemble à un chevreau et qui est particulièrement sauvage. Elle possède au milieu de la tête une corne et aucun chasseur ne peut s'emparer d'elle si ce n'est par le stratagème suivant: le chasseur conduit une jeune fille vierge dans la forêt, là où vit la licorne, et l'y laisse seule. Dès que la licorne voit la pucelle, de bondir vers elle et de se blottir contre son sein. C'est ainsi que l'on capture la licorne. Notre Seigneur Jésus-Christ est une licorne céleste dont on a dit: “Il a été chéri comme le fils des licornes.” Et dans un autre psaume: “Ma corne sera élevée comme celle de la licorne.” Et Zacharie de dire: “Pour nous, il a élevé une corne de salut dans la maison de David.” Le fait que la licorne ne possède qu'une seule corne au milieu du front illustre la parole du Christ: “Mon Père et moi ne sommes qu'Un.” La grande sauvagerie de la bête signifie que rien, ni les pouvoirs, ni les trônes, ni les souverainetés, ni l'Enfer, ne purent saisir le pouvoir deDieu. Pas même le Diable, pourtant si ingénieux, ne parvint à découvrir le lieu et l'heure de son incarnation; c'est par la seule volonté du Père qu'il descendit dans le sein de sa mère pour notre salut à tous. Le fait que la licorne soit petite signifie que le Christ s'est humilié pour nous par son incarnation, et lui même de nous dire: “Apprenez de moi que je suis doux et humble decœur.” La licorne ressemble à un chevreau parce que notre Sauveur lui-même a été fait semblable à notre chair de péché, et par le péché il a condamné le péché. La licorne, lorsqu'elle rencontre des éléphants, engage souvent la lutte et abat son ennemi en le frappant au ventre.» Le Bestiaire, Éd. P. Lebaud, 1988, pp.61-62.<retour au texte>

<27> MaxGoldstaub & Richard Wendriner, Ein toscovenezianischer Bestiarius, Halle, 1892, pp.32-33.<retour au texte>

<28> «LeRhinocéros, cet animal qui n'a qu'une corne au milieu du front et que nul ne peut vaincre est vaincu par une vierge nue», lit-on par exemple dans un Isidorus versificatus du XIIème siècle. Le texte originel d'isidore deSéville, au livre XII des Étymologies, ne précisait cependant pas ce dernier point. <retour au texte>

<29>«Quand un homme veut la chasser, la prendre et la tromper, il va dans la forêt où est son repaire. On y place une vierge, qui découvre son sein. La licorne sent son odeur et vient à la pucelle, baise son sein et s'y endort, ce qui entraîne sa mort. L'homme survient alors et la tue dans son sommeil ou la capture vivante.» Philippe de Thaon, Bestiaire, éd. E. Walberg, Paris, 1900, pp.15-16.<retour aut exte>

<30>«Perc'ha si dolce guardia la sua chiostra,
che'l sente in India ciascun lunicornio,
e la vertude l'arma a fera giostra,
vizio pos' dir no i fa crudel ritorno»
(«Parce que son enceinte a si douce garde
que le sentent toutes les licornes d'Inde
et que la vertu l'arme pour une féroce joute
je puis dire que le mal ne peut y faire d'incursion cruelle»)
Guido Cavalcanti, Rimes, Paris, Imprimerie Nationale, 1993,p.183.
<retour au texte>

<31> Giovanni da San Geminiano, Summa de Exemplis et Rerum Similitudinibus Locupletissima, Anvers, 1957, liv.V, ch.123, fol.289v°.<retour au texte>

<32> Richard de Fournival, Bestiaire d'amour, in Gabriel Bianciotto, Bestiaires du Moyen-Âge, p.143. Voir aussi le texte du manuscrit fr.412 de la bibliothèque nationale dans une édition du siècle dernier par C. Hippeau. Richard deFournival,L e Bestiaire d'amour, suivi de La Réponse de la dame, Paris, 1860, pp.23,24,72.<retour au texte>

<33>Poésies du roi de Navarre, Paris, 1880, p.70.<retour au texte>

<34> Voir Jan Bialostocki, L'Art du XVème siècle, des Parler à Dürer, Paris, Pochothèque,1993, pp.372-377.<retour au texte>

<35> cf.Psaume 54.<retour au texte>

<36> Sur ce tableau, voir Lionello Puppi, «Il Purissimo lioncorno», in Verse Gerusalemme, imagini e temi di urbanistica e di architettura simboliche, pp.107-115, Rome, Casa del libro, 1982.<retour au texte>

<37> Voir p.121 la médaille de Pisanello en l'honneur de Cecilia Gonzaga.<retour au texte>

<38>Josèphe Jacquiot, «Le Symbolisme des animaux aux revers de médailles à la Renaissance, XVème-XVIème siècles», in Le Monde animal au temps de la Renaissance, Paris, Touzot, 1990, pp.51-62.<retour au texte>

<39> Certains auteurs, à la suite de C.G. Jung, ont tenté de rattacher ce récit à des légendes indiennes. On pourra trouver un exemple de leurs démonstrations, elles aussi un peu «tirées par la corne», dans Yvonne Caroutch, Le Livre de la licorne, Éd. Pardès, 1989,pp.143-168. Dans un ouvrage récent, Il Ciclodell'unicorno, Marco Restelli est un peu plus convaincant.<retour au texte>

<40> Margaret Freeman, La Chasse à la licorne, Lausanne, 1983,pp.54-55.<retour au texte>

<41> Sur l'œuvre de Jean Duvet, voir Jean-Eugène Bersier, Jean Duvet,Le Maître à la licorne, Paris, Berger-Levrault, 1977.<retour au texte>

<42> Cosmas Indicopleustès, Topographie chrétienne, Paris, Cerf, 1968, liv.XI, 7.<retour au texte>

<43>François Le Large, Explications des figures qui sont sur le globe terrestre de Marly, Bibliothèque Nationale, Ms fr.13366, p.140.<retour au texte>

<44> Voici quelques manuscrits de la Bibliothèque de l'Arsenal et de la Bibliothèque nationale dans lesquels on pourra trouver le Dit de l'unicorne : Arsenal 5204, fol.77sq.; fr.837,fol.77sq.; fr.1444, fol.256sq., fr.1553, fol.430sq.; fr.2162,fol.105sq.; fr.12471, fol.24sq.
Un texte de la version rimée a été publié au siècle dernier dans Achille Jubinal, Nouveau Recueil de contes, dits, fabliaux et autres pièces inédites desXIIIème, XIVème et XVème siècles, Paris, 1842, t.II, pp.113-123. Une autre version se trouve dans LucyToumlin-Smith & Paul Meyer, Les contes moralisés deNicole de Bozon, Paris, 1899. Un texte latin du XIIIème siècle figure dans Louis Herrieux, Les Fabulistes latinsdepuis le siècle d'Auguste jusqu'à la fin duMoyen-Âge, Paris, 1890, pp.171 & 416. Plusieurs versions figurent dans l'ouvrage de Jean Sonet, le Roman deBarlaam et Josaphat, Paris, 1952. La thèse de Dorothy Lynne Schrader, Le Dit de l'unicorne, Florida State University, 1976, est consacrée à ce texte.
<retour au texte>

<45>LeTiers volume de Vincent, Miroir historial, Paris, chez Antoine Vérard, vers 1495, liv.XVII, ch.15, fol.8-9.<retour au texte>

<46> Jacquesde Voragine, La Légende dorée, GF Flammarion,t.II, p.415.<retour au texte>

<47> Pour quelques détails supplémentaires sur ce point, et sur les différents passages bibliques concernés, voir notamment Jean-Pierre Jossua, La licorne, Histoire d'un couple, Paris, Cerf, 1985, p.18 et surtout Allen H. Godbey,«The Unicorn in the Old Testament», in The AmericanJournal of Semitic Languages and Litteratures, Juillet 1939, vol.LVI, pp.256-296. La Vulgate emploie le terme unicornis en sept endroits: Nombres, XXIII, 22 ; Deutéronome, XXXIII, 17 ;Psaumes, XXII, 21 ; Psaumes, XXIX, 6 ; Psaume, XCII, 10 ; Isaïe, XXXIV, 7 ; Job, XXXIX, 9-12. Voir aussi infra, t.II, p.157.<retour au texte>

<48> ou 21 selon certaines numérotations.<retour au texte>

<49>«Libera me ab ore leonis et a cornibus unicornium humilitatem meam» selon le texte de la Vulgate.<retour au texte>

<50> ConradGesner, Historia Animalium, de Quadrupedibus Viviparis, Francfort, 1603 (1551), p.692.<retour au texte>

<51>Prestre Jehan à l'empereur de Rome et au roy de France,s.l.n.d., texte imprimé du XVème siècle,cité in Ferdinand Denis, Le Monde enchanté, Paris, 1843, p.192.<retour au texte>

<52> Voir au chapitre suivant la bibliographie générale sur ce sujet déjà longuement discuté.<retour au texte>

<53> On trouve dans la littérature médiévale quelques allusions à l'orgueil de la licorne, mais rien ne prouve qu'elles soient liées à ce récit. Saint Bernard de Clairvaux encourage ainsi l'homme à lutter contre ses démons intérieurs, «la rage du lion, l'impudeur du bouc, la férocité du sanglier, la superbe de la licorne», Tractatus de Interiori Domo, seu de Conscientia Ædificanda, ch.XII, in Migne, Patrologie latine, vol.CLXXXIV, col.516-517. Pour Thomas d'Aquin, la licorne «a unecorne, et pour cela signifie les puissants et les rois», Commentaire sur Isaïe, XXXIV, 7.<retour au texte>

<54> Joseph Boillot-Lengrois, Nouveaux Portraits et figures de termes pouruser en l'architecture, composez et enrichiz de diversité d'animaux représentez au vray, selon l'antipathie et contrariété naturelle de chacun, Langres, 1592,fol.20-21.<retour au texte>

<55> Par exemple sur une miniature du De Nobilitatibus Sapientius etPrudentius Regnum de Walter de Milimete, peinte vers 1386, qui se trouve à la Christ Church Library d'Oxford (Ms EII (92), fol.46 v°). Dans ce combat, c'est la licorne qui a visiblement le dessus.<retour au texte>

<56>Shakespeare, Jules César, II,1.<retour au texte>

<57>«Like as a Lyon whose imperial powre
A proud rebellion Unicorn defyes
T'avoid the rash assault and wrathful stowre
Of his fiers foe, him to a tree applyes
And when him running in full course he spyes
He slips aside: the whiles that furious beast
His precious horne, sought of his ennemyes,
Strikes in the stocke, ne thence can be releast,
But to the mighty victor yields a bounteous feast»
Edmund Spenser (1552-1599), The Faerie Queene,II.5,10.

 «I once did see
In my young travels through Armenia
An angrie unicorn in his full carier
Charge with too swift a foot a Jeweller
That watcht him for the Treasure of his browe;
And ere he could get shelter of a tree,
Naile him with his rich Antler to the Earth.»
George Chapman (1559-1634), Bussy d'Ambois, part.I, II.1,52.
<retour au texte>

<58>«D'une licorne, répondit le petit tailleur, je m'effraie encore moins que de deux géants. Sept d'un coup, c'est ma devise. Il se munit d'une hache et d'une corde pour partir vers la forêt, suivi de son escorte, à laquelle il donna l'ordre de l'attendre sur la lisière, quand ils y furent arrivés. Et il entra tout seul, comme la première fois, dans la forêt sauvage. Il n'attendit pas longtemps, car déjà la licorne arrivait, fonçant sur lui tête baissée et comme pressée d'en finir aveclui. “Du calme, du calme, dit-il, cela ne vaut rien d'aller si vite.” Et il attendit sans bouger, jusqu'au moment ou l'animal fut prêt à le toucher. Il se cacha alors lestement derrière un arbre. Lancée de toute la vitesse de son galop, la licorne embrocha l'arbre et enfonça sa longue corne si profondément dans le tronc, qu'elle n'eut pas la force de l'en retirer et resta prisonnière. “Je le tiens, mon petit oiseau”, dit le tailleur qui sortit de derrière son arbre pour passer la corde au cou de la licorne, puis dégager sa prisonnière de l'arbre à coups de hache. Après quoi, il la mena devant le roi» [et, bien sûr, épousa la princesse]. Jacob & WilhelmGrimm, Le vaillant petit Tailleur.<retour au texte>

<59>Le Romans de la dame à la lycorne et du beau chevalier au lyon, éd. Gennrich, Dresde, 1909.<retour au texte>

<60> La thèse selon laquelle les tapisseries de La Dame à la licorne auraient été tissées à l'occasion d'un mariage ne fait plus aujourd'hui l'unanimité. AlainErlande Brandenburg (La Dame à la licorne, Paris, 1989,p.67) la condamne au nom des règles de l'héraldique: s'il s'agissait d'un cadeau de noces, les armes de la mariée devraient être mi parti, à dextre des armes du mari, à sénestre de celles du père, alors que l'on a ici des armes pleines. Ces règles n'étaient cependant pas toujours strictes, les armes représentées sur un présent pouvant dépendre du prestige comparé desdeux familles, ainsi que de la personne et de l'intention de celui qui offrait le cadeau, ou tout simplement du délai nécessaire à la réalisation d'une telle œuvre.<retour au texte>

<61> Une comptine anglaise, citée par Lewis Caroll dans De l'autrecôté du miroir, rappelle l'origine de ces supports d'armes:
The lion and the unicorn
were fighting for the crown
The lion beat the unicorn
all around the town
(Le lion et la licorne
se disputaient la couronne
Le lion battit la licorne
tout autour de la ville)
<retour au texte>

<62> Il existe un important corpus de textes symbolistes et ésotériques modernes sur l'association du lion et de la licorne. Ils font remonter le double couple lion/licorne et soleil/lune à la plus haute antiquité, s'appuyant invariablement sur le même bas relief des ruines de Persépolis figurant l'affrontement entre un lion et ce qui semble être un buffle unicorne. Ils transposent l'opposition entre le lion et la licorne dans la symbolique alchimique, qui semble l'avoir largement ignorée, et ramènent l'essentiel de la légende de la licorne à sa symbolique lunaire. L'ouvrage de Robert Brown, The Unicorn, a Mythological Investigation, qui est à l'origine de cette doctrine, parut à Londres en 1881, à une époque où il était de bon ton de voir dans tout ce qui était un peu ancien des représentations solaires et lunaires.
Le caractère unicorne des animaux représentés de profil dans les bas reliefs antiques peut-être discuté. A supposer qu'il soit réel, il est pour le moins osé d'en déduire une continuité symbolique et iconographique entre un bas-relief antique et des miniatures de la fin du Moyen-Âge. Voir sur ce point Cyril G.E. Bunt, «TheLion and the Unicorn», in Antiquity, vol.IV, Gloucester,1930, pp.425-437.

<LXIV>
Le combat du lion et de la licorne, d'après un bas relief des ruines de Persépolis. Gravure du livre de l'explorateur Carstens Niebuhr,Voyage en Arabie et en d'autres pays circonvoisins, Amsterdam, 1779, qui fit connaître cette image en Europe.<retour au texte>

<63> Sur un livre de modèles florentin du milieu du XVème siècle, on voit un dessin à l'aquarelle d'une licorne piétinant une biche et s'apprêtant visiblement à la dévorer (Musée du Louvre, Collection Edmond deRothschild, n°754-763d.R., fol.5v°). A la même époque, sur la Bible de Borso d'Este, une blanche licorne était représentée affrontant un dragon; la référence à l'iconographie de Saint Georges affrontant le dragon est évidente, et l'albe bête a donc ici, malgré sa violence, une valeur tout à fait positive (Modène, Biblioteca Estense, ms Cl 11N132, vol.II,fol.185).<retour au texte>

<64> Sur l'iconographie de cette scène, voir aussi t.II, pp. 202, 266.<retour au texte>

<65> Dans son commentaire du psaume XXII, Bède le Vénérable écrivait déjà: «Sauve moi, humble serviteur, des cornes, c'est à dire de l'orgueil et de l'arrogance des unicornes, ou plutôt des juifs qui se dressent, forts de la superbe de leur loi unique. Car l'unicorne, qui n'a qu'une seule corne, est comparé aux juifs qui avaient presque une corne, puisqu'ils croyaient en un seul Testament et à la promesse d'une vie terrestre et non aux cieux». Mais, au début du VIIIème siècle, le saint anglais se faisait de l'unicornis une image qui devait sans doute plus au rhinocéros d'Isidore de Séville qu'au chevreau du Physiologus. Cette allégorie, encore reprise au IXème siècle par le théologien allemand Raban Maur dans son De Naturis Rerum, fut ensuite délaissée par les bestiaires. cf. Jacques Voisenet, Bestiaire chrétien, l'imagerie animale des auteurs du Haut Moyen-Âge, Toulouse,1994, p.317.<retour au texte>

<66> Le dramaturge italien Dario Fo rapportait ainsi un conte sicilieni nspiré d'une fable d'Ésope. La licorne, absente de la fable originelle, apparaît dans ce récit sous un jour peu flatteur: Une féroce licorne arrivée depuis peu dans la forêt s'attaquait au lion, à l'ours, au tigre età tous les autres animaux. Feignant de vouloir la paix, ces derniers coupèrent leurs griffes et dirent à la nouvelle venue: «Tu vois, nous n'avons plus de griffes, nous ne sommes plus un danger pour toi. Fais comme nous, et fais scier ta corne en gage de bonne volonté.» Convaincue, la sauvage licorne fit ce qu'on lui suggérait. Mais, contrairement aux griffes, la corne ne repousse pas. L'allégorie était mise au goût du jour par l'écrivain contestataire, la licorne représentant les syndicats réformistes, le lion et l'ours, le patronat.<retour au texte>

<67>L'identification des démons aux animaux du bestiaire n'est pas exceptionnelle: «onocentaures, poilus, sirènes, lamies, hiboux, autruches, hérissons, aspics, basiliscs, lions, dragons, scorpions» lit-on dans le traité de Jean Cassien, cité par Blaise Cendrars, Bourlinguer, Denoël, Folio, p.124.<retour au texte>

<68> Voir la thèse de Philippe Brun, Saint Antoine ermite, Essai de mythologie chrétienne, Grenoble III, 1992.<retour au texte>

<69> La question de savoir jusqu'à quel point le Physiologus et lesCyranides sont indépendants reste ouverte. Les deux ouvrages ont des origines hellénistiques peut-être contemporaines; leurs contenus sont différents mais similaires. Marco Restelli voit dans les Cyranides l'une des sources possibles du Physiologus (Marco Restelli, Il Ciclodell'unicorno, Venise, 1992, p.21), mais en l'absence d'une datation précise de ces deux textes il est impossible de se prononcer. Il reste que le Livre des secrez de nature sur la vertu des oyseauls et des poissons pierres herbes et bestes, par exemple, montre que les Cyranides ont exercé sur le bestiaire médiéval une influence certes marginale, mais distincte de celle, dominante, du Physiologus.<retour au texte>

<70>The Florentino Fior di Virtu, Washington, Library of Congress, 1953,p.90. Léonard de Vinci, Carnets, éd. MacCurdy, Gallimard, 1986, t.II, p.460.<retour au texte>

<71> Voirinfra, p. 151.<retourau texte>

<72> Sur la signification de la corne unique dans cette gravure, on pourra consulter la thèse de Françoise Rücklin, LaCondition humaine d'après Dürer, essai d'interprétation symbolique des Meistertiche, Zurich,Thesis Verlag, 1995, p.57. Le subtil distinguo, emprunté au Bestiaire du Christ de Louis Charbonneau-Lassay, que l'auteur y fait entre la symbolique de la licorne et celle de l'oryx unicorne est cependant largement infondé.
Il y aurait beaucoup à dire sur le statut très particulier de l'œuvre de Louis Charbonneau-Lassay dans la littérature érudite. L'homme, féru de symbolique chrétienne et ami de René Guénon, n'était sans doute pas de gauche, mais son œuvre, purement descriptive et au demeurant assez médiocre, n'a rien d'idéologique. Pourtant, le fait de citer Charbonneau-Lassay est devenu, depuis une vingtaine d'années, un signe de reconnaissance discret, presque secret, d'un certain ésotérisme d'extrème droite, héritier intellectuel de Julius Évola.
<retour au texte>

<73>Dürer a cependant également représenté la licorne avec une corne courte et recourbée. On trouvera de petites licornes à corne droite sur la frise qui entoure le portail du temple dans une autre gravure de Dürer, Le Mariage de la Vierge.<retour au texte>

<74>Apocalypse, XII, 3.<retour au texte>

<75> Dante, La Divine Comédie, Le Purgatoire, chant XXXII.<retour au texte>

<76> MarcPetit, «La Traversée du solitaire», in Histoiressans fin, Paris, Stock, 1998.<retour au texte>

<77> Sur la signification érotique de la licorne, voir Jean Pierre Jossua, La Licorne, histoire d'un couple, Paris, Cerf, 1985, et Gustav René Hocke,Labyrinthe de l'art fantastique, Le Maniérisme dans l'art européen, Paris, Gonthier,1967, pp.197-200.<retour au texte>

<78> Richard de Fournival, Le Bestiaire d'amour, éd. Hippeau, Paris,1860, pp.23-24.<retour au texte>

<79> GeorgesChastelain, Le livre des faits de Jacques de Lalaing, in Œuvres, éd. Kervyn de Lettenhove, Bruxelles, 1866,t.VIII, pp.188-202.
Voir aussi Johan Huizinga, Le Déclin du Moyen-Âge, Paris, Payot, 1932, p.98.
<retour au texte>

<80> A.E.Popham, Les Dessins de Léonard de Vinci, Bruxelles,1947, n°110.
Gustav René Hocke, Labyrinthe de l'art fantastique, Le Maniérisme dans l'art européen, Paris, Gonthier,1967, p.198.
Il existe une gravure du XVIème siècle, parfois attribuée à Jean Duvet, qui représente cette même scène. Voir Jean-Eugène Bersier,



12/06/2007
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